Le Port de Montréal à décider d’intégrer ses outils technologiques à même les équipements et les infrastructures existantes. (Photo: 123RF)
SECTEUR MARITIME. Contrairement au Port de New York, qui a investi des milliards de dollars pour bâtir des infrastructures robotisées à la fine pointe de la technologie, les acteurs présents dans le Port de Montréal ont fait le choix d’intégrer leur technologie aux équipements et aux infrastructures existantes.
«Il y a une dizaine d’années, nous avons pris le virage de devenir un port intelligent», annonce Mélanie Nadeau, vice-présidente aux affaires publiques et aux relations avec les communautés de l’Administration portuaire de Montréal. En regardant sa feuille de route technologique, on constate que le Port a effectivement su se montrer innovant:déploiement d’un système de caméras pour identifier les camionneurs qui entrent dans le port, il y a 12 ans, installation de bornes de branchement électriques en 2017 (une première en Amérique du Nord) et, plus récemment, mise en ligne d’une plateforme prédictive nommée «PORTail du camionnage»pour informer les camionneurs du temps d’attente dans la cour.
En même temps, on ne croisera pas de grues robotisées ou de tracteurs autonomes, comme on peut en voir à New York ou dans certains ports asiatiques. «Pour automatiser une grue, il faut démolir des infrastructures civiles», explique Martin Tremblay, directeur exécutif des technologies de l’information de Montreal Gateway Terminals (MGT), un des deux opérateurs de terminaux présents dans le port de Montréal — avec Termont. «Dans nos analyses, nous avons tendu vers un compromis, qui est d’optimiser les équipements actuels sans chambarder le fonctionnement de la cour.»
En 2019, MGT a entrepris d’automatiser la collecte d’information des contenus déchargés et l’attribution d’instructions en temps réel pour leur ordonnance de la cour. «Au moment du déchargement, ça va très vite, dit Martin Tremblay. Nous manquons parfois de personnel pour faire l’inventaire et optimiser le rangement des conteneurs dans la cour.»
Rebaptisée «projet Mercure»en 2023, lorsque MGT a pu y rattacher un financement provincial de 4,8 millions de dollars, l’opération consiste à greffer aux grues existantes un système de caméras intelligentes pour capter le numéro d’identification des conteneurs lors du déchargement, ainsi qu’une technologie de géolocalisation pour suivre leur déplacement dans la cour. Prévu pour être opérationnel en mai, le projet avait le défi de développer une intelligence artificielle qui puisse lire les numéros des conteneurs dans des conditions hivernales. «Jusqu’à maintenant, les résultats dépassent nos attentes, annonce le directeur des TI. Nos scénarios prévoyaient un taux de succès de 80 %, alors que les caméras parviennent à identifier les conteneurs 99 % du temps.»
En plus de sauver du temps sur la collecte d’information, MGT compte dans un deuxième temps valoriser les données liées aux mouvements des conteneurs dans la cour. Un algorithme sera éventuellement entraîné pour optimiser l’ordonnancement des conteneurs; les opérateurs de grue recevront alors des instructions visant à réduire le nombre de «manoeuvres fantômes»(ex.:déplacer des conteneurs pour en aller chercher un sous une pile), actuellement évaluées à 33 %.
Fluidité de l’information
Un étage au-dessus, l’administration portuaire travaille elle aussi à optimiser sa collecte d’information. Au début de la pandémie, elle a déployé une technologie pour lire les «manifestes»des navires (la liste d’inventaire) afin de prioriser les marchandises critiques, comme des masques ou d’autres équipements médicaux. Le projet a été mené à terme avec le partenaire logistique CargO2ai. «Aujourd’hui, nous avons l’information avant même que le navire arrive à quai, explique Mélanie Nadeau. Les débardeurs peuvent ainsi prioriser les conteneurs de marchandises critiques, qui sont traités environ 50 % plus rapidement qu’un conteneur normal.»
Un autre projet — en cours de développement — vise à améliorer la coordination du transport intermodal entre les navires et les trains. «Nous voulons mieux synchroniser le moment d’arrivée des navires avec la préparation des trains pour les conteneurs», explique la VP aux affaires publiques.
Pour améliorer la fluidité des transits, le Port et ses partenaires ont choisi de concentrer leurs efforts sur la fluidité de l’information plutôt que simplement sur l’artillerie mécanique. «Sur le plan de l’innovation, je crois que l’on parvient à tirer notre épingle du jeu, fait valoir Mélanie Nadeau. La fiabilité et la fluidité de nos opérations en témoignent, avec un séjour des conteneurs qui va de deux à trois jours, ce qui est très appréciable.»