Julie-Anne Chayer, vice-présidente à la responsabilité d’entreprise au Groupe Agéco (Photo: courtoisie)
INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION. La construction et la rénovation de bâtiments, aussi écologiques soient-ils, génèrent une quantité considérable de déchets. Sans une gestion adéquate de ceux-ci, un édifice peut donc difficilement être jugé durable. Ainsi, pour Julie-Anne Chayer, vice-présidente à la responsabilité d’entreprise au Groupe Agéco, la bonne gestion des déchets demeure l’un des défis importants quand on souhaite construire de façon plus durable.
Tout commence lors de la planification du projet et du chantier, voire avant. « On parle de mettre des conteneurs sur les chantiers pour optimiser la réutilisation future ou la valorisation des résidus, dit-elle. Mais l’écogestion des déchets de construction, ça va au-delà des chantiers et des conteneurs. »
C’est d’abord penser à diminuer les déchets à la source. Ce qui signifie de réduire la quantité de matériaux neufs utilisés, de même que le gaspillage, la perte, la dégradation ou le rejet de matériaux à toutes les étapes du cycle de vie d’un ouvrage bâti.
Une vision d’ensemble
Qu’implique plus précisément l’écogestion d’un projet ? D’abord, se demander s’il serait possible de restaurer une structure plutôt que la démanteler ou la démolir. Ensuite, si l’on décide d’aller de l’avant avec un projet de construction ou de rénovation, mettre ses objectifs par écrit. Le devis lié au projet peut par exemple préciser les attentes en matière de valorisation des matériaux, de gestion des résidus et de standards de performance en matière environnementale (matériaux recyclables ou récupérables, par exemple).
À cet égard, les responsables du projet devraient sélectionner des experts-conseils et des entrepreneurs qui ont une expertise en gestion écoresponsable de chantiers, de même que favoriser les matériaux qui présentent de meilleures performances environnementales, qui ont un contenu recyclé ainsi qu’une plus longue durée de vie.
« Un autre des éléments clés, c’est de travailler sur l’entretien des composants du bâtiment pour prolonger sa durée de vie utile », dit Julie-Anne Chayer, qui a également dirigé la rédaction du guide La réduction à la source des matériaux et résidus de construction – Guide pour la planification et la gérance des chantiers, publié l’an dernier.
Barrières à l’adoption de bonnes pratiques
Plusieurs barrières freinent toutefois l’adoption de ces bonnes pratiques. Le manque de temps et le défi de mieux coordonner les différents professionnels en sont des exemples. Les coûts sont par ailleurs un autre obstacle important. Effectivement, la mise en place de nouvelles pratiques visant notamment la réduction à la source peut représenter un investissement financier à court terme. L’instauration de nouvelles pratiques liées à l’entretien des bâtiments peut également être coûteuse : remettre en état des composants plutôt que les remplacer exige des vérifications et de l’entretien plus fréquents Pourtant, à long terme, s’il l’on considère tous les coûts générés sur la vie du bâtiment, les bonnes pratiques mentionnées plus haut peuvent en réalité mener à des économies.
« C’est important de penser au cycle de vie entier du bâtiment, de penser selon le coût total de propriété », dit Julie-Anne Chayer. Le coût total tient compte, entre autres, des coûts d’acquisition, d’entretien, d’administration et de formation, mais aussi des coûts récurrents comme l’électricité, et parfois des coûts de la gestion des matières résiduelles.
Une analyse présentée dans le guide La réduction à la source des matériaux et résidus de construction montrait ainsi que de restaurer une structure plutôt que la démanteler ou la démolir pouvait mener à une réduction des coûts de 49 % – ou 225 $/m2 – sur une période de 50 ans.
Une autre analyse trouvait que d’utiliser des composants préfabriqués pouvait entraîner une réduction de 10 % à 16 % des coûts par rapport à une construction sans éléments fabriqués en usine, ainsi qu’une réduction de 1,97 kg/m2 des résidus enfouis.
Julie-Anne Chayer cons- tate toutefois toujours une absence de mesures incitatives, ce qui constitue un défi pour l’adoption de bonnes pratiques.
Recyc-Québec, qui n’a pas voulu accorder d’entrevue à Les Affaires, affirme cependant par courriel faire sa part pour influencer le secteur de la construction dans la bonne direction. L’organisme dit par exemple mener « un important travail de concertation » avec le Regroupement des récupérateurs et des recycleurs de matériaux de construction et de démolition du Québec, de même qu’avec le Conseil des entreprises en technologies environnementales du Québec, afin de « mettre en place différentes mesures permettant d’améliorer les perspectives du secteur » des déchets de construction.
L’organisme a également lancé, en septembre dernier, un appel de propositions pour trouver des solutions au recyclage du gypse et pour développer des débouchés pour les résidus fins. Il a retenu deux projets, ceux de Sanexen (450 000 $) et de Métox (450 000 $), qui visent à traiter les résidus fins afin de leur trouver des filières de valorisation.
Les déchets de l’un sont donc bien le trésor d’un autre.