Drôle de contraste : alors que Disney dévoilait hier les détails de son service Disney+ à 7$US par mois, lequel sera offert partout sur la planète d’ici deux ans, Pierre-Karl Péladeau, le PDG de Québecor, en rajoutait dans sa tentative de faire plier Bell sur les redevances à payer pour diffuser sa chaîne TVA Sport.
M. Péladeau expliquait à RDI Économie plus tôt cette semaine que Bell prive sa chaîne d’environ 7 millions de dollars par an, en ne lui remettant pas la somme désirée. 7 millions $, sur des revenus annuels pour le groupe TVA de plus d’un demi-milliard (551M$ en 2018). Québecor étant engagée dans une campagne contre les services en ligne étrangers comme Netflix, devrait peut-être plus s’inspirer de ceux-ci dans sa démarche.
Aux États-Unis, Disney en découdra avec Netflix, Amazon et Apple, bien sûr, mais aussi avec Hulu, un service qui ressemble à peu près à Illico, chez Vidéotron. La maison mère de Mickey Mouse possède également la chaîne sportive ESPN, et a promis un service par abonnement exclusivement sportif sous peu, en plus d’un Disney+ axé sur le divertissement au sens plus large (et plus familial).
Chez nos voisins du sud, le phénomène du débranchement aux services télé traditionnels (souvent résumés par «le câble») est plus prononcé que chez nous. Mais n’allez pas croire que le Canada et le Québec ne sont pas dans la mouvance : les abonnés sont à la baisse partout au pays, et plus les téléspectateurs sont jeunes, moins ils ont recours au câble. Et encore moins aux chaînes spécialisées.
La plus récente donnée à ce sujet indique que 40% des moins de 30 ans n’ont aucune intention de payer pour la télé traditionnelle.
It all starts on November 12. For more info: https://t.co/RD04P7jdAT #DisneyPlus pic.twitter.com/M1QI7qkH5p
— Disney (@Disney) 12 avril 2019
Le défi de l’accessibilité
Naturellement, TVA Sport est dans une situation difficile : le groupe TVA doit payer une fortune pour les droits de diffuser le hockey de la LNH, générant des cotes d’écoute probablement pas aussi élevées qu’espérées, vu les équipes en lice pour la Coupe Stanley en ce moment. L’importance de générer des revenus, pour une entreprise déficitaire depuis sa naissance, est élevée.
Et pour son service web par abonnement, disons que le marché québécois n’est pas exactement aussi grand que le marché anglophone nord-américain. Le catalogue de TVA Sport comprend quelques exclusivités, dont le soccer de l’Impact en MLS, qui pourrait le démarquer de RDS GO, le service de diffusion de son rival Bell, mais à 20$ par mois, ce n’est pas exactement l’aubaine du siècle.
Historiquement, on l’a vu dans d’autres sphères du divertissement comme la musique et le reste de la télé, quand les diffuseurs traditionnels tentent de jouer à armes égales avec des services plus abordables, parfois même illégitimes, le succès est loin d’être garanti. Visionner du hockey en ligne sans payer trop cher, voire sans payer du tout, n’est pas exactement la chose la plus difficile à faire.
La LNH a sa propre plateforme de diffusion en direct, qui brouille les matchs des équipes locales. Mais comme aucune équipe locale (lire : le Canadien) ne joue ce printemps, ce n’est pas un gros problème. Rogers revend le signal de la LNH pour toute la durée des séries moyennant 75$.
Les internautes qui n’ont pas trop de remords à aller du côté plus obscur de la vidéo en streaming n’ont même pas débourser un sou pour trouver des sites de diffusion qui proposent les matchs en direct, sur PC ou sur mobile, souvent en pleine HD. Le forum Reddit en affiche des dizaines tous les soirs, à tel point qu’on se demande comment ce site peut encore être toléré par l’industrie.
Ce n’est pas légitime, mais c’est accessible. Cette équation suffit pour bien des consommateurs. C’est ce qu’il y a à retenir ce cette affaire.
Une expérience enrichie
Pour que ceux-ci reviennent vers des services par abonnement, il faut les attirer avec une expérience enrichie unique. Ils doivent se sentir importants, ou à tout le moins, choyés. Pourquoi va-t-on chez Starbucks plutôt que McDonald’s? Certainement pas parce que le barista décide, sur un coup de tête, de ne pas faire de cappuccino de la journée… Ou d’exclure toute forme de lait de vache de son menu pour protester contre la gestion de l’offre canadienne. Disney a rapatrié ses propriétés intellectuelles, incluant celles de Marvel et Pixar, pour offrir un service dont la valeur ajoutée saute aux yeux.
Pourquoi Netflix et ses concurrents investissent-ils des milliards dans des productions originales et exclusives? Parce que ça leur confère une valeur ajoutée qui cible une clientèle précise.
Le cinéma est un autre exemple de réussite. Malgré les milliards de Netflix et de Disney versés dans la production de films à diffuser en ligne seulement, et malgré le lancement souvent simultané de certains films en salles et sur les services sur demande, les ventes de billets de cinéma atteignent des sommets historiques, et la croissance, bien que modeste, n’est pas terminée.
C’est donc signe qu’offrir une expérience unique, même si le produit est accessible de plein d’autres façons, peut convaincre les consommateurs d’ouvrir leur portefeuille. En prenant ces derniers en otage, on les incite à se diriger vers des options plus accessibles, même si elle ne sont pas légitimes.
Il y en a plusieurs parmi celles-ci qui sont même illégales, puisque leur distribution n’est pas autorisée. Mais ça ne les empêche pas d’être populaires. Et quand les consommateurs adoptent une telle habitude, c’est toute une industrie qui en souffre.
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