Le Reichstag, à Berlin, héberge l'assemblée parlementaire allemande. (Photo: 123RF)
ZOOM SUR LE MONDE. L’élection générale du 26 septembre, en Allemagne, marque la fin d’un cycle politique, avec le départ de la chancelière conservatrice Angela Merkel, en poste depuis 2005, mais aussi le début d’une période d’incertitude politique et économique.
Or, à ce jour, l’élection allemande intéresse peu les médias canadiens, qui n’ont d’yeux ces dernières semaines que pour la débâcle américaine d’Afghanistan, l’élection fédérale au Canada et la quatrième vague de COVID-19.
Pourtant, ce scrutin du 26 septembre en Allemagne est crucial.
Certains analystes estiment que c’est probablement l’une des élections les plus importantes depuis celle du 2 décembre 1990, qui s’était tenue deux mois après la réunification allemande.
Si plusieurs candidats se disputent officiellement le poste de chancelier (l’équivalent du premier ministre au Canada) de la fédération allemande, nous assistons en fait à un duel à quelques jours du scrutin.
Le premier est Armin Laschet, le candidat de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), le parti d’Angela Merkel. Le second est Olaf Scholz, le candidat du Parti social-démocrate (SPD), qui est aussi le ministre des Finances sortant de la coalition dirigée par Angela Merkel.
Le social-démocrate Olaf Scholz en avance
Jusqu’à tout récemment, Armin Laschet menait dans les intentions de vote. En revanche, l’héritier de la chancelière est en mauvaise posture, Olaf Scholz dominant désormais les sondages.
Le 13 septembre, le SPD bénéficiait de 26 % des intentions de vote comparativement à 21% pour la CDU, selon le site «POLITICO Europe». Pour leur part, les Verts et le Parti libéral-démocrate (FDP, centriste libéral) récoltaient respectivement 16% et 12% des voix.
Le prochain gouvernement à Berlin sera donc nécessairement formé à nouveau d’une coalition et les combinaisons possibles sont nombreuses. Une situation qui crée un peu d’incertitude.
Qui formera le gouvernement aux côtés des sociodémocrates si la tendance se maintient? Quelles seront les priorités de cette coalition?
Le pays sera-t-il plus ouvert au commerce international ou adoptera-t-il des mesures protectionnistes? Quelle influence exercera l’Allemagne en Europe et dans le monde, alors que les États-Unis veulent de plus en plus se concentrer sur le bassin indo-pacifique?
Sur le plan strictement politique, l’enjeu de cette élection ne manque pas d’ironie comparativement à l’élection générale de décembre 1990.
Alors qu’on s’inquiétait à l’époque — surtout en France — d’une Allemagne réunifiée trop forte en Europe, on s’inquiète aujourd’hui d’un potentiel manque de leadership de Berlin avec la fin de « merkélisme ».
«On est passé de l’angoisse du “trop d’Allemagne” à celle du “trop peu d’Allemagne”, qui signifierait “trop peu d’Europe”», souligne le quotidien financier français Les Échos.
Le cinquième marché d’exportation du Québec
La santé économique de l’Allemagne est aussi une question importante pour les entreprises du Québec qui brassent des affaires ou qui investissent dans la quatrième économie mondiale.
Ce pays de 83 millions d’habitants est notre cinquième marché d’exportation.
En 2019, avant la pandémie de COVID-19, les expéditions de marchandises vers l’Allemagne des entreprises québécoises ont totalisé 2 milliards de dollars canadiens (G$ CA), devant celles destinées à la France à 1,5 G$ CA, selon Statistique Canada.
Au chapitre des investissements, à la fin de 2019, les entreprises canadiennes détenaient des stocks cumulatifs d’une valeur de 11,6 G$ en Allemagne, faisant de ce pays le quatrième bénéficiaire des investissements canadiens en Europe, d’après les données du gouvernement canadien.
À l’heure actuelle, l’Allemagne peine à relancer son économie.
En 2021 et 2022, le PIB allemand devrait croître respectivement de 3,6% et de 4,1%, selon les plus récentes prévisions du Fonds monétaire international (World Economic Outlook), publiées en juillet.
C’est un peu moins élevé que dans la zone euro (4,6% en 2021 et 4,3% en 2022), mais largement derrière le Canada (6,3% en 2021 et 4,5% en 2022), du moins pour l’année courante.
Les défis de l’industrie allemande
Pour autant, le prochain gouvernement ne pourra pas y changer grand-chose, affirme une source de l’industrie allemande impliquée dans les relations économiques entre le Canada et l’Allemagne, mais qui préfère garder l’anonymat étant donné sa fonction.
Notre source ne craint pas non plus l’adoption de mesures protectionnistes contre le Canada, comme celles qui viseront particulièrement la Chine et les fournisseurs chinois, à compter de janvier 2022.
Ainsi, dans quatre mois, l’Allemagne forcera les entreprises établies sur son territoire à respecter les droits de la personne dans leurs chaînes d’approvisionnement. Selon la loi adoptée au parlement allemand en juin, les entreprises devront aussi respecter des normes environnementales plus sévères.
Par ailleurs, un défi pourrait affecter les entreprises canadiennes qui sont intégrées dans la chaîne logistique de l’industrie automobile allemande, l’une des plus importantes au monde.
Ce défi est la transition énergétique, qui force les constructeurs automobiles allemands à offrir de plus en plus de véhicules électriques aux consommateurs, en Allemagne et dans le monde.
Bien entendu, les BMW et Volkswagen de ce monde ont déjà adapté leur offre et continueront à le faire sans trop de problèmes, estime notre source.
En revanche, le risque est davantage pour leurs chaînes d’approvisionnement et leurs fournisseurs de pièces et de composants qui devront, eux aussi, s’adapter très rapidement aux changements de l’offre.
Mais le pourront-ils tous ?
Le défi est de taille, par exemple, pour la multinationale canadienne Magna International, un fournisseur de premier plan pour l’industrie automobile allemande, qui compte plusieurs usines dans ce pays.
L’Allemagne est à la croisée des chemins, et aussi bien sur le plan politique qu’économique.
Étant donné la taille de son économie et de sa population, cette démocratie exemplaire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale a un rôle accru à jouer pour aider à la stabilisation du monde.
C’est aussi, du reste, dans l’intérêt des entreprises et des investisseurs canadiens actifs partout sur la planète, au moment où la «Pax Americana» bat de l’aile.
Tout comme il est dans l’intérêt de l’industrie canadienne de comprendre et de s’adapter à la mutation en cours dans l’industrie automobile allemande, qui ne manquera pas non plus d’affecter d’autres secteurs, notamment dans les services manufacturiers.
Tout compte fait, ce serait une bonne chose de s’intéresser peut-être davantage à ce qui se passe au pays de Goethe.