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Une tablette pour la grappe de la construction?

Simon Lord|Édition de mars 2020

Une tablette pour la grappe de la construction?

Annoncée officiellement en août 2018, la mise en place de la grappe de la construction est un projet qui remonte à 2016. (Photo: 123RF)

INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION. Le projet de création d’une grappe de la construction, piloté par le Conseil du patronat du Québec (CPQ) en collaboration avec le ministère de l’Économie et de l’Innovation, avait le vent dans les voiles jusqu’à l’élection de l’actuel gouvernement. Elle devait même voir le jour l’été dernier. Il semble maintenant que l’idée ait été tablettée. Que s’est-il passé ?

Annoncée officiellement en août 2018, la mise en place de la grappe de la construction est un projet qui remonte à 2016. Le Plan économique du Québec de mars 2018 avait d’ailleurs prévu 1,4 million de dollars sur cinq ans pour la création d’une grappe dans le secteur de la construction.

« Lorsque le nouveau gouvernement est arrivé [en octobre 2018], il n’a pas dit « ce n’est pas une bonne idée », rappelle Yves-Thomas Dorval, le président et chef de la direction du CPQ. Il est en train de revoir la stratégie des grappes. Il voulait donc asseoir ses orientations et décisions concernant les grappes existantes avant d’en créer de nouvelles. »

M. Dorval affirme donc que le projet est au point mort. « À ce moment-ci, on n’a aucune indication que le gouvernement a l’intention d’aller de l’avant. »

« On ne connaît pas l’avenir de la stratégie du gouvernement quant aux grappes, poursuit-il. Il n’y en aura donc certainement pas qui seront créées bientôt. » Quelle que soit la décision qui sera prise pour la suite, le gouvernement risquerait maintenant peu de reconnaître l’industrie de la construction comme une grappe en tant que telle, estime Yves-Thomas Dorval, étant donné la nature « transversale » de celle-ci. Il s’agit en effet d’une industrie qui regroupe différents secteurs d’activité, de l’architecture à l’ingénierie en passant par les entrepreneurs en construction.

Gouvernement muet

Interrogé par Les Affaires sur l’avenir de la grappe de la construction, et plus généralement sur les plans du gouvernement québécois quant à la stratégie des grappes, le ministère de l’Économie et de l’Innovation n’a toutefois pas donné de réponse substantielle.

Une porte-parole a indiqué par courriel que « le ministère de l’Économie et de l’Innovation poursuit ses collaborations avec les différents partenaires, notamment les principales associations d’entreprises du secteur de la construction, afin de favoriser la mise en place d’initiatives structurantes », sans offrir plus de détails.

Démobilisation

Oui, certains acteurs du milieu de la construction continuent de se rencontrer pour partager leurs priorités et pour discuter avec le gouvernement, reconnaît Yves-Thomas Dorval. Il s’agit surtout d’intervenants du milieu associatif, dont la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec, l’Association de la construction du Québec et l’Association des firmes de génie- conseil. Ils abordent des questions comme celles des technologies, notamment les enjeux liés à la modélisation des données du bâtiment (MDB), aussi connu sous son acronyme anglais BIM.

« Mais ça ne rassemble pas l’ensemble de l’écosystème », souligne le président du CPQ, qui se dit très déçu de ne pas voir l’accouchement et l’aboutissement de tous les travaux qui ont été menés jusqu’ici. « On avait investi beaucoup, mais au-delà de ça, ce qui était le plus important de ce projet [de grappe], c’était la mobilisation, parce que ça reste un secteur extrêmement compartimenté. » Si le projet avait réussi à susciter cette mobilisation, la vapeur est aujourd’hui renversée. De l’avis d’Yves-Thomas Dorval, la décision du gouvernement de ne pas poursuivre dans la même direction fait en sorte que le milieu est tranquillement en train de se démobiliser.

Et la construction durable, là-dedans ?

Les enjeux et défis liés à la construction durable devaient faire partie des questions sur lesquelles la grappe allait se pencher. Différents acteurs, comme ceux mentionnés plus tôt, continuent malgré tout d’en discuter.

« Tout se fait de manière plus informelle, à notre grand désarroi », affirme Yves-Thomas Dorval. Selon lui, le principal avantage du projet de grappe était de promettre de rassembler non seulement les associations, mais aussi les entrepreneurs, les professionnels, comme les ingénieurs et les architectes, les donneurs d’ouvrage, les spécialistes des matériaux, les écoles et centres de recherche, et même les institutions financières. Bref, tous les intervenants de l’écosystème de la construction.

« Si on ne réussit pas à réunir tous ces acteurs, on va continuer de travailler en silos, conclut le président du CPQ. Il faut donc continuer de sensibiliser le gouvernement à l’importance de se doter d’une stratégie pour que le secteur de la construction devienne un pilier de l’amélioration de la productivité, de l’efficacité et de la durabilité. »