(Photo: Charles Deluvio pour Unsplash)
CHRONIQUE. C’est à l’occasion des grandes crises que l’on reconnaît les grands chefs d’État. Winston Churchill a rallié les Britanniques relativement au régime nazi devant lequel la France avait capitulé. Franklin D. Roosevelt a sorti l’Amérique de la Grande Dépression des années 1930.
Même s’il se définit comme un «président en temps de guerre», Donald Trump n’est pas de cette trempe. Sa gestion de la crise de la COVID-19 a été gâchée par son narcissisme, son refus d’écouter rapidement les conseils des experts et son incapacité à saisir les complexités et à prendre des décisions optimales, bref à exercer un véritable leadership.
La Chine a avisé les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) le 3 janvier de l’éclosion du coronavirus à Wuhan, et Trump en a été informé le 18 janvier. Des experts des CDC ont pu se rendre à Wuhan. Misant sur son intuition, Trump a déclaré le 28 février que les cas apparus aux États-Unis allaient disparaître comme par miracle. Ce n’est qu’à la mi-mars qu’il a reconnu le risque réel du virus. C’était trop tard. On prévoit maintenant plus de 100 000 décès.
L’administration Trump s’est retrouvée totalement démunie. Pire, elle avait même démembré le centre de lutte contre les pandémies créé par Barack Obama après la crise du virus Ebola.
Aux gouverneurs qui lui ont demandé de l’aide, Trump leur a répondu de s’organiser. Et comme aucun achat n’est centralisé dans le système de santé américain, les États et les hôpitaux se sont tous précipités vers les mêmes fournisseurs, ce qui a fait exploser les prix et a empêché de gérer l’approvisionnement en fonction des besoins les plus urgents. Trump a même fait pirater des commandes d’équipements destinées à d’autres pays. Sa gestion de la crise est un désastre.
Chaos révélateur
Alors que les États-Unis disposent d’énormes ressources, les voilà incapables de combattre efficacement la COVID-19. Voilà un autre signe de leur déclin, qui s’ajoute à plusieurs dysfonctionnements et à de nombreux problèmes sociétaux. C’est une autre grande humiliation après les défaites militaires au Vietnam, en Afghanistan et en Irak.
Tous les empires finissent par tomber et leur chute ne résulte pas toujours d’une guerre ou d’un cataclysme. La Rome antique et l’URSS se sont effondrées au fil d’événements qui, pris individuellement, n’étaient pas déterminants.
L’élection du président Trump est un événement semblable. Dangereux et indigne de sa fonction, celui-ci ment comme il respire, est incapable d’empathie, entretient l’ignorance, n’a aucune valeur morale, accroît les inégalités, soulève la haine contre les minorités ethniques, les immigrants et les médias, fait passer ses intérêts personnels avant l’intérêt général, ne respecte ni la constitution ni les institutions, isole son pays et multiplie les conflits commerciaux et diplomatiques.
Le fait qu’il conserve un appui politique d’environ 45 % après trois ans d’incurie administrative en dit long sur la société américaine.
Le fait aussi qu’un important noyau de citoyens soit incapable de se révolter contre l’incompétence et la petitesse de cet hurluberlu et de reconnaître le tort qu’il fait à leur pays fait craindre l’impossibilité pour les États-Unis d’exercer un leadership véritable dans la recherche de solutions aux grands enjeux mondiaux, tels que la prévention et la gestion d’une autre pandémie, les changements climatiques, la réingénierie des chaînes d’approvisionnement internationales, les défis humanitaires liés aux mouvements migratoires et la gestion des dettes publiques et privées contractées pour éviter une dépression économique et protéger les populations les plus vulnérables.
Sans un leadership éclairé des États-Unis, la Chine aura toute la latitude voulue pour étendre encore son influence. Forte d’une histoire de 5 000 ans, d’une vision claire de son avenir, d’une population de 1,3 milliard et d’une forte capacité économique, financière et technologique, la Chine déploie méthodiquement ses stratégies en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud et même en Europe, autant de régions dont les États-Unis se désintéressent.
La Chine a ses propres défis à relever, mais si elle arrive à les maîtriser, rien de l’empêchera d’imposer davantage sa vision du monde.
Il est déplorable que les deux grandes puissances ne coopèrent pas davantage pour trouver des solutions aux grands problèmes mondiaux. Malheureusement, il ne semble pas que l’on puisse y arriver sans un changement profond dans les rapports entretenus par leurs dirigeants actuels.