Pourquoi arrêter de faire jouer cette chanson «classique» qui a si bien servi les uns, m'objecterez-vous? Tout simplement parce que cette ritournelle fermée sur elle-même appauvrit «notre puissance d'exister, de penser, de voir et d'écouter». (Photo: Manuel Sardo pour Unsplash)
BILLET. Joyce Echaquan, George Floyd, Regis Korchinski-Paquet, Breonna Taylor… Les drames se suivent et se ressemblent. Il y a tellement de victimes de discrimination qu’il n’y aurait pas assez d’espace dans ce texte pour nommer celles d’une année, même pandémique.
Qu’attendons-nous pour mettre fin à cette macabre rengaine ? Les rapports des commissions s’accumulent et les recommandations se débattent dans la perpétuation d’un système qui n’est jamais profondément remis en question. Pire, il semble vraiment difficile pour certaines personnes de reconnaître son existence !
Il nous faut changer le disque de l’« air du temps » qui veut que l’on vive tous et toutes à la même cadence, avec les mêmes pensées réglées comme du papier à musique. Pourquoi arrêter de faire jouer cette chanson « classique » qui a si bien servi les uns, m’objecterez-vous ? Tout simplement parce que cette ritournelle fermée sur elle-même appauvrit « notre puissance d’exister, de penser, de voir et d’écouter ».
Dans ce numéro spécial, Olivier Schmouker, Siham Lebiad et Ruby Irene Pratka vous présentent des gens qui en avaient marre d’imposer le même tempo et qui ont voulu prêter l’oreille à d’autres rythmes, sans nécessairement briser l’harmonie. Ces PME nous avouent que l’inclusion des femmes, des personnes trans, des membres de minorités racialisées et des personnes en situation de handicap stimule leur efficience plus que jamais et jazze leurs vies professionnelles.
J’ose espérer que mes mots et ceux rapportés par nos journalistes vous inciteront à poser des actions concrètes pour changer la rengaine quotidienne de la marginalisation qui dissimule une foule d’occasions. Nous devons certes continuer de dénoncer les discours immondes et les gestes mortifères de certaines personnes. Nous devons pour cela viser le système dans lequel elles agissent. D’un autre côté, nous devons nous regarder dans le blanc des yeux avant de nous appuyer sur la béquille du système. Scrutez votre liste d’employés et demandez-vous dans quelle direction vous iriez si différents points de vue étaient conviés dans votre quotidien ?
Les paroles s’envolent, les mots sont écrits, mais les gestes restent. Essayons de briser la bruyante certitude que rien ne va changer et que l’intolérance va revenir faire les manchettes dans peu de temps. Simone Weil disait qu’il ne faut pas « croire qu’on puisse légitimement s’attendre à ce que les choses se passent d’une manière conforme à la justice ; d’autant plus qu’il s’en faut de beaucoup pour que soi-même, on soit juste ».
Qu’attendons-nous donc pour écouter la diversité ?
Marie-Pier Frappier
Rédactrice en chef par intérim
marie-pier.frappier@tc.tc
@mpfrappier