Marilyne Boulanger, ingénieure d’usine chez Bonduelle (Photo: courtoisie)
MOIS DU GÉNIE. À chacun ses déformations professionnelles. Celles de Marilyne Boulanger concernent les macédoines de légumes, mélanges de haricots et autres petits pois en conserve qui parsèment les étagères des épiceries. « C’est sûr que j’y porte une grande attention. Dans les allées de supermarché, j’aime bien examiner les étiquettes des produits, pour vérifier d’où proviennent les aliments mis en conserve, par exemple », avoue celle qui occupe le poste d’ingénieure d’usine chez Bonduelle, la multinationale des légumes et des légumineuses derrière la marque Arctic Gardens, notamment.
À titre de cheffe de projet d’ingénierie corporative, l’ingénieure alimentaire voit à la modernisation des lignes de production des huit sites de production de Bonduelle au Canada, dont quatre au Québec. À celui de Saint-Denis-sur-le-Richelieu, Marilyne Boulanger a récemment mené un projet de plusieurs millions de dollars visant à optimiser la mise en conserve de légumes. « J’interviens à toutes les étapes de la production, de l’arrivée de la matière première en provenance des champs des producteurs locaux à la mise en caisse des conserves, en passant par leur stérilisation et leur emballage », indique-t-elle.
Dany Béland, directeur de l’ingénierie aux Industries Lassonde, est lui aussi ingénieur alimentaire. Comme tous ses compétiteurs dans l’industrie agroalimentaire, l’entreprise québécoise derrière les jus Oasis a beaucoup investi au cours des dernières années dans l’automatisation de ses procédés de fabrication. Pour Dany Béland, cela a représenté des défis considérables, comme de bâtir de toute pièce un pasteurisateur en fonction des besoins précis de Lassonde. « Une grande partie de mon travail consiste à intégrer des équipements génériques à une ligne de production, souligne-t-il. Ça demande à la fois d’être rigoureux et polyvalent. »
Alimentaire, mon cher Watson
À l’instar des branches plus traditionnelles du génie, la formation en génie alimentaire comporte beaucoup de cours de mathématiques et de science pures. Ce qui la différencie ? La forte présence de notions de microbiologie et d’hygiène, explique Damien De Halleux, directeur du programme de baccalauréat en génie alimentaire de l’Université Laval, seule université québécoise à l’offrir, et ce, depuis 1995. « Les ingénieurs alimentaires sont amenés à travailler avec des aliments qui seront consommés à grande échelle. Il y a des enjeux sanitaires réels », fait valoir le professeur.
Autre particularité de cette branche méconnue du génie : la forte présence des femmes. Bon an, mal an, les diplômés du baccalauréat en génie alimentaire sont majoritairement de sexe féminin. « Le biologique, l’alimentaire, la santé, ça attire traditionnellement les femmes, qui sont davantage dans le caring », pense Damien De Halleux. Ainsi, sur une cohorte de 10 étudiants par année, 7, 8 ou 9 d’entre eux peuvent être des femmes. Oui, oui, vous avez bien lu : la taille moyenne des cohortes au baccalauréat en génie alimentaire de l’Université Laval est à peine de 10 étudiants !
« Les besoins du marché de l’emploi de l’industrie agroalimentaire dépassent de beaucoup l’offre d’ingénieurs formés pour y travailler. De fait, nos étudiants n’ont aucun problème à se placer à la fin de leur parcours académique », affirme Damien De Halleux. Ce dernier est d’ailleurs régulièrement sollicité par des employeurs cherchant à pourvoir des postes. « Le Service de placement de l’Université Laval a affiché un total de 92 postes nécessitant une formation en génie alimentaire en 2019. Ça ne représente pourtant que de 20 % à 30 % de la demande réelle », estime-t-il.
Du chocolat aux nutraceutiques
À la demande de Les Affaires, le directeur du programme de baccalauréat en génie alimentaire de l’Université Laval a compilé une liste non exhaustive d’entreprises activement à la recherche d’ingénieurs alimentaires. Dans le lot, on retrouve aussi bien des poids lourds de l’alimentation, comme General Mills, Exceldor et Agropur, que des joueurs de taille moyenne comme Archibald microbrasserie, Boulangerie Saint-Méthode et Chocolat Favoris. « On a tendance à l’oublier, mais après le porc, le chocolat arrive au deuxième rang des exportations de produits agroalimentaires au Québec », note De Halleux.
Si la présence de firmes de génie-conseil et de l’Union des producteurs agricoles dans cette liste ne surprend guère, c’est tout le contraire de celle de pharmaceutiques spécialisées dans la formulation, la fabrication et la commercialisation de produits de santé naturels, comme Atrium Innovations. Pour Dany Béland, c’est bien la preuve que l’ingénieur alimentaire a une influence directe sur le quotidien du consommateur. « C’est personnellement ce dont je suis le plus fier dans mon boulot ; je peux en voir le produit fini sur les tablettes », conclut le directeur de l’ingénierie aux Industries Lassonde.