Taux directeur: la Banque du Canada gagnera-t-elle son pari?
Pierre Cléroux|Publié le 22 juillet 2022«La réaction des consommateurs et des entreprises aux fortes hausses demeure la grande inconnue.» (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. La semaine dernière, la Banque du Canada a surpris tous les analystes en augmentant son taux directeur de 100 points de base. Une première depuis 1998! La Banque s’est appuyée sur les analyses de la Bank of International Settlements, qui démontrent qu’une forte et rapide augmentation des taux donne une meilleure chance de ralentir l’économie en douceur et d’éviter une récession. Est-ce la bonne stratégie?
La Banque du Canada estime que la croissance a atteint 4% au deuxième trimestre après une augmentation de 3,1% au premier trimestre. Ces niveaux de croissance sont bien au-dessus de la croissance potentielle de l’économie canadienne. À preuve, le marché du travail présente l’un des plus bas taux de chômage que nous avons connus. De plus, tous les secteurs de l’économie font face à des pénuries de main-d’œuvre et il y a près de 900 000 postes vacants au Canada. On peut conclure que l’économie canadienne tourne à plein régime! Le problème est que ces bonnes nouvelles créent une surchauffe, qui met une pression sur les prix, portant le taux d’inflation à 8,1%.
La stratégie de la Banque du Canada est d’augmenter les taux rapidement afin de ralentir l’économie et diminuer l’inflation sans créer une récession. Cette stratégie a eu un effet immédiat sur le marché de l’habitation: le volume de transactions a diminué et le prix moyen d’une maison a baissé de 11%. La hausse des taux n’a pas encore eu beaucoup d’effet sur la consommation. Toutefois, l’augmentation de 100 points de base annoncée la semaine dernière devrait refroidir les ardeurs des consommateurs dont le pouvoir d’achat a été réduit par des paiements d’intérêts plus élevés et une hausse des prix…
L’économie peut soutenir la hausse des taux
Malgré une réduction de leur pouvoir d’achat, plusieurs facteurs nous indiquent que les consommateurs peuvent absorber les hausses de taux pour plusieurs raisons. Les Canadiens ont accumulé beaucoup d’épargne au cours des deux dernières années et leurs revenus ont augmenté. Le bilan des ménages canadiens s’est amélioré au cours des dernières années et ils sont en bien meilleure position financière qu’avant la récession de 2008. De plus, les taux d’intérêt représentent aujourd’hui un plus faible pourcentage du budget des ménages canadiens. Ces derniers ont aujourd’hui une plus grande marge de manœuvre pour faire face à la hausse des taux ; la consommation devrait ralentir sans s’effondrer.
La stratégie de la Banque du Canada n’est pas sans risque, mais l’économie canadienne devrait pouvoir absorber ces hausses de taux sans tomber en récession. La réaction des consommateurs et des entreprises aux fortes hausses demeure la grande inconnue. Au-delà de la capacité de payer des taux d’intérêt plus élevés, le ralentissement de l’économie dépend surtout du niveau de confiance de ces acteurs.