Si mes patrons ne sont pas contents, je me demande comment je pourrais les satisfaire.
Depuis des années, ils sont là à se demander ce qui se passera quand nos lecteurs seront morts. Ils vieillissent, voyez-vous. Puis là quoi? Une petite fleur dans ma boîte de courriels, comme au printemps. Le renouveau.
Julien me demande quoi faire des 10 000$ qu’il aura bientôt économisés en travaillant à l’épicerie du coin. Il a 17 ans. Spontanément, j’ai pensé à mon ex-collègue Yannick. Il a réussi un exploit du genre comme emballeur chez Maxi, durant les années 1990.
Yannick avait accumulé comme ça 5000$, il n’avait pas 20 ans. Durant ces années-là, il a dû dévorer l’œuvre intégrale de Benjamin Graham. C’est pour vous dire que très jeune, il a développé cette passion pour la Bourse. Il voulait y investir son argent sans tarder.
Pour acheter des actions dans ce temps pas si lointain, on devait passer par un courtier, lire ici un être humain portant le complet et la cravate. Pour un jeune interpellé par la Bourse, un surcroît de motivation était donc nécessaire. Il a confié son pécule à un «professionnel» qui lui a conseillé de miser tout sur la même société, une entreprise qui du reste n’allait pas tarder à faire faillite.
Yannick a ainsi perdu à la Bourse les premiers 5000$ qu’il a gagnés à remplir des sacs d’épicerie.
Vous pouvez lire les détails de son histoire dans cette instructive et amusante chronique dans laquelle il s’adresse lui-même à un lecteur de 17 ans. (Admirez la mise en abîme).
Yannick rappelle dans sa chronique comment cette mésaventure s’est avérée pour lui riche d’enseignements. On ne peut être qu’en accord sur ce point, il est préférable d’encaisser pareille leçon dans sa prime jeunesse, alors qu’il y a 5000$ en jeu, plutôt qu’à la veille de sa retraite, quand l’épargne d’une vie est sur la table, sans trop d’espoir de se refaire.
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Tout de même, il y a sûrement moyen d’apprendre à moindres frais, je me dis. Et Julien ne me demande pas un cours sur la Bourse à 5 000$ la leçon.
Quoique… Voici ce qu’il m’écrit :
En lisant, votre dernier bulletin [Un bulletin ?!] «Où est le bon conseiller financier ?», je me suis questionné sur l’utilité d’un tel conseiller financier, ce qui m’amène à ma question : à 17 ans, dans quel genre de produits financiers devrais-je investir? […] Devrais-je privilégier des blue chips ou plutôt y aller pour le coup de circuit, beaucoup plus risqué? Une deuxième question surgit aussitôt, devrais-je laisser le soin de mes avoirs au conseiller de ma succursale ou plutôt gérer le tout par moi-même?
D’abord, précisons un détail sans décrocher de l’analogie du baseball. On ne peut viser la clôture ni même tenter l’amorti avant 18 ans. Il faut être majeur pour ouvrir un compte de courtage qui permet de négocier des titres financiers. Julien devra donc patienter quelques mois.
Et rendu là? Pour investir 10 000$ dans les actions, j’ai bien peur qu’il faille se passer du conseiller, il y a bien longtemps que les professionnels ne s’intéressent plus aux verts épargnants. Julien devra se débrouiller tout seul pour faire fructifier sa cagnotte.
Tenter le coup de circuit? En investissement, cela veut dire concentrer son portefeuille sur un minimum de titres dans l’espoir qu’il y en ait un qui explose. C’est le contraire de la diversification.
Ce n’est pas chic. Voyez ce qu’a fait le courtier de l’ancien collègue: il s’est élancé de toutes ses forces dans le beurre, il s’est infligé un tour de rein au passage tout en échappant son bâton qui a foncé sur le crâne de la recrue de son équipe, en l’occurrence Yannick.
Des blues chips? On s’entend pour dire que les banques canadiennes ou et des sociétés comme Bell ne feront pas faillite demain matin, mais leurs actions ne sont pas sans risque.
Je crois comprendre que Julien se demande si, à 18 ans, on doit être agressif ou non. Je dirais non.
Si je devais investir 10 000$ le jour de mes 18 ans, j’ouvrirais un CELI chez un robot-conseiller et j’y mettrais le maximum, soit 6000$, le plafond pour une cotisation CELI en 2019.
En fonction de la tolérance au risque du client, évaluée à l’aide d’un questionnaire, le robot concoctera à peu de frais un portefeuille diversifié composé de fonds négociés en Bourse (FNB) indiciels représentant diverses catégories d’actifs. Le portefeuille se rééquilibre automatiquement par la suite. On compte plus d’une dizaine d’entreprises, dont quelques grandes banques, qui offrent ce genre de service.
Il y a une autre option. Des FNB qui agissent comme des portefeuilles ont été lancés l’année dernière, je pense notamment aux fonds de répartition d’actifs Vanguard qu’on peut facilement acheter par l’intermédiaire d’un compte de courtage, préférablement dans un CELI, car les gains sont à l’abri de l’impôt. Ils se déclinent en trois variantes (VGRO, VBAL, VCNS), selon la tolérance au risque du client.
Après avoir ainsi investi 6000 $ la première année, je répéterais l’opération l’année suivante, en conservant des liquidités placées dans un compte à intérêts «élevés», pour les imprévus.
Quoi d’autre? J’apprendrais à investir. Je lirais des livres et des rapports financiers, je prendrais des cours, je m’informerais auprès des meilleurs. Un jeune passionné de la Bourse peut facilement ouvrir un compte fictif grâce auquel il peut négocier sans risque, comme si c’était vrai. Ce jeu permet de tâter différentes stratégies, d’observer le comportement des actions et de mieux jauger sa tolérance au risque.
Une fois qu’il est à l’aise, rien n’empêche le jeune investisseur d’acheter peu à peu de vraies actions, au côté d’un portefeuille de FNB diversifié, puis avec le temps et l’expérience, d’accroître progressivement la part des actions par rapport aux FNB.
Je parle de jeunes investisseurs, mais quiconque s’intéresse à l’investissement, peu importe l’âge auquel il a la piqûre, peut se familiariser de cette manière.
Suggestions de lecture pour notre jeune ami, pour conclure: Le petit livre qui bat le marché, de Joel Greenblatt. Une plaquette simplement écrite, pleine de sagesse et de bon sens, qui explique comment aborder le marché boursier et évaluer le titre d’une entreprise.
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