Peter G. Hall, vice-président et économiste en chef d'EDC (Photo: EDC)
PERSPECTIVE DES MARCHÉS ÉTRANGERS. Le contexte économique évolue rapidement, mais les perspectives de marché restent bonnes pour les exportateurs du pays. Les Affaires en a discuté avec Peter G. Hall, vice-président et économiste en chef d’Exportation et développement Canada (EDC).
S.L. – Quels marchés sont actuellement les plus intéressants pour les exportateurs canadiens ?
P.G.H. – La Chine. Elle croît nettement plus rapidement que notre premier partenaire traditionnel, les États-Unis. En fait, si la Chine continue de croître au même rythme qu’elle l’a fait depuis 2000, et je crois que c’est possible, celle-ci deviendra notre premier partenaire de commerce de marchandise dans un peu plus de 25 ans. Un constat étonnant. Nous sommes comme l’Australie, dans les années 1980, qui a réalisé qu’elle était une économie asiatique, et non pas européenne. En raison des tensions commerciales actuelles, c’est aujourd’hui un peu plus difficile pour les entreprises de planifier leur stratégie. Malgré cela, je crois que la Chine reste, parmi les économies émergentes, le marché le plus intéressant pour le Canada.
S.L. – Quels secteurs y ont le plus de potentiel ?
P.G.H. – Le secteur alimentaire. Il connaît une croissance phénoménale. Et pour cause : la classe moyenne chinoise ajoute annuellement à ses rangs un nombre de personnes équivalent à la population entière du Canada. Cela engendre donc non seulement une augmentation des quantités consommées, mais aussi de la qualité. Une industrie qui en profite est celle des pêcheries. Étonnamment, ce ne sont pas les pêcheries de l’ouest du pays qui sont les plus convoitées, mais celles de l’est : le homard, les palourdes et une foule d’autres produits que nous méconnaissons. La demande de viande, comme le porc, mais aussi le boeuf et la volaille, est aussi en hausse. Comme le Québec est une province avec une industrie agroalimentaire solidement établie, je crois que les exportateurs de ce secteur devraient considérer cette occasion.
S.L. – Outre la Chine, quels marchés émergents devraient intéresser les exportateurs ?
P.G.H. – J’irais d’abord en Amérique latine. Le Mexique, par exemple, est un vaste pays qui reste à être développé. La croissance est forte, et bien qu’il y ait des incertitudes économiques liées au gouvernement actuel – les entreprises mexicaines elles-mêmes sont préoccupées -, les perspectives à long terme demeurent excellentes. Le Brésil serait ma cible suivante. Oui, il y a des défis, notamment en matière d’infrastructures : le transport de marchandises est très difficile. Le pays semble toutefois motivé à trouver des solutions. Les investisseurs institutionnels comme l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada ou encore la Caisse de dépôt et placement du Québec n’investiraient pas là-bas s’ils estimaient que les difficultés allaient persister éternellement. L’avenir du Brésil est prometteur. La Colombie, le Pérou et le Chili sont également intéressants pour les investisseurs et exportateurs. L’Argentine, par contre, reste encore trop volatile. Idem pour le Venezuela. Ce pays redeviendra peut-être intéressant éventuellement, mais je doute que ce soit le cas dans un avenir proche.
S.L. – En ce qui a trait aux États-Unis, croyez-vous que le discours protectionniste ait réduit l’attractivité de ce marché pour les exportateurs d’ici ?
P.G.H. – Je ne crois pas. Les États-Unis sont à un jet de pierre du Canada. Ils sont la nation la plus riche, la plus efficace et la plus innovatrice du monde. La création de richesse va se poursuivre là-bas pendant encore très, très longtemps. Le discours protectionniste n’est pas une raison de délaisser ce marché, mais bien seulement de développer notre capacité de servir également d’autres marchés, notamment celui de la Chine. Je ne conseillerais jamais à personne de tourner le dos aux États-Unis !
S.L. – Que devraient faire les exportateurs pour se préparer à exporter ?
P.G.H. – Trois choses. D’abord, des études sur le marché ciblé. Ensuite – et c’est essentiel -, développer des relations. Il faut ouvrir la communication avec les ambassades, les chambres de commerce et les délégués commerciaux. Parlez aussi avec les entreprises sur le terrain. Enfin, il faut s’informer. Parlez aux firmes qui exportent déjà là-bas. Si vous n’êtes pas en concurrence directe, elles seront plus ouvertes à partager leur expérience avec vous.
S.L. – Le mot «récession» est sur bien des lèvres. Voyez-vous là un grand risque pour les exportateurs ?
P.G.H. – L’économie mondiale ralentit, c’est vrai. Mais les entreprises n’y peuvent pas grand-chose. Je crois fermement qu’il y a toujours des occasions, si nous prenons le temps de nous y attarder. Une fois que les tensions commerciales se seront résorbées, l’économie se remettra sur pied. Nous pourrions alors connaître plusieurs années de croissance assez solide. Ceux qui se seront préparés auront une longueur d’avance.