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Daniel Lafrenière

De kessé l'expérience client

Daniel Lafrenière

Expert(e) invité(e)

Vers une conversation avec le citoyen

Daniel Lafrenière|Publié le 26 février 2020

Vers une conversation avec le citoyen

(Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Le Web est en mutation, en transformation. Les premiers sites Web calquaient les structures administratives des organisations. Rien pour aider un client à trouver ce qu’il cherchait. Puis, le domaine de l’expérience utilisateur — ce qu’on appelle le UX — fit son apparition pour enfin considérer les besoins et attentes de l’utilisateur, du client, du citoyen.

C’est cette vision orientée citoyen qui a mené au nouveau site Web de la Ville de Montréal lancé en décembre dernier. C’est bien, très bien même! Mais que pourrait-on faire pour aller plus loin? Résumé d’une conversation avec Jean-François Poulin, chargé de pratique UX à la Ville.

Précisons d’emblée que la refonte du site Web de la Ville est le fruit du travail commun du Département des communications et du Département UX (User eXperience). Oui, il existe un département UX à la Ville. Il se trouve dans l’unité où il a le plus d’influence sur les façons de faire, c’est-à-dire à la Direction des technologies de l’information. «Pour faire changer les choses à la Ville, il faut passer par les TI», souligne Jean-François. Et je suis bien d’accord.

Il faut cesser de prendre des décisions concernant le citoyen… sans le consulter! Ce n’est pas parce qu’on est expert ou un citoyen — «Moi aussi je paye des taxes!» — qu’on saisit la réalité et les besoins de tous les citoyens. D’où l’importance de les connaitre, de comprendre leurs besoins, leurs attentes et le contexte, d’élaborer une solution et de la tester auprès d’eux.

 

Pourquoi un nouveau site?

L’ancien site datait. En plus d’être mal indexé, ce qui rendait difficile la recherche d’information, il était conçu à l’aide d’une plateforme technologique qui avait atteint ses limites. Tellement que lorsque de nouvelles initiatives Web surgissaient, elles étaient réalisées dans un autre environnement. Une nébuleuse de sites est donc apparue, rendant complexe la gestion de contenus ainsi dispersés. On ne parle pas de quelques centaines de pages Web, mais de dizaines de milliers de pages Web. Cette refonte représentait l’occasion rêvée pour introduire des pratiques de UX.

 

Conçu avec la rétroaction des citoyens

Inspirée des sites du gouvernement de Grande-Bretagne et du Québec, la page d’accueil du nouveau site représente une cartographie des différents contenus regroupés par thème.

Pour créer ces regroupements, des citoyens ont été consultés pour réaliser un tri de cartes. En gros, on demande à des utilisateurs, des citoyens de regrouper des sujets par thème. Cette approche toute simple permet d’avoir la vision du client.

Ces rencontres citoyennes ont aussi permis d’entendre des phrases comme «Moi je veux des informations sur ma ville et sur ce qui me concerne, et moins de politique. Je ne veux pas savoir qu’un politicien coupe un ruban pour telle raison, je veux seulement savoir où aller sur le site pour payer une contravention.»

Nul besoin de dépenser une fortune pour parler aux clients. Des itérations du futur site Web ont été testées à l’aide d’une version papier en sollicitant l’aide de clients dans des cafés de Montréal… et en leur offrant une boisson chaude à titre de dédommagement.

 

D’un site Web à une conversation

«Un jour, la Ville sera en mesure d’établir une relation quotidienne avec les gens», me dit Jean-François. La Ville de Montréal détient une quantité impressionnante de données qui pourraient être exploitées pour informer de façon proactive le citoyen. Par exemple, à l’apparition d’un trou dans la rue pour réaliser des travaux, la Ville pourrait informer le citoyen du mandataire des travaux, de la durée estimée, et de la raison.

Une approche du genre «Nous avons de l’information sur ce qui se passe dans votre rue. Nous aimerons avoir une conversation avec vous» est à envisager. Au lieu de visiter le site Web de la Ville quelques fois par année — par exemple pour payer ses taxes — le citoyen recevrait une communication semblable à «Nous déneigeons votre rue aujourd’hui. N’oubliez pas de déplacer votre voiture».

Au lieu d’aller chercher l’information dans une vaste bibliothèque que représente le site Web actuel, le citoyen serait informé de façon proactive de ce qui se passe dans sa rue ou son quartier. Ce serait le début d’un réel dialogue, d’une réelle relation entre la Ville et ses citoyens.

On pourrait facilement imaginer un assistant personnel du genre Google Home rappeler au résident du 1234 Sherbrooke de sortir son bac de récupération avant de partir pour le travail. On parle ici d’information personnalisée, géolocalisée et pertinente pour le citoyen.

Est-ce une invasion? Non, il s’agit d’une conversation, souligne Jean-François. En plus d’être une conversation, cela a de la valeur pour le citoyen puisque cela soutient sa mémoire. On pourrait faire de même quelques jours avant la date d’échéance du paiement d’un compte de taxes. Ceci ne relève pas de la science-fiction. La Ville détient toute l’information en plus d’être dotée d’une grande équipe TI.

Cette approche conversationnelle permettrait aussi de résoudre des problèmes d’accessibilité. À l’aide d’un assistant personnel à moins de 100 $, un citoyen moins familier avec le Web ou éprouvant des problèmes de littératie pourrait être informé à moindre coût. Nul besoin d’un ordinateur.

Travaux en cours, rappels, suivi d’une demande, fête de quartier ou information concernant le déneigement ne sont que quelques exemples de sujets pouvant faire l’objet d’une conversation. Il faut commencer à changer nos façons de concevoir et de penser la relation avec le citoyen.

Si l’on ne crée pas de conversation, on ne crée pas de relation. Et s’il n’y a pas de relation, il ne peut y avoir d’expérience citoyen.