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Denis Lalonde

Gestionnaires en action

Denis Lalonde

Analyse de la rédaction

Un patron qui veut son bien

Denis Lalonde|Édition de la mi‑octobre 2021

Un patron qui veut son bien

(Photo: 123RF)

BILLET. Lorsqu’une équipe de direction souhaite fermer le capital d’une entreprise cotée en Bourse, une expression me revient toujours en tête, un peu galvaudée, qui dit que l’opération permettra de « créer de la valeur pour les actionnaires ». En d’autres mots, cela sous-entend que la priorité de l’équipe de direction sera de fermer le capital de l’entreprise au prix le plus élevé possible en prenant en considération l’intérêt de toutes les parties prenantes.

Malheureusement, comme on l’a vu cet été, ce n’est pas toujours le cas.

Prenons le cas d’Exfo. L’entreprise a été retirée de la Bourse à un prix de 6,25 $ US par action le 1er septembre dernier. 

Pourtant, l’équipe de direction a refusé une offre supérieure, à 8 $ US, de la concurrente Viavi Solutions. La raison de ce refus est bien simple. Germain Lamonde, fondateur et président du conseil d’administration d’Exfo, possédait alors plus de 61 % des actions et près de 94 % des droits de vote de la société.

Sans son accord, impossible pour tout acquéreur potentiel de lancer une offre publique d’achat, si hostile soit-elle.

À 6 $ US l’action, l’offre initiale pour fermer le capital d’Exfo constituait, le 7 juin, une prime de 62 % par rapport au cours des actions le 4 juin. Pas mal, direz-vous. 

Or, la décision d’offrir ce montant reposait sur une évaluation indépendante faite par Valeurs mobilières TD qui donnait au titre une juste valeur d’entre 5,75 $ US et 7,50 $ US. Autrement dit, les dirigeants ont offert un peu plus que le minimum et ont rejeté les offres plus généreuses de Viavi pour faire passer leur projet.

Sans oublier qu’il a fallu que certains d’actionnaires minoritaires d’importance forcent la direction à relever son offre pour que cette dernière passe à 6,25 $ US et puisse gagner leur faveur. 

Dans le dossier d’Exfo, l’intérêt du dirigeant et de ses co-investisseurs divergeait de celui des petits actionnaires. M. Lamonde et ses associés souhaitaient fermer le capital de l’entreprise à « leur » prix, alors que les petits actionnaires auraient sûrement préféré l’offre de 8 $ US de Viavi.

L’entreprise indépendante de conseils aux actionnaires Glass Lewis a recommandé aux actionnaires minoritaires d’Exfo de rejeter l’offre de fermeture du capital. « Comme M. Lamonde n’est pas vendeur à 8 $ US, les actionnaires d’Exfo devraient se demander pourquoi ils devraient approuver une offre à 6 $ US», lisait-on dans le communiqué. Une affirmation pleine de sens.

Pourquoi M. Lamonde n’a-t-il pas égalisé l’offre de Viavi pour faire taire les critiques ? Parce qu’il avait tous les pouvoirs pour le faire.

Une fois Viavi écartée, les petits actionnaires ont finalement approuvé l’offre de 6,25 $ US à près de 91 % à la mi-août. Cela signifie que plus de 9 % d’entre eux ont choisi de se tenir debout, même en sachant que l’issue du vote en faveur de la fermeture du capital d’Exfo était gagnée d’avance.

Cela montre qu’à la Bourse, les actionnaires minoritaires doivent comprendre les risques de monter dans un bateau sur lequel ils n’ont aucun contrôle.

 

Parlant de bateau, vous venez de lire mon premier billet à titre de capitaine du magazine Les Affaires Plus. La vulgarisation de l’information financière et boursière est un défi auquel je m’attaque depuis plus de 20 ans. J’ai l’intention de poursuivre le travail de mes prédécesseurs en mettant de l’avant des histoires bien réelles impliquant des épargnants et des investisseurs individuels. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à m’écrire à l’adresse denis.lalonde@groupecontex.ca

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