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Gabriel Fortin

L'entrefilet de JosFinance

Gabriel Fortin

Expert(e) invité(e)

Une récession américaine à nos portes?

Gabriel Fortin|Mis à jour le 11 avril 2024

Une récession américaine à nos portes?

La Fed anticipe qu’elle pourra maintenir le taux de chômage stable autour de 3,5%. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. La Réserve fédérale américaine doit faire face aux plus grandes hausses de prix en 40 ans. Que ce soit pour les consommateurs ou les entreprises, les hausses de prix sont majeures. Toutefois, si la banque centrale américaine se retrouve dans cette situation, c’est un peu, beaucoup, par sa faute. Malheureusement, en tentant de reprendre le contrôle de la situation, la Fed risque de plonger l’économie américaine en récession.

Dès que les hausses de prix ont débuté leur accélération au début de 2021, plusieurs économistes et analystes se sont levés pour inviter la Fed à relever le pied de l’accélérateur afin de resserrer la politique monétaire américaine. Toutefois, la Fed a fait la sourde oreille en maintenant une politique monétaire accommodante malgré l’accélération de la hausse des prix.

La banque centrale avait pour objectif de favoriser son mandat de plein emploi ce qui s’est fait au détriment de son autre mandat, soit la stabilité des prix. Sachant que sa politique monétaire accommodante était un facteur stimulant directement la hausse des prix, la Fed a cherché une porte de sortie en qualifiant de «transitoires» les hausses de prix.

Cependant, le discours de la Fed a mal vieilli et les excuses utilisées pour justifier des hausses de prix qui ne ralentissaient pas n’ont fait qu’éroder la crédibilité de la Fed à l’égard de sa capacité à remplir son mandat de stabilité des prix. Ironiquement, Jerome Powell, le président de la Fed, a même affirmé, lors de sa plus récente conférence de presse, qu’en rétrospective il aurait été plus juste de resserrer la politique monétaire plus tôt.

En cherchant à rejeter les hausses de prix sur l’effet de base ; l’économie en redémarrage ; la dislocation des chaines d’approvisionnement ou la guerre en Ukraine, la Fed cherche à s’acheter du temps parce que la banque centrale se sait prise entre l’arbre et l’écorce. Il n’y a que de douloureux dilemmes devant elle.

En combattant les hausses de prix par un relèvement rapide de son taux directeur, la Fed risque de plonger l’économie américaine en récession et de ruiner le travail de redressement réalisé du côté du marché de l’emploi. Par contre, en laissant les hausses de prix s’accélérer du fait de sa politique monétaire accommodante, elle risque de modifier les anticipations des consommateurs et des entreprises à l’égard des hausses de prix futures semant ainsi les germes d’un possible cycle inflationniste vicieux. Une Réserve fédérale américaine passive jumelée à une économie déjà en ralentissement et à des consommateurs ayant la mine plutôt basse jette la table pour une potentielle période de stagflation, soit une croissance économique paralysée et écrasée par l’inflation.

Lors de la plus récente rencontre du Federal Open Market Committee (FOMC), la Fed est finalement sortie de son attentisme en haussant son taux directeur d’un quart de pour cent pour l’amener à 0,5%. D’ailleurs, elle prévoit de procéder ainsi à chacune des six rencontres du FOMC restantes cette année ce qui porterait le taux directeur de la Fed à tout près de 2%. Quant au bilan financier de la banque centrale, celui-ci serait réduit dès cette année et le plan de réduction communiqué lors de la prochaine rencontre du FOMC prévue en mai prochain.

La Fed a aussi revu ses prévisions de croissance à la baisse et ses prévisions d’inflation à la hausse pour l’année en cours. La tendance qui se dessine n’est pas très positive. Une baisse de la croissance additionnée d’une hausse de l’inflation avec un resserrement monétaire opéré en parallèle ne représente pas une combinaison particulièrement gagnante pour l’économie américaine. Ce qui surprend, c’est que la Fed anticipe qu’elle pourra maintenir le taux de chômage stable autour de 3,5%.

D’une part, la Fed cherche à répondre aux hausses de prix importantes et, d’une autre, à regagner de la crédibilité auprès d’une population qui s’impatiente devant des hausses de prix qui ne ralentissent pas. Selon Jerome Powell, l’économie américaine est solide et peut soutenir le nombre de hausses de taux directeur requis pour freiner la hausse des prix.

Par contre, cette tâche sera un réel chemin de croix pour la Réserve fédérale américaine. Le niveau de dette dans l’économie et la dépendance de celle-ci aux bas taux d’intérêt rend toute tentative de régularisation de la politique monétaire extrêmement périlleuse. Plus la banque centrale américaine avancera dans ce cycle de resserrement monétaire, plus il deviendra évident qu’elle pousse l’économie américaine vers la récession ou pire vers la stagflation.