Pour les quatre chefs de partis d’opposition, le débat d’hier était en quelque sorte la dernière chance de s’imposer comme la principale alternative à François Legault et ainsi, espérer fédérer le vote du «tout sauf la CAQ». (Photo: La Presse Canadienne)
BLOGUE INVITÉ. À une semaine et demie du vote, les cinq chefs de partis ont eu une ultime occasion de monter sur le ring, jeudi soir, dans le cadre d’un deuxième débat des chefs qui, tout en étant plus discipliné que le premier, n’a pas vraiment donné lieu à des rebondissements spectaculaires.
Qui a remporté le «Débat des chefs», selon vous?
S’adressant principalement à leurs bases respectives, les chefs s’en sont essentiellement tenus à leurs lignes habituelles, sans surprise. La soirée a tout de même fait place à des échanges parfois animés, notamment entre Éric Duhaime et François Legault sur le 3e lien Québec-Lévis et sur la pandémie, où François Legault est passé cette fois-ci à l’offensive face au chef conservateur, qu’il a accusé d’être irresponsable.
Legault encore grognon
Le chef de la CAQ, de nouveau attaqué de toutes parts, s’en est la plupart du temps pris à Gabriel Nadeau-Dubois. Il faut dire que sur le plan stratégique, il est beaucoup plus simple pour François Legault de contraster avec les positions de Québec Solidaire, diamétralement opposées aux siennes, qu’avec celles des autres partis. Il a donc tout intérêt à positionner QS comme son principal adversaire, d’autant qu’un effondrement du vote libéral favoriserait aussi la CAQ.
Cette fois-ci, François Legault se devait de porter une attention particulière à son langage non verbal, qui donne parfois l’impression qu’il n’a pas vraiment envie d’être là. Même s’il s’est amélioré sur ce plan par rapport à la semaine dernière, il est néanmoins apparu par moments grognon et irrité par les attaques de ses adversaires. Une attitude agacée qui n’est pas sans rappeler celle de Denis Coderre en 2017 et 2021, qui avait considérablement nui à la popularité de l’ancien maire. À surveiller, donc.
Anglade en mode survie
Comme si elle était animée par l’énergie du désespoir, Dominique Anglade est probablement celle qui s’est le plus améliorée par rapport au premier débat, où elle n’avait pas vraiment marqué de grand coup.
Cette fois, la cheffe libérale est apparue plus combative. Ses lignes d’attaque étaient plus affinées et ses messages lui ont permis de mieux vulgariser ses idées. Son grand exploit aura probablement été de mettre davantage de l’avant son parcours et sa personnalité afin de montrer un visage plus humain et plus chaleureux, alors que son discours était jusqu’ici plutôt technique et détaché des priorités du citoyen moyen.
Un exemple: quand elle parle d’économie, Dominique Anglade y rattache beaucoup l’enjeu de la pénurie de main-d’œuvre. Si elle a totalement raison d’affirmer que c’est un problème auquel le Québec doit s’attaquer de front, il n’en demeure pas moins que c’est une situation qui est plutôt loin de la réalité du «monde ordinaire». Quand les Québécois peinent à payer leur épicerie et leur loyer en raison de l’inflation, ils veulent d’abord et avant tout savoir comment le gouvernement va les aider à joindre les deux bouts. Ils n’en ont que faire des enjeux de ressources humaines auxquels leur patron fait face.
Est-elle parvenue à toucher le cœur des électeurs? Chose certaine, on peut supposer que sa performance d’hier soir lui permettra de juguler l’hémorragie qui saignait jusqu’ici son parti de ses soutiens jadis les plus indéfectibles, même dans ses bastions les plus inébranlables. Mais est-ce que ce sera trop peu, trop tard pour le PLQ?
Assurément, on ne peut pas reprocher à Dominique Anglade un quelconque manque de résilience et de persévérance. Malgré les nombreux écueils et les mauvaises nouvelles qui n’ont cessé de s’enchaîner pour son parti depuis le début de la campagne, la cheffe libérale n’a jamais laissé transparaître ne serait-ce qu’un tout petit signe de découragement. Une preuve de force mentale qui pourrait bien lui attirer la sympathie de certains électeurs, à commencer par les anciens libéraux tentés de rentrer au bercail.
GND, PSPP et Duhaime au neutre
Le chef du Parti Québécois, Paul St-Pierre-Plamondon, s’est montré fidèle à lui-même, authentique et sympathique comme au premier débat. Il y est toutefois allé de quelques déclarations surprenantes, notamment quand il a affirmé que la véritable solution aux problèmes de sous-financement du système de santé, c’est la souveraineté. Un message qui confortera peut-être sa base militante, mais qui ne convaincra probablement pas beaucoup d’électeurs du bien-fondé du projet indépendantiste.
Gabriel Nadeau-Dubois et Éric Duhaime ont tous les deux semblé un peu plus effacés cette semaine. Le co-porte-parole de Québec Solidaire n’a pas frappé aussi fort qu’au premier affrontement et a été une fois de plus placé sur la défensive sur la question des «taxes oranges», accusant François Legault d’essayer de faire peur au monde avec des «décorations d’Halloween». La fatigue de la fin de campagne commencerait-elle à se faire sentir dans l’autobus solidaire?
Quant au chef du PCQ, il est celui qui a le moins occupé la glace parmi les cinq chefs, avec un temps de parole légèrement plus faible que ses adversaires. Il a même semblé passablement surpris et sonné quand François Legault l’a attaqué sur la question de la pandémie. Avec cette piètre performance, les conservateurs auraient-ils atteint leur plafond de verre?
Une opposition toujours divisée
Pour les quatre chefs de partis d’opposition, le débat d’hier était en quelque sorte la dernière chance de s’imposer comme la principale alternative à François Legault et ainsi, espérer fédérer le vote du «tout sauf la CAQ».
Il faut dire qu’à environ 38% d’intentions de vote selon les plus récents sondages, la Coalition Avenir Québec récolte l’appui de tout au plus un tiers des électeurs. C’est donc dire que près de deux Québécois sur trois ne souhaitent pas voir la réélection du gouvernement Legault.
Et pourtant, le navire caquiste semble tout de même naviguer vers une majorité renforcée le 3 octobre. C’est que la division du vote d’opposition, le fameux 62% restant partagé en parts quasi égales entre les quatre autres principaux partis, joue grandement en faveur des troupes de François Legault.
Après un second débat sans K.O. ni grand coup d’éclat, force est de constater qu’à moins d’un faux pas majeur, l’aiguille des sondages devrait somme toute demeurer assez stable d’ici le Jour-J. Le premier ministre sortant peut sans doute dormir sur ses deux oreilles, à condition que les électeurs caquistes ne soient pas trop nombreux à rester à la maison le 3 octobre en prenant la victoire de leur parti pour acquise.
Le plus grand défi de François Legault, à partir de maintenant, sera de s’assurer de faire sortir son vote.
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