Le journaliste François Normand, Sarah Legendre Bilodeau, Jacques Goulet et Antoine Amiel. (Photo: Les Affaires)
L’un des plus grands défis qui attendent les gestionnaires au cours de la prochaine année, c’est d’accroître l’engagement de leurs troupes à la veille du retour progressif au bureau.
«Il faut maintenant comprendre comment naviguer entre le présentiel et le travail à distance», a observé Sarah Legendre Bilodeau, la présidente et chef de la direction de Videns Analytics, qui dit avoir testé de nombreux outils technologiques, sans trouver la formule magique.
En effet, bien que ses employés soient des mordus de télétravail, depuis bien avant le début de la pandémie, elle constate qu’un besoin viscéral de se retrouver entre collègues et d’échanger sur d’autres sujets que le boulot s’est créé depuis 18 mois.
Sarah Legendre Bilodeau a donc multiplié les cafés numériques, les 5@7 et les lunch&learn, et envisage de louer des bureaux de façon permanente pour permettre à ses équipes de connecter.
Pour l’instant, la start-up mise sur des espaces de travail collaboratif où la présence y est facultative. Ses employés s’y ruent… mais oublient de se rendre disponibles dans leur bureau virtuel. «Les gens qui sont à la maison n’ont pas la même expérience. Ils ont l’impression que les bureaux virtuels sont vides quand on est en personne», a-t-elle confié lors d’un panel organisé dans le cadre de la conférence Gestion et leadership en mode hybride présenté le 2 décembre dernier.
Découvrez les quatre lauréats de Chapeau les PDG, Réal Bouclin du Groupe Sélection, Jacques Goulet de Sun Life Canada, Antoine Amiel du Groupe New Look et Sarah Legendre Bilodeau de Videns Analystics juste ici.
Elle s’est prêtée au jeu de répondre aux questions du journaliste de Les Affaires, François Normand, tout comme deux des trois autres lauréats du concours Chapeau les PDG 2021 Antoine Amiel, le PDG du Groupe New Look et Jacques Goulet, PDG de Sun Life Canada.
Ce dernier a ajouté qu’au sein de son organisation, le retour au bureau se traduit notamment par des salles de réunions reconfigurées pour faciliter l’échange entre employés en présentiel et à distance.
L’assureur encourage aussi ses salariés à se retrouver pour tisser des liens. «Ça fait parfois plusieurs mois qu’ils ne se sont pas vus, certains n’ont jamais rencontré leurs collègues, car ils ont été embauchés pendant la pandémie, donc pour améliorer le taux d’engagement, c’est important», estime-t-il. Le tout s’orchestrera toutefois naturellement en fonction de chaque équipe.
Antoine Amiel a fait un constat similaire. Il s’inquiète que les liens s’effilochent entre les membres de chaque division, ce qui pourrait devenir un handicap pour sa société, «d’où cette “obligation” de revenir au bureau pour interagir», explique-t-il. Ceux qui bossent dans ses bureaux devront y remettre les pieds pour assister à des activités et non travailler uniquement devant leur ordinateur. New Look organisera aussi des événements trimestriels où tous les employés sont invités à participer afin de renouer avec les collègues des autres départements.
À la Sun Life, le retour au bureau se fait au gré de l’humeur des travailleurs et des consignes sanitaires, afin de permettre un meilleur équilibre entre leur boulot et leur vie familiale. «Si je dois passer la majorité de ma journée à préparer une présentation, je vais peut-être préférer accomplir leur besogne de la maison. Mais si c’est une journée de formation ou de discussion, je vais vouloir retourner au bureau», illustre Jacques Goulet.
Multiplier les occasions de s’exprimer
Sarah Legendre Bilodeau rappelle qu’il est plus difficile d’identifier qui sont les employés qui ont les piles à plat s’ils bossent de la maison. Videns Analytics a mis en place des rendez-vous hebdomadaires où il est possible de discuter «de tout et de rien» pour tenter de corriger la situation, mais sa présidente souligne à grands traits l’importance de ne pas imposer des occasions de prise de parole.
La Sun Life tout comme New Look ont instauré de nouveaux rendez-vous trimestriels, dans lesquels les salariés sont invités à s’exprimer et à poser des questions aux dirigeants. De plus, des formations sont offertes pour aider à gérer le stress et à reconnaître les signes de l’épuisement professionnel.
«L’équipe de gestion doit faire des suivis un peu plus précis qu’avant du point de vue du projet, mais aussi des individus pour jauger si les employés se portent bien, ou s’ils vivent des moments difficiles», ajoute Antoine Amiel.
Les leaders doivent donner l’exemple, selon Jacques Goulet, et déstigmatiser les discussions entourant la santé mentale au sein de leur organisation. C’est ce que prône d’ailleurs la sienne depuis le début de la pandémie, en incitant ses gestionnaires à témoigner de leur expérience, à se montrer vulnérables, ce qui encourage ses troupes à faire de même. Et ça semble rapporter: «le taux d’engagement a grimpé de 6 points de base. […] On a senti que nos gens se sont rapprochés de la Sun Life, et de notre raison d’être», a-t-il confié.