(Photo: Charles Deluvio pour Unsplash)
L’enfant-roi a perdu son trône. Il boude. Il veut se venger contre les responsables de son malheur.
Mélania l’a dit: quand Donald est attaqué, sa vengeance est dix fois pire que le coup reçu.
Donald n’accepte pas la défaite. Quand la première ministre du Danemark lui a dit que le Groenland n’était pas à vendre, il a annulé sa visite à Copenhague.
Il a été élevé à la manière d’un pit-bull. Fred, son père, lui a inculqué que, dans la vie, il fallait se battre, gagner, renverser son adversaire. Ceux qui perdent sont des « losers », incluant les militaires qui ont laissé leur vie au front. Trump a qualifié de « loser » le sénateur John McCain, héros de la guerre du Vietnam, parce qu’il s’est fait attraper et martyriser.
À la maison, Donald était roi et maître. Adulé par son père, l’enfant-roi terrorisait son petit frère Robert (mort il y a quelques mois). Comme sa mère ne pouvait en venir à bout, Fred l’envoya à l’Académie militaire de New York, où on a renforcé ses prédispositions de gagneur à tout prix.
Donald a évité le service militaire grâce à des manœuvres de Fred et il a été admis à l’Université Northwestern grâce à l’aide d’un complice. Des tricheries qui seront suivies de plusieurs autres.
L’argent et le pouvoir
Un vrai homme n’a ni émotion, ni empathie, lui a enseigné Fred, magnat de l’immeuble locatif dans le Bronx et le Queens. Donald a appris à ne pas se laisser attendrir par les gens qui avaient du mal à payer leur loyer. L’argent était la valeur première de la famille. Avec l’argent, Fred s’est acheté une image (il a acheté une Rolls-Royce à sa femme) et un statut. Il a pu obtenir des faveurs des politiciens.
Pour protéger la valeur de leurs immeubles, les Trump refusaient de louer à des noirs. Ils ont été condamnés à des amendes pour cela même s’ils avaient un des avocats les plus coriaces de New York, Roy Cohn, qui avait fait la chasse aux supposés communistes aux côtés du sénateur McCarthy. (Cohn a aussi eu comme clients des mafieux, tel John Gotti, des milliardaires corrompus, et même… l’Archidiocèse de New York. Il a été radié du Barreau après avoir tenté de s’emparer d’un legs testamentaire.)
Après être entré dans l’entreprise familiale, Donald s’est lancé dans plusieurs aventures, dont plusieurs se sont soldées par des faillites et qui ont coûté beaucoup d’argent à Fred, heureux d’aider son fils, qui faisait rayonner le nom de Trump à Manhattan, un rêve qu’il n’avait jamais pu réaliser lui-même.
Seul et désespéré
Aujourd’hui, Donald est seul et désespéré. Il n’a plus personne pour le tirer de l’embarras. Il sait qu’il a perdu, mais il soutiendra toujours qu’il s’est fait voler l’élection. Narcissique, égocentrique, amoral, dérangé, menteur, tricheur, hargneux, revanchard, prêt à diviser le pays et à miner la démocratie pour protéger son image de gagnant, il a recruté à des avocats malhonnêtes, dont Rudy Giuliani, qui ont présenté et perdu à la Cour des dizaines de requêtes futiles. Ce dernier fait maintenant l’objet de plaintes pour manquements à l’éthique. Sa carrière finira en queue de poisson.
Lâché par Wall Street et par plusieurs républicains, Trump a accepté que le processus de transition débute. Mais il ne manquera pas de venger contre ceux qui ont été déloyaux et qui l’ont contredit.
Héritage catastrophique
Son héritage est catastrophique. Il a isolé son pays, nuit à sa réputation, miné sa réputation, affaibli des alliances politiques et commerciales, ignoré la menace climatique, soutenu des milices racistes et complotistes, endetté le gouvernement, accru les inégalités sociales, alimenté les tensions sociales, coupé dans l’aide aux démunis, enrichi les riches, séparé des familles d’immigrants illégaux, fait mettre en cage plus de 500 enfants dont on ne retrouve plus les parents, enrichi ses propres entreprises aux dépens de l’État, bâti un mur avec de l’argent détourné et, évidemment, très mal géré la pandémie de la Covid-19.
Trump a nommé des centaines de juges conservateurs pour plaire à sa base, aux églises évangéliques et au chef de la majorité républicaine au sénat, Mitch McConnell, dont la principale contribution, depuis 12 ans, a été de bloquer l’administration Obama et d’empêcher la destitution de Trump.
Cynique et fin stratège, McConnell gardera la même attitude face à Biden. Il continuera de travailler pour son parti plutôt que pour le pays. Plus ce sera difficile pour Biden à cause de la pandémie, de la récession, des faillites, des tensions sociales et des coups bas des complotistes, meilleures seront les chances du Parti républicain aux élections de mi-mandat en novembre 2022.
McConnell cherchera par tous les moyens de conserver les 74 millions d’électeurs qui ont voté pour Trump et de faire élire au sénat les deux candidats républicains aux élections complémentaires du 5 janvier 2021 en Georgie. Si le Parti démocrate remporte ces sièges, le sénat sera alors divisé à 50-50, ce qui donnera à la vice-présidente Kamala Harris un vote prépondérant en cas d’égalité.
Deux mois d’incertitudes
Difficile de dire de quoi sera faite la période transitoire, qui durera jusqu’à midi, le 20 janvier 2021.
Il y a fort à parier que Trump continuera de régler ses comptes, de congédier des fonctionnaires, d’en nommer d’autres pour leur loyauté envers lui, de gracier certains accusés qui lui ont déjà rendu service. Il pourrait tenter de se gracier lui-même puisque cela n’est pas interdit dans la Constitution.
Il continuera de passera des décrets pour soutenir des entreprises, déréglementer, enrichir des amis. Il vient d’ouvrir la voie à l’émission de permis d’exploration d’hydrocarbures dans une importante réserve faunique de l’Alaska. Il vient aussi de sortir son pays du Traité Ciel Ouvert, qui réunit 35 États et qui permet des vols de reconnaissance non armés.
Nul doute aussi que plusieurs de ses sbires les plus loyaux, tels que Bill Barr à la Justice, Mike Pompeo au Secrétariat d’État, Wilbur Ross au Commerce, et d’autres pourraient se permettre quelques coups fourrés pour nuire à Biden, semer le chaos et nuire à la relance de la gestion efficiente et harmonieuse des affaires de l’État.
Reddition de compte à l’horizon
Enfin, Trump doit se préoccuper de son atterrissage dans le monde réel. Il pourrait relancer son projet de média électronique.
Il doit toutefois préparer sa défense face aux poursuites criminelles qui l’attendent et s’occuper des finances de son empire. Selon Forbes, les dettes de la Trump Organization s’élèveraient à 1 G$ US. De son côté, Reuters vient de révéler que la Deutsche Bank, qui a un immense problème de réputation à gérer, veut se faire rembourser des prêts de 340 M$ US, qui viennent toutefois à échéance dans deux ans.
Donald et ses soeurs sont aussi visés par une poursuite de Mary Trump, qui prétend qu’elle n’a eu pas eu droit à sa juste part de l’héritage de plusieurs centaines de millions $ US laissé par Fred. Mary est la fille de Freddie (frère aîné de Donald), mort dans la misère après avoir été poussé à l’alcoolisme à la suite du harcèlement familial dont il aurait été victime.