Le Défi Entreprises réunit 17 500 participants pour 500 entreprises autour de la course à pied. « La différence est frappante entre la première année et aujourd’hui », explique son fondateur Daniel Riou. (Photo: Défi Entreprises)
INDUSTRIE DU SPORT ET DU BIEN-ÊTRE. Les entreprises investissent massivement pour tenter de redonner le sourire à leurs employés et les rendre plus actifs. En parallèle, l’industrie du bien-être a le vent en poupe, elle représente plus de quatre billions de dollars à l’échelle mondiale et enregistre une croissance à deux chiffres. Saura-t-elle saisir cet immense marché potentiel?
Sept millions de dollars. C’est la somme que le gouvernement du Québec va allouer cette année pour aider les entreprises à se doter d’équipements sportifs, a annoncé en juin dernier Isabelle Charest, la ministre déléguée à l’Éducation, aux Sports et aux Loisirs. Concrètement, les entreprises de 5 à 499 salariés pourront bénéficier d’une aide maximale de 40 000 $ dans le cadre de ce programme, pour l’aménagement de terrains de sport, de douches, de supports de vélos ou l’organisation d’activités physiques, par exemple.
« C’est la première fois qu’un gouvernement investit dans ces enjeux », se félicite Mario Messier, directeur scientifique du Groupe Entreprises en Santé, l’organisme dont la mission est justement d’amener les milieux de travail à avoir de meilleures pratiques en santé et mieux-être.
Il faut dire que cette industrie est en plein essor. Selon un rapport du Global Wellness Institute publié en octobre dernier, le secteur mondial du bien-être dans son ensemble a progressé de 6,4 % par an depuis 2015, soit pratiquement deux fois plus rapidement que la croissance mondiale (3,6 %), et représente un marché de 4,2 billions de dollars américains. Plus spécifiquement, le marché mondial du bien-être en entreprise atteint 47,5 milliards de dollars américains, un montant en hausse de près de 5 % par an. Au Québec, le Groupe Entreprises en Santé compte plus d’une centaine de fournisseurs de services dans le domaine.
Un changement de mentalité
Ce développement s’explique par un profond changement de perception de ces activités. « Il y a 15 ans, quand on parlait de bien-être au travail, on nous répondait qu’on pelletait des nuages et que la santé des salariés était de leur responsabilité, se souvient M. Messier. Mais aujourd’hui, on comprend que cette dernière est une responsabilité partagée entre l’entreprise, le salarié et l’État. »
Un constat partagé par Daniel Riou, le fondateur du Défi Entreprises. Pour sa 9e édition, l’événement qui se déroule dans cinq villes de la province a réuni 17 500 participants pour 500 entreprises autour de la course à pied. Un record ! « La différence entre la première année et aujourd’hui est frappante : on n’a plus à expliquer aux entreprises que faire la promotion de la santé en interne est important. C’est devenu acquis », explique l’entrepreneur, kinésiologue de métier.
Autre illustration avec Cardio Plein-air qui organise, comme son nom l’indique, des sessions de sport dans des parcs. « Entre 2015 et aujourd’hui, on est passé de 34 contrats corporatifs à 325 dans toute la province », indique Danielle Danault, sa fondatrice.
La papetière québécoise Domtar a fait partie des pionniers sur ces sujets : dès 1999, un centre d’entraînement a été adossé à l’usine de Windsor, en Estrie. « À l’époque, les travailleurs forestiers faisaient des tâches très physiques. Avec l’arrivée de l’industrie, ils ont changé de métier… mais pas d’alimentation, et ils ont commencé à avoir des problèmes d’embonpoint ou des maux de dos. Il fallait donc trouver une solution pour ne pas perdre notre monde,», témoigne Michel Simoneau, chef du Service de santé et de sécurité au travail. Aujourd’hui, plus du quart des 850 employés utilisent les appareils de musculation du centre chaque semaine.
Domtar a été accompagnée dans cette démarche par la compagnie Olympe, qui fournit depuis plus de 30 ans des programmes d’activité physique et de mieux-être en milieu de travail pour près de 600 clients. Son fondateur et PDG, Pierre Audet, a ainsi été aux premières loges pour mesurer l’évolution du secteur : « Au début, les usines constituaient 80 % de notre clientèle. Aujourd’hui, c’est à 80 % des bureaux ».
Les programmes de mieux-être en entreprise jouent, entre autres, sur l’attractivité et la rétention d’un employeur. (Photo: Markus Spiske pour Unsplash)
Un atout pour la marque employeur
Cet engouement soudain des entreprises pour le sport et le mieux-être est-elle liée à l’augmentation de la productivité globale ? Difficile à dire. L’effet direct de la pratique d’activités physiques est complexe à mesurer. D’après une étude menée par des professeurs de l’École d’administration publique Harris, à Chicago, et à l’Université de l’Illinois en janvier 2018, les programmes de mieux-être en entreprise n’ont, paradoxalement, pas eu d’impact significatif global sur les dépenses en soins de santé, sur la productivité ou encore sur le bien-être des employés. Par contre, ils jouent sur l’attractivité et la rétention d’un employeur !
La pénurie de main-d’oeuvre est en effet souvent évoquée par les professionnels du secteur quand on leur pose la question. « On voit par exemple de plus en plus d’entreprises faire mention du Défi Entreprises sur les réseaux sociaux pour s’afficher comme un employeur soucieux du respect de la santé de ses employés », constate M. Riou. « Cela fait partie des nouvelles demandes des employés : à salaire égal, tu vas choisir l’employeur où la qualité de vie sera la meilleure. Le monde du travail a connu une profonde évolution dans le rapport employeur-employé », ajoute M. Audet. « Les nouveaux salariés font souvent wow ! quand ils voient le gym au sein de l’usine », relate M. Simoneau.
Mario Messier cite l’exemple d’une grande entreprise de Montérégie : « Son DRH m’expliquait que, quand ils ont obtenu la norme Entreprise en santé en 2012, leur nombre de candidatures a doublé ! Les entreprises n’ont plus le choix, cela devient un critère de sélection auprès des travailleurs ».
Portrait des actions santé et mieux-être des PME québécoises
À l’automne 2018, le Groupe entreprises en santé a sondé 527 entreprises de moins de 500 employés représentatives des milieux du travail au Québec, via la firme Mercadex International, pour connaître leurs pratiques en la matière de santé et mieux-être (SME). Voici les faits saillants:
– 50,3 % des entreprises disent offrir des activités en SME. Attention toutefois : ce type d’enquête comporte souvent un biais de sélection (les entreprises actives ont tendance à accepter davantage de répondre aux questions)
- Les motivations des entreprises qui offrent des activités de SME sont: le climat de travail et l’engagement (45,7 %), le recrutement et la rétention (44,2 %), la réponse aux besoins des employés (35,5 %), l’accroissement de la productivité (30,9 %) ou les coûts liés à la mauvaise santé (19,6 %).
– Les freins: celles qui n’offrent pas d’activités de SME l’expliquent par la petite taille de l’organisation (46,2 %) ou que la SME ne constitue pas une priorité (11,8 %). Plus l’entreprise est petite, moins elle considère la pertinence d’offrir des activités de SME.
– La plupart des entreprises ne sont pas en mesure de bien évaluer les impacts de la non santé pour leur entreprise. Seulement 43,1 % des entreprises actives en SME compilent des indicateurs de non santé (35,9 % pour les inactives)