Le Port de Montréal demeure le seul port au Québec où l’on manutentionne un volume important de conteneurs, mais cela est appelé à changer. (Photo: 123RF)
TRANSPORT ET LOGISTIQUE. Le transport intermodal – c’est-à-dire le transport de marchandises (généralement par conteneurs) impliquant différents modes de transport, notamment maritime, ferroviaire et routier – a grandement contribué à l’amélioration de l’efficacité des chaînes logistiques au cours des dernières décennies, au Québec comme ailleurs dans le monde. Seuls des changements mineurs sont survenus récemment dans la province, mais les années à venir pourraient être témoins de transformations plus importantes.
Au Québec, le transport intermodal est pour le moment essentiellement centré autour du Port de Montréal. «C’est le seul port dans la province où l’on manutentionne des conteneurs avec un volume important», note Jacques Roy, professeur au département de gestion des opérations et de la logistique à HEC Montréal, où il est également responsable du Carrefour logistique.
Il y a plus d’une dizaine d’années, la forte croissance d’utilisation des conteneurs superposés pour le transport ferroviaire – qui rend possible le chargement de deux conteneurs par wagon plutôt qu’un seul – a permis de forts gains de productivité. «Ça a bouleversé les sociétés de chemin de fer, qui ont dû agrandir des viaducs, dit M. Roy. À long terme, cependant, les économies sont considérables : on peut transporter deux fois plus de conteneurs pour le même coût, ou à peu près. C’est peut-être la plus grande innovation depuis la machine à vapeur.»
Dans une moindre mesure, l’arrivée de CSX à Salaberry-de-Valleyfield, en 2015, a aussi changé le portrait du transport intermodal au Québec. En effet, le transporteur ferroviaire américain y inaugurait cette année-là son terminal intermodal d’une capacité de transbordement de 110 000 conteneurs par an. Une construction d’une valeur de 110 M$.
«Nous avons eu longtemps deux entreprises ferroviaires, le Canadien National (CN) et le Canadien Pacifique (CP), qui desservaient le Port de Montréal, précise le professeur Roy. Mais là, ce troisième joueur venait lui aussi transporter des conteneurs entre ici et New York, ou ailleurs aux États-Unis.»
Au mois d’août, CSX annonçait toutefois qu’elle fermerait son terminal de Salaberry-de-Valleyfield. Cette fermeture serait directement liée à la mise en application d’une nouvelle entente de service intermodale annoncée au même moment par CSX et le CN.
Le transport intermodal provincial a récemment bénéficié de quelques autres innovations, bien qu’elles soient mineures. En matière technologique, par exemple, des systèmes informatiques ont été mis en place par les opérateurs de terminaux au Port de Montréal pour que les camionneurs puissent prendre rendez-vous afin de ramasser les conteneurs.
«Il y a eu longtemps des critiques à ce sujet-là, souligne M. Roy. Les opérateurs de terminaux avaient des heures plutôt restreintes et les camionneurs devaient attendre, ce qui créait beaucoup d’insatisfaction. Tout cela s’est beaucoup amélioré au cours des derniers mois.»
Des avancées ont aussi été réalisées pour permettre un meilleur accès routier. Mentionnons par exemple la mise en place, par le ministère des Transports, de bretelles d’accès direct entre le Port et l’autoroute 25.
Nouveau terminal, nouveaux avantages
Ce qui risque de modifier davantage le visage du transport intermodal au Québec est la construction du terminal Laurentia dans la ville de Québec, annoncée en mai dernier. Aménagé au coût de 775 M$ dans l’arrondissement de Beauport – le projet se nommait auparavant Beauport 2020 -, ce terminal en eau profonde devrait pouvoir recevoir jusqu’à 500 000 conteneurs par année. Ce qui équivaut à un peu moins du tiers du nombre de conteneurs manutentionnés au Port de Montréal en 2018, soit 1,7 million.
«Les navires qui se rendent à Montréal par le fleuve Saint-Laurent ont une capacité de 4 500 conteneurs. Mais ici, à Québec, nous avons 15 mètres de tirant d’eau. Notre terminal pourra donc recevoir des navires ayant une capacité allant jusqu’à 12 000 conteneurs», explique Patrick Robitaille, vice-président au développement des affaires du Port de Québec. Il s’agit là d’un atout qu’il qualifie d’«inestimable» pour la province.
Bien que le terminal Laurentia desservira en partie le Québec, ce marché demeure petit. Le Port de Québec souhaite donc surtout cibler les États-Unis, plus précisément, le Midwest américain. «On parle entre autres du grand bassin de population autour des Grands Lacs, incluant notamment Chicago, dit M. Robitaille. Ça va ajouter à la compétitivité du Saint-Laurent.» Ainsi, Québec fera concurrence aux ports de New York et de Norfolk, dans l’État de Virginie, qui ont déjà leur terminal en eau profonde et qui desservent également ces marchés.
L’opérateur portuaire international avec qui le Port de Québec a conclu un partenariat dans le cadre du projet du terminal Laurentia, Hutchison Ports, vise à y construire rien de moins que les «installations de manutention portuaire les plus vertes et technologiques de toute l’Amérique du Nord». Celles-ci seront principalement financées par «un investissement conjoint des trois partenaires» du projet, soit le Port de Québec, Hutchison Ports et le CN.
«Ce sera la première installation d’Hutchison Ports sur le continent, conclut M. Robitaille. Ce sera leur projet phare (flagship). Ils ont l’ambition d’en faire le terminal de conteneurs le plus automatisé possible. En fin de compte, nous aurons donc des rendements plus élevés.»
Il y a plus d’une dizaine d’années, la forte croissance d’utilisation des conteneurs superposés pour le transport ferroviaire a permis de forts gains de productivité.