La filme WSP a réalisé plus d'une trentaine de projets de transport et d'aqueducs avec le mode de contrat par alliance, dont la plupart en Australie. (Photo: 123RF)
LES GRANDS DE L’INGÉNIERIE. Lors des consultations du gouvernement pour évaluer la possibilité d’introduire de nouveaux modes dans les contrats publics, l’Association des firmes de génie-conseil du Québec (AFG) a proposé de faire l’essai du mode collaboratif IPD (Integrated Project Delivery) — aussi appelé contrat «par alliance» — dans le cadre de l’Espace innovation, créé par l’adoption du projet de loi 12 l’année dernière. Voyons de quoi il s’agit.
Dans le mode de réalisation actuel prévu par la loi québécoise, la séquence observée laisse peu de place à la collaboration entre les parties prenantes du projet. La firme responsable de la conception fait les plans de son côté, puis les transfère à l’entrepreneur et aux autres fournisseurs de services en construction, en approvisionnement et en gestion de projet. Chacun se passe la balle et travaille en silo, selon un forfait prévu.
«Dans un mode traditionnel de “conception-construction”, la firme de génie n’a pas intérêt à apporter des modifications à sa conception initiale, même si cela a le potentiel de réduire les coûts ou d’augmenter la résilience d’une infrastructure, explique Sébastien Fecteau, vice-président directeur du Québec pour WSP. Une fois sa partie réalisée, la responsabilité de réaliser la construction dans les temps et les budgets établis au départ revient à l’entrepreneur. »
Le mode de réalisation traditionnel est aussi très «prescriptif», ajoute Geneviève Crête, coprésidente du chantier de réflexion sur l’innovation de l’AFG et associée directrice de la firme Cima+. «Les contrats viennent dire comment exécuter la conception et comment exécuter la construction. C’est un gros frein à l’innovation.» Inversement, un mode de réalisation « par alliance » prévoit une série de mécanismes contractuels pour favoriser l’engagement de l’ensemble des parties prenantes, à toutes les étapes de la réalisation.
Partage du risque et clause de no fault
Le premier mécanisme dicte le ton: plutôt que de faire un « appel d’offres » énonçant tous les paramètres du projet, le client fait un «appel d’intérêt» et sélectionne ses partenaires au projet sur la base de leurs compétences. L’équipe projet pourra elle-même déterminer les meilleures stratégies pour mener un projet avec succès. «En procédant ainsi, le client peut mieux exprimer ses besoins, que ce soit en matière de maintenance, de durabilité ou d’acceptabilité sociale, explique Sébastien Fecteau. Et en obtenant la perspective de chacun, il peut aussi développer une meilleure compréhension de l’impact qu’auront les choix faits pendant la conception sur la construction, l’opération et la maintenance des infrastructures.»
Ensuite, le mode de réalisation par alliance instaure des mécanismes « contractuels » favorisant la collaboration. D’une part, les risques et les bénéfices globaux du projet sont partagés entre toutes les parties prenantes; c’est-à-dire que si le projet dégage des profits additionnels à ceux qui ont été établis au départ, tout le monde a sa part. Si les travaux engendrent un déficit, le client termine de payer le projet au prix coûtant et chacun repart sans toucher de profit.
Autre élément important, ces contrats comportent une clause de «no fault», qui évite les litiges. «Toute innovation comporte une part de risque, souligne Sébastien Fecteau. Ce qui est normal, puisqu’on s’éloigne des sentiers battus. Dans un mode collaboratif, l’équipe de réalisation juge ensemble si un risque en vaut la chandelle.»
De l’Australie au Québec
Dans un document de présentation des contrats par alliance, WSP soutient avoir réalisé plus d’une trentaine de projets de transport et d’aqueducs avec ce mode de réalisation. La plupart de ces projets se sont déroulés en Australie, un pays faisant figure de pionnier en la matière. Selon une étude australienne citée dans le document, 80% des projets complexes ayant eu recours à ce modèle auraient été livrés dans les temps et dans les budgets, ou mieux.
On comprend l’intérêt qu’il suscite de la part des grands donneurs d’ordre. «Au Canada, le gouvernement fédéral a commencé à intégrer un mode qui s’y apparente dans ses appels d’intérêts, annonce Sébastien Fecteau. On devrait commencer à voir des projets selon ce mode de réalisation au Québec aussi.»
Le VP québécois précise que la formule par alliance ne convient pas à tous les types de projets. D’une part, la gouvernance est très lourde à mettre en place. Aussi, il faut que le projet ait le potentiel d’être bonifié en cours de route, ce qui n’est généralement pas le cas d’un projet peu innovant, dont les toutes étapes sont bien maîtrisées. «Le mode par alliance convient à des projets complexes qui ont une part d’inconnu», explique-t-il. Autrement dit, des projets innovants.