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Jean-Paul Gagné

Droit au but

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Analyse de la rédaction

TPS évitée: incurie injustifiable du gouvernement Trudeau

Jean-Paul Gagné|Édition de la mi‑mai 2019

CHRONIQUE. En refusant de faire percevoir la TPS sur les produits et services numériques vendus au Canada par des firmes étrangères, le gouvernement fédéral s’est privé de 169 millions de dollars en 2017.

En réalité, c’est nous, les contribuables, qui avons été privés de cet argent puisque Ottawa décide des impôts et des taxes que nous devons lui payer. Ces 169 M$ auraient pu être utilisés pour réduire notre déficit et notre dette publique.

Cette somme, calculée par le ministère des Finances, est probablement sous-estimée. Puisque le commerce en ligne croît très rapidement, la perte du fédéral a été encore plus grande en 2018 et elle sera à nouveau supérieure en 2019.

La non-perception de cette taxe est dénoncée par le vérificateur général du Canada, mais cette incohérence n’ébranle pas le premier ministre, Justin Trudeau, qui répond bêtement qu’il ne veut pas accroître les taxes des Canadiens. Sait-il au moins que, ce faisant, il nuit à l’économie canadienne de deux façons ?

Primo, il favorise une concurrence déloyale contre les entreprises canadiennes, dont les prix deviennent ainsi moins concurrentiels que ceux des grandes multinationales étrangères, telles que Google, Facebook, Netflix, Amazon, Apple, Spotify, etc. qui, non seulement ne paient à peu près pas d’impôt au Canada, mais envoient une grande partie de leurs profits à l’étranger et, souvent, dans des paradis fiscaux.

Secundo, en permettant aux sociétés établies à l’étranger de ne pas percevoir de TPS sur les produits et services étrangers vendus au Canada par voie électronique, Ottawa encourage des sociétés canadiennes à se doter d’une filiale étrangère pour faire du commerce électronique au Canada et il décourage les entreprises étrangères à s’établir à cette fin au Canada.

Bref, le refus du gouvernement canadien de s’attaquer à cet enjeu est une aberration totale. Celui-ci démontre une incompréhension aussi stupide de la gestion de l’économie que celle du président Donald Trump qui, en multipliant les tarifs douaniers, ne se rend pas compte qu’il fait monter les prix des biens et services qu’achètent ses propres citoyens.

La démarche du gouvernement Trudeau est tellement singulière que, sur 60 pays sondés par l’OCDE sur cette question, le Canada fait partie des deux exceptions à ne pas faire percevoir de taxe de vente sur le commerce électronique provenant de l’étranger. Il suffirait d’un petit amendement à la Loi de l’impôt sur le revenu pour obliger les fournisseurs étrangers de produits et de services numériques à s’inscrire au registre de la TPS.

Au lieu de cela, Ottawa compte sur les déclarations volontaires des acheteurs canadiens de ces produits et services numériques étrangers, ce qui est tout à fait ridicule. Selon Statistique Canada, seulement 524 formulaires ont été remplis à cette fin par des Canadiens en 2017-2018 sur les 46 millions de paquets de faible valeur livrés de l’étranger. Quant aux dépenses annuelles totales de téléchargement de produits culturels, elles se sont élevées cette même année à 2 milliards de dollars. Pour sa part, le partage d’hébergement a généré des revenus de 2,8 G$.

60 M$ de revenus au Québec

Société distincte au sein du Canada, le Québec fait percevoir, depuis le 1er janvier, sa TVQ sur les téléchargements étrangers de produits culturels. Cette mesure, qui a rapporté 15,5 M$ en trois mois, devrait générer 60 M$ à sa première année, soit le double de ce qui avait été anticipé. Alors que Québec visait surtout les géants du Web, plus de 100 sociétés figurent déjà au registre de la TVQ sur un potentiel d’environ 150. Québec ne fait toutefois pas percevoir sa TVQ sur les produits physiques achetés de l’étranger en raison des difficultés liés à sa perception, qui requiert la collaboration des services douaniers.

Malheureusement, le dernier rapport du vérificateur du Canada nous apprend que ceux-ci sont mal gérés. Alors que ses systèmes de gestion de données sont peu automatisés, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) se fie à la «bonne foi des sociétés de messagerie» pour que celles-ci déclarent et versent les taxes perçues auprès des consommateurs. Or, une vérification de 13 515 paquets à risque élevé déclarés à l’ASFC en 2013-2014 a révélé que leur valeur réelle de 13,5 M$ représentait 17 fois leur valeur déclarée de 800 000 $. Comment ne pas y voir à nouveau un laisser-aller exaspérant, au grand mépris des contribuables?

La ministre du Revenu, Diane Lebouthillier, explique le désintérêt de son gouvernement envers la perception de la TPS par le fait qu’il préfère chasser les gros poissons.

On voudrait bien la croire, mais la performance du fisc canadien paraît bien pâle en regard des succès d’autres pays dans cette pêche. Alors que 22 pays dénoncés pour évasion fiscale dans les Panama Papers ont récupéré 1,2 G$ d’impôts en trois ans, le Canada n’a fait que 116 vérifications, qui n’ont généré que 15 M$ en impôts et pénalités.

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