Le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles désire faire du Québec un incontournable en matière de mise en valeur des minéraux critiques et stratégiques, un secteur en croissance. (Photo: 123RF)
INDUSTRIE MINIÈRE. Les minéraux critiques et stratégiques représentent actuellement des milliers d’emplois directs et indirects au Québec. Un nombre qui risque d’augmenter rapidement, comme plusieurs d’entre eux sont étroitement liés à l’innovation technologique.
C’était une priorité avant la pandémie, et ça l’est encore plus aujourd’hui : le Québec se lance dans la course mondiale pour valoriser ses minéraux critiques et stratégiques (MCS). Cela aura pour effet de stimuler son économie et de permettre aux industries dans le monde qui en ont besoin de réduire leur dépendance à l’égard de la Chine, qui contrôle l’essentiel de la chaîne d’approvisionnement.
En entrevue à Les Affaires, le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonathan Julien, explique que la COVID-19 a montré l’importance d’avoir des chaînes d’approvisionnement fiables et diversifiées dans plusieurs secteurs, à commencer par les minéraux critiques et stratégiques. «Nous avions déjà cette vision auparavant pour ces minéraux. Cette crise vient appuyer encore davantage notre démarche», dit-il au téléphone.
Ces minéraux sont très utilisés. Des industriels se servent par exemple du graphite, du lithium, du cobalt et du nickel pour fabriquer des batteries pour les ordinateurs portables et les téléphones intelligents, les voitures électriques et le stockage d’énergie. Des entreprises utilisent aussi des éléments du groupe du platine pour fabriquer les disques durs d’ordinateurs, sans parler des terres rares pour concevoir des aimants permanents des moteurs électriques.
Ce qui explique notamment pourquoi la demande mondiale de MCS devrait exploser d’ici 2050, selon diverses études. L’agence scientifique United States Geological Survey et la Banque mondiale anticipent une croissance de la demande de 965 % pour le lithium, ainsi que de très fortes hausses pour le cobalt (585 %), le graphite (383 %), le vanadium (173 %) ou le nickel (108 %).
Certes, la crise économique mondiale provoquée par la COVID-19 ralentira la demande mondiale pour ces minéraux à court et à moyen terme. À long terme, en revanche, la demande continuera d’augmenter, notamment pour les terres rares (une famille de 17 minerais), ce qui favorisera le Canada et le Québec, affirme Marc Desormeaux, économiste principal à la Banque Scotia.
«Dans la mesure où le coronavirus incite à une moindre dépendance à l’égard de la Chine, la domination du pays sur le marché des terres rares étant souvent citée comme un facteur freinant l’investissement, nous pourrions voir davantage de développements de terres rares au Canada et à l’étranger à long terme», explique-t-il.
La Chine ne domine pas seulement la chaîne de valeur des terres rares, selon le magazine américain Foreign Policy. Dans une analyse exhaustive publiée l’an dernier sur le Web, «Mining the Future : How China Is Set to Dominate the Next Industrial Revolution», il documente et chiffre «la concentration sans précédent du pouvoir de marché» des Chinois dans l’ensemble des minéraux critiques et stratégiques, en Chine, mais aussi à l’étranger, notamment en Afrique.
Ressources vitales
Dans une analyse publiée en 2019 en prévision des consultations publiques sur les MSC (de novembre à février), le gouvernement du Québec souligne que les minéraux critiques sont «d’une importance économique significative pour l’économie», sans parler du fait qu’il y a un risque élevé au chapitre de l’approvisionnement et qu’il n’y a pas de substituts accessibles commercialement.
Quant aux minéraux stratégiques, Québec affirme que ce sont des «indispensables» à la mise en oeuvre de politiques économiques comme le Plan d’électrification et de changement climatique 2020-2030 et de la Politique énergétique 2030.
Dans son budget 2020-2021, le gouvernement Legault a prévu une enveloppe de 90 millions de dollars pour valoriser ces minéraux. Cet argent servira à améliorer les connaissances et à faire leur promotion, à favoriser l’innovation et à développer l’expertise, de même qu’à contribuer au développement de la filière verte, du recyclage et de bonnes pratiques environnementales. Selon le ministre Julien, ces investissements sont toujours «en haut de la liste des priorités» du gouvernement, bien qu’il ait dû augmenter ses dépenses pour aider des entreprises et des citoyens à passer au travers de la crise.
Comment le Québec va se démarquer
Ces investissements sont aussi une priorité du côté de l’Association minière du Québec. Sa PDG, Josée Méthot, insiste sur l’importance de faire valoir les atouts du Québec dans le monde afin de bien positionner son industrie pour attirer des investisseurs en vue de développer des mines, mais aussi des usines de deuxième et de troisième transformation, pour fabriquer par exemple des batteries pour des voitures électriques. «Le Québec a une énergie propre, l’hydroélectricité, en plus d’être collé sur le marché américain», dit-elle, en soulignant que les États-Unis veulent réduire leur dépendance aux approvisionnements de MCS en provenance de la Chine. Deux atouts dont ne dispose pas, par exemple, l’Australie, une puissance minière, même si ce pays de l’Asie-Pacifique regorge de nombreuses ressources naturelles comme le Québec.
La demande devrait exploser
965 %
C’est le pourcentage de croissance anticipée de la demande de lithium d’ici 2050.
Source : United States Geological Survey et la Banque mondiale