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Une nouvelle ruée vers l’or au Québec

François Normand|Édition de la mi‑mai 2022

Une nouvelle ruée vers l’or au Québec

80 % des sommes investies en exploration minière étaient réalisées dans la recherche de gisements aurifères, soit plus de 440 millions de dollars (M$) sur des investissements totaux de 534 M$, selon les données de l’Institut de la statistique du Québec publiées en novembre 2021. (Photo: courtoisie)

INDUSTRIE MINIÈRE. On assiste à une nouvelle ruée vers l’or au Québec : pas moins de 16 projets aurifères sont en cours, sans parler de huit mines déjà actives sur l’ensemble du territoire.

La carte des projets miniers au Québec, que le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles met à jour régulièrement, permet de saisir l’ampleur du phénomène. En date de mars dernier, ces 16 projets représentent la moitié des 33 projets recensés, et ce, du fer au lithium, en passant par le zinc et le graphite.

André Gaumond, géologue à la retraite et ancien président de Mines Virginia, qui a découvert le gisement d’or de la mine Éléonore, à la Baie-James, estime d’ailleurs que le Québec vit un bull market aurifère.

Le poids de l’or est encore plus important si l’on considère les investissements au Québec.

Ainsi, 80 % des sommes investies en exploration minière étaient réalisées dans la recherche de gisements aurifères, soit plus de 440 millions de dollars (M$) sur des investissements totaux de 534 M$, selon les données de l’Institut de la statistique du Québec publiées en novembre 2021.

 

Les prix se sont envolés dans les années 2000

« Ce qui stimule l’exploration, c’est le prix de l’or, qui est très intéressant », souligne Josée Méthot, PDG de l’Association minière du Québec. Vers la fin avril, l’once d’or s’échangeait à 1950$ US. Le 4 août 2020, elle a même franchi pour la première fois la barre psychologique des 2000$ US.

Depuis cinq ans, la valeur de l’or a augmenté de 53%, selon le site goldprice.org. En revanche, depuis 20 ans, on parle d’une explosion des prix de 544%.  Tout un contraste avec des cours inférieurs à 500 $ US entre le début des années 1980 et le milieu des années 2000!

Cette progression rapide — interrompue momentanément par la récession mondiale de 2008-2009 — tient à divers facteurs, selon plusieurs analyses. La guerre en Ukraine et la pandémie créent de l’incertitude géopolitique et économique, sans parler de l’inflation, qui atteint des niveaux records en 30 ans. Comme l’or est une valeur refuge en temps de crise, les investisseurs en achètent davantage.

La production mondiale de ce métal précieux, la demande de bijoux, le niveau des stocks d’or des banques centrales, la valeur du dollar américain et la volatilité des marchés financiers influent aussi sur son prix.

Dans ce contexte, pas étonnant que les projets aurifères se multiplient au Québec.

 

 

De nouvelles mines verront bientôt le jour

Minière Osisko progresse avec son projet Windfall, à la Baie-James, situé sur les territoires traditionnels de la Première Nation des Cris de Waswanipi. Ce projet est évalué à 544 M$ et emploiera jusqu’à 120 Autochtones.

L’entreprise devrait terminer son étude de faisabilité au quatrième trimestre de 2022 et réaliser une étude d’impact environnemental à la fin de 2022 ou au début de 2023. La mise en service est prévue à la fin de 2024.

« L’objectif est de produire 300 000 onces d’or par année pendant 10 ans, précise le président de Minière Osisko, Mathieu Savard. On aimerait dépasser cette période, mais c’est ce à quoi on s’attend actuellement. »

Ressources Falco est aussi active sur le terrain, avec son projet Horne 5, à Rouyn-Noranda, en Abitibi-Témiscamingue. Son projet aurifère est situé sous l’ancienne mine de cuivre Horne, qui a été en production de 1926 à 1976, aujourd’hui la propriété de Glencore.

Horne 5 est évalué à 1,1 milliard de dollars canadiens (G$). La mine produira 220 000 onces d’or par année pendant 15 ans, et ce, à partir de la fin de 2025 ou le début 2026, si le processus régulier suit son cours.

« On produira de l’or, mais aussi des sous-produits, comme le cuivre et le zinc », précise Luc Lessard, président et chef de la direction de Ressources Falco, qui fait remarquer que la valeur de ces minéraux a aussi beaucoup augmenté.

L’année en cours est déterminante pour ce projet, qui devrait franchir trois étapes : l’obtention de la licence d’exploitation du site de la part de Glencore, le processus d’autorisation gouvernemental et la poursuite du financement du projet.

Yamana Gold, qui développe le projet Wasamac, également situé près de Rouyn-Noranda, pourrait aussi avoir une mine d’or en production dans les prochaines années si tout se passe comme prévu, explique le directeur de la communauté et des affaires externes de la minière, Marc-André Lavergne.

« Nous pourrons avoir la première coulée d’or à la fin de 2026, et produire sur une base commerciale à la fin de 2027 », affirme-t-il. Ce projet, évalué à 1 G$ CA, prévoit une production annuelle de 169 000 onces d’or pendant 10 ans, avec la possibilité de développement de plus de 15 ans.

 

Les prix demeureront-ils élevés ?

Reste à voir maintenant si cette ruée vers l’or pourra perdurer.

Depuis une cinquantaine d’années, la valeur de l’once a évolué en dents de scie, avec des variations plus prononcées à la hausse et à la baisse depuis 20 ans. Les producteurs d’or ne sont donc pas à l’abri d’une chute des prix, comme dans la première moitié des années 2010.

Pour autant, l’analyste Greg Barnes, de Valeurs Mobilières TD, prévoit dans une note publiée le 25 mars que les prix de l’or demeureront élevés dans les prochaines années. Pour l’ensemble de 2022, il anticipe une once d’or à 1850 $ US, une valeur qui diminuera graduellement pour s’établir à 1 700$ US en 2026.

Reste à voir si des événements imprévus ne viendront pas perturber ces scénarios, notamment une nouvelle récession mondiale.