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Un truc pour diminuer les coûts de santé?

Les investigateurs financiers|Publié le 29 novembre 2019

Un truc pour diminuer les coûts de santé?

(Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Au Québec, les prévisions du budget 2019-2020 pour les soins de santés et services sociaux surpassent les 45G$, soit la moitié des revenus autonomes de la province (excluant les transferts fédéraux). Par conséquent, non seulement la moitié des impôts que vous payez au Québec sont affectés à ce poste de dépense, mais également tous les autres types de revenus comme la taxe de vente. Donc, on pourrait entrevoir que chaque dépense taxable comporte un frais de santé d’environ 5%.

Si la tendance se poursuit, cela n’ira pas en s’améliorant. Le graphique ci-dessous donne un indice de la progression:

 

*L’actualité, «Budget: voici comment Québec dépense vos impôts», 17 mars 2016. 

 

La population vieillit et la technologie disponible évolue, ce qui constitue deux facteurs contribuant au maintien de la tendance. Existe-t-il une solution?

Cet article présente un point intéressant à mon avis. L’auteur suggère que les dépenses de santé pourraient être réduites de 75% aux États-Unis. Je suis quelque peu sceptique face à ce chiffre, mais l’auteur fait appel à un trait humain déterminant dans le contrôle de coûts: les incitatifs.

Charlie Munger, le partenaire de longue date de Warren Buffett en investissement, a déclaré: «Toute ma vie, je pense bien faire partie des personnes de ma génération qui ont le mieux compris la puissance des incitatifs. Toute ma vie pourtant, je les ai sous-estimés. Pas une année ne passe sans que je sois à nouveau surpris par l’importance de ce phénomène.»

Dans l’article, on fait référence à deux incitatifs majeurs qui pourraient s’appliquer dans le secteur de la santé. Il s’agit de l’affichage des prix et de la réception d’une franchise. Comme vous le savez probablement déjà, les assureurs offrent souvent la possibilité de vous faire assumer une partie de la facture, en échange d’une prime plus basse. Par exemple, vous pourriez payer 1500$ au lieu de 1800$ pour assurer votre maison, en acceptant de couvrir une plus grande partie du coût d’un éventuel sinistre, le cas échéant.

L’assureur gagne sur deux plans: il économise de l’argent en cas de sinistre, et vous ferez probablement plus attention pour éviter le sinistre ou en minimiser l’impact lorsque c’est possible. Cependant, lorsque c’est le gouvernement qui paie la facture, comment peut-on bénéficier des incitatifs liés à la franchise? M. Flynn offre une proposition simple: vous recevriez de l’argent! 

Par exemple, supposons que le gouvernement envoie un chèque de 3 000$ par contribuable (soit l’équivalent d’une franchise). Dans le cas où la personne parfaitement en santé n’aurait pas besoin de débourser un seul sou pour un soin ou un médicament quelconque, elle pourrait disposer de ce montant comme bon lui semble. Pour que le plan puisse fonctionner efficacement, un contrôle des prix s’avère nécessaire. Chaque soin, consultation ou examen devrait comporter un prix afin de permettre aux bénéficiaires d’effectuer des recherches pour fins de comparaisons. Ainsi, on créerait un incitatif à offrir le meilleur service possible au moindre prix possible du côté des fournisseurs de services. Quant au patient, sa façon de voir les coûts de la santé évoluerait. D’une part, il s’efforcerait de maximiser l’utilité de l’argent reçu. D’autre part, dans le cas où le coût des soins surpasse ce montant, il serait sensibilisé à l’importance de ces coûts. Le patient deviendrait ainsi plus critique, et apprécierait davantage les bons soins dont il bénéficie.

Aucun système n’est parfait. M. Flynn semble très optimiste par rapport à cette façon de procéder, mais il subsiste toujours des éléments difficiles à prévoir. De nombreux ajustements seraient nécessaires. Cependant, je crois fortement à la puissance des incitatifs, et tout comme Charlie Munger, je crois bien que je vais également toujours sous-estimer leurs impacts à long terme.

Pour l’investisseur, comprendre les incitatifs permet de mieux prévoir le comportement des gens dans une multitude de situations. Par exemple, la rémunération des dirigeants des entreprises et le prestige des postes qu’ils occupent influent énormément sur leurs prises de décision. En lisant le livre «King Icahn» de Mark Stevens, j’ai été étonné par la résistance de la direction à accepter des changements lorsque les actionnaires seraient pourtant avantagés. Carl Icahn a connu beaucoup de succès en tant qu’activiste en tentant d’acquérir des sociétés publiques ou de s’immiscer dans leur conseil d’administration. Il devait user de toutes sortes de stratégies pour leur forcer la main, et contrer le statu quo. Concluons avec à nouveau une citation de M. Munger: «Montrez-moi les incitatifs et je vous montrerai les résultats».

Rémy Morel, CIM, Associé Barrage Capital