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ANALYSE. Wall Street et Bay Street aiment bien présenter de nouveaux thèmes à leurs clients lorsqu’une nouvelle année s’amorce, encore plus à la suite encore plus à la suite d’un marché baissier qui provoque souvent un changement de leadership en Bourse. La banque américaine Bank Of America (BAC, 33,88 $US), ainsi que le stratège montréalais Canaccord Genuity, sont de ceux qui recommandent de faire plus de place en portefeuille aux marchés internationaux.
Michael Hartnett, stratège en chef de Bank of America, clame que le vent tourne et que les Bourses internationales vont «écraser» les actions américaines en 2023.
Un dégel?
En fait, le retour du balancier commence peut-être à se manifester. En date du 10 janvier, les 66 Bourses mondiales, excluant celle des États-Unis, se sont appréciées de 12,7 % depuis la fin d’octobre par rapport au gain de 1,2 % pour le S&P 500 américain, rapporte Refinitiv Datastream.
L’an dernier, le recul de 12 % de la Bourse européenne (selon l’indice Stoxx 600) a été moins cuisant que celui de 18 % du S&P 500, et ce, malgré la guerre dévastatrice en Ukraine, la crise de l’énergie et l’inflation encore galopante en Europe. Les marchés émergents aussi se réveillent grâce aux espoirs suscités par le déconfinement chinois inattendu. L’indice MSCI des marchés émergents, qui tire le tiers de sa valeur de la Chine, a rebondi de plus de 20 % depuis le creux atteint en octobre.
Les arguments en faveur des marchés étrangers sont nombreux. Michael Hartnett fait valoir que la Bourse américaine a surpassé les actions mondiales depuis 15 ans grâce à l’explosion des vedettes de la technologie et à une longue période de taux d’intérêt anémiques.
Résultat: les actions américaines représentaient les deux tiers de la valeur des Bourses mondiales en 2022, un record.
De plus, les titres technologiques comptent encore pour le tiers de l’indice S&P 500 par rapport à la proportion de 12 % dans l’indice MSCI Monde ex-États-Unis.
Une nouvelle «ère» d’inflation élevée
Si le rendement de l’investissement de style «valeur»poursuivait sur sa lancée de 2022 à la suite du dégonflement des chouchous technos de la croissance, comme plusieurs le prédisent, les marchés de l’Europe seraient aussi mieux équipés pour bénéficier d’une nouvelle «ère»d’inflation élevée et de croissance lente. Les Bourses étrangères contiennent plus de titres cycliques boudés tels que les groupes industriels et les banques ainsi que des géants pharmaceutiques.
Michael Hartnett croit de plus que les 7500 milliards de dollars américains de rachats massifs d’actions par les sociétés américaines, qui ont soulevé la Bourse depuis la crise financière de 2008, seront plus épars à l’avenir. Washington impose un premier impôt de 1 % sur certains types de rachats et pourrait l’augmenter au cours des prochaines années. Cela survient au moment où il en coûte plus cher aux entreprises pour emprunter et financer ces rachats.
Pour les marchés développés
Martin Roberge, de Canaccord Genuity, est d’accord pour dire que les titres américains de croissance sont encore plus chèrement évalués (18,6 fois les bénéfices prévus dans 12 mois) que leurs semblables mondiaux (15,6 fois).
Le stratège quantitatif nuance toutefois sa recommandation. «Bien que les perspectives des plus grosses sociétés américaines de technologie soient ternes et que les actions étrangères pourraient tactiquement mieux performer que la Bourse américaine en 2023, il est trop tôt pour miser sur le renversement structurel de la performance des actions américaines.»Il manque un important ingrédient, à son avis, soit la dépréciation marquée et durable du dollar américain, s’il se fie à la période qui avait suivi l’implosion de la bulle Internet de 2000 à 2002. Le billet vert étant une valeur refuge en temps d’incertitude, il faudrait que les perspectives économiques mondiales s’améliorent nettement avant que la Bourse américaine traîne de la patte par rapport à celles du reste du monde, explique-t-il. Un tel scénario est possible en 2024 ou 2025.
Dans l’intervalle, le financier préfère les marchés développés EAEO (Europe, Australasie, Extrême-Orient) aux marchés émergents dans la répartition qu’il accorde aux marchés internationaux en portefeuille. Les premiers sont moins chèrement évalués que les deuxièmes et bénéficieront en plus de la baisse notable du coût de l’énergie.
De plus, le stratège s’attend à une reprise chinoise plus chaotique que ses collègues en raison des problèmes structurels de son marché immobilier.
Le rebond des exportations chinoises pourrait aussi se révéler plus lent que prévu parce que les importateurs du reste du monde réduisent leurs stocks et achètent moins, au moment où les consommateurs se serrent la ceinture. En Chine, les consommateurs favoriseront aussi l’achat de services plutôt que de biens, ce qui continuera de nuire aux fabricants.