Un réseau de bornes de recharge électrique pour Pétro-Canada
Diane Bérard|Mis à jour le 11 juillet 2024Voici un aperçu des 50 bornes de recharge électrique que Suncor compte déployer dans es stations Pétro-Canada à partir de 2020. C'est une composante de sa stratégie climat.
Le 13 février dernier, Pétro-Canada, une propriété de la Canadienne Suncor, a annoncé son intention de déployer, d’ici 2020, un réseau pancanadien de 50 bornes de recharge ultra-rapides pour véhicules électriques.
Ces bornes ne constituent pas un projet isolé. Il faut les voir comme une composante de la stratégie climat de la pétrolière Suncor. Une stratégie que les actionnaires réclament depuis 2016.
En matière de risque climat, on observe trois types de pressions de la part des investisseurs
1-Exiger la réduction des émissions de GES;
2-Accroître les investissements en énergie à faible empreinte carbone. Aligner les investissements sur les cibles de l’Accord de Paris;
3-Dévoiler leur stratégie climat, incluant divers scénarios selon l’évolution de la situation.
Revenons à Suncor
En 2016, 98,18% de ses actionnaires votent en faveur d’une proposition du gestionnaire de fonds NEI. Il demande à la pétrolière canadienne de dévoiler son risque climat.
Un an plus tard, en 2017, Suncor publie son premier rapport sur le sujet. Celui-ci évoque de façon générale l’avenue de la diversification. Et il aborde surtout la réduction de son empreinte carbone liée à la production. On y déclare que, compte tenu du scénario 2 degrés, il est possible que certains projets n’aient pas lieu, car ils seraient incompatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris.
En 2018, un second rapport paraît. Il s’intitule «Risque et résilience». Cette fois, la pétrolière va plus loin. Voici quelques extraits:
«Nous devons communiquer aux investisseurs et aux autres groupes d’intérêts comment nous avons l’intention de demeurer résilients et réussir dans l’économie sobre en carbone de demain.»
«Le rapport de cette année poursuit la réflexion sur la façon dont nous considérons le carbone en tant que risque principal – un risque qui a le potentiel de toucher notre entreprise de façon importante – et examine les stratégies que nous mettons en œuvre pour atténuer ce risque. »
«Nous décrivons la façon dont nous testons nos stratégies commerciales et de croissance par rapport à trois scénarios énergétiques à long terme.»
La firme québécoise d’engagement actionnarial Aequo discute avec Suncor depuis 2010. «Nous nous réjouissons de l’annonce du déploiement d’un réseau de bornes de recharge électriques», commente François Meloche, directeur de l’engagement actionnarial.
La stratégie climat d’une pétrolière peut comporter deux types d’actions
1-des interventions sur son réseau de production pour en diminuer l’intensité carbone;
2- des projets permettant de connaître le succès dans un avenir où on est en train de décarboniser l’économie.
Le #2 s’inscrit dans ce que l’on nomme la transition énergétique. Or, toutes les pétrolières n’ont pas la même capacité de contribuer à la transition énergétique. Certaines sont petites et peu diversifiées. Une société de transport de carburant, par exemple, peut moins facilement assumer un leadership dans la transition énergétique. «Suncor, elle, peut le faire grâce, entre autres, à son réseau de stations-service Pétro-Canada, où les automobilistes ont déjà leurs habitudes», poursuit François Meloche. «En tant que compagnie intégrée, nous évaluons constamment de nouvelles technologies pour déterminer si et quand celles-ci doivent être intégrées à notre organisation, explique Kris Smith, vp directeur, Aval (Dowstream) chez Suncor. Ces technologies sont évaluées en fonction de notre stratégie générale, qui inclut des objectifs de développement durable.» Il poursuit, «Nous croyons que les véhicules hydrides et les véhicules électriques déviendront la solution de mobilité la plus rentable (cost-effective) et qu’ils occuperont la part la plus importante de la flotte de véhicules. Il nous apparaît naturel d’utiliser notre réseau de stations services pour combler cette nouvelle demande des consommateurs.»
L’annonce de Suncor m’a donnée envie d’en savoir plus sur l’évolution des modèles d’affaires des pétrolières. J’ai exploré du côté des propositions d’actionnaires 2019.
Voici ce qui se passera dans les assemblées annuelles de 5 pétrolières importantes
1-Shell
Pour une 4e année consécutive, les actionnaires de Shell se prononceront sur une proposition liée au climat.
Les trois premières n’ont pas rallié une majorité des votes.
En mai 2018, l’actionnaire activiste hollandais Follow This accuse la direction de Shell de ne pas être honnête dans sa reddition de compte de GES. Coup de théâtre! En décembre, Shell annonce qu’à partir de 2020 elle pratiquera une reddition de comptes de type 3, soit la plus exigeante. Le type 1 vise les émissions directes. Le type 2, ajoute les émissions indirectes. Le type 3 concerne les émissions de toute la chaîne logistique. Ainsi, Shell dévoilera les GES générés par ses activités d’extraction et de raffinage jusqu’à celles résultant du carburant brûlé par les consommateurs. On évalue que 80% des émissions de GES associées aux énergies fossiles proviennent des automobiles. À peine 20% provient de l’extraction/production. Aucune pétrolière ne procède à une reddition de type 3. C’est un défi majeur.
2-BP
Pour une première fois, les actionnaires de BP se prononceront sur une proposition liée au climat, déposée par Follow This et ACCR (Australasian Centre for Corporate Responsability).
Le 1er février dernier, la direction a déclaré cette proposition inutile puisqu’elle a accepté de dévoiler se projets d’investissement, ses politiques de contrôle de ses émissions et sa stratégie générale pour s’arrimer aux Accords de Paris.
3-Equinor (ex Statoil)
Pour une 5e année consécutive, les actionnaires de la Norvégienne Equinor (anciennement Statoil) se prononceront sur une proposition demandant à l’entreprise de dévoiler sa stratégie de transition énergétique. Les propositions climat précédentes n’ont pas obtenu la majorité des votes.
4-ExxonMobil
Pour une 40e fois, les actionnaires d’ExxonMobil (cosignée par CA100, members Chruch of England and New York State) se prononceront sur une proposition liée au climat. La première remonte à 1990. Cette année-là – un an après le naufrage du navire Exxon Valdez et du déversement monstre qui s’en suivi – la première proposition climat jamais enregistrée par une entreprise a recueilli 6% des votes des actionnaires.
Au cours des années suivantes, on assiste à une série de rebondissements où les descendants de John D. Rockefeller (fondateur d’Exxon) confrontent la pétrolière à répétition sur nombre d’enjeux climatiques. Les demandes vont de cesser le financement de groupes de recherche climato-sceptiques à dévoiler l’ampleur des actifs devenus impossibles à exploiter en cas de durcissement de la réglementation.
2017 marque un point de bascule: 62% des actionnaires d’ExxonMobil votent en faveur d’une proposition réclamant que la pétrolière dévoile l’impact sur ses activités des réductions de GES requises par l’Accord de Paris. Les actionnaires d’ExxonMobil veulent aussi connaître le risque financier lié aux gisements pétroliers qui ne pourront être exploités.
En 2018, les actionnaires obtiennent qu’à partir de 2020, la reddition de compte annuelle d’ExxonMobil inclut des cibles de réduction de GES à court, moyen et long terme arrimées aux objectifs de l’Accord de Paris.
5-Chevron
Les actionnaires de Chevron voteront pour la 5e fois sur une proposition liée au climat. La première déposée en 2016, réclamait un rapport annuel dévoilant en quoi la réglementation liée au climat pourrait affecter les activités de l’entreprise. Cette proposition a recueilli 41% des votes.
En 2017, une proposition similaire a aussi été rejetée.
En 2018, deux propositions liées aux émissions de méthane ont été rejetées.
En 2019, une proposition demande que Chevron établisse et publie des objectifs arrimés aux cibles de l’Accord de Paris.
Et du côté des constructeurs d’infrastructures: TransCanada et Enbridge
Ajoutons qu’en 2019 TransCanada dévoilera comment elle compte s’ajuster au changement climatique et à la transition vers économie faibles en carbone. Elle identifiera les risques mais aussi aux occasions d’affaires. Cette reddition de comptes résulte d’une proposition d’actionnaire déposée à la fin de 2017.
Toujours en 2019, Enbridge dévoilera comment elle intègre le changement climatique dans son modèle d’affaires et ses décisions d’investissement.
De plus, la reddition de comptes de TransCanada et d’Enbridge suivra les recommandations du Financial Stability Board ‘s Task Force on Climate-Related Financial Disclosure (TCFD). Elle présentera comment leur organisation compte poursuivre ses activités dans le cas d’un scénario 2 degrés. C’est une demande de plus en plus fréquente des actionnaires: ils veulent s’assurer que les organisations où ils investissent ont un plan B et même C. Bref, qu’elles sont résilientes.