Des sommets de clôture pour tous ces indices cette semaine (Source: Pension Partners)
Bien que la croissance modérée de l’économie et des profits, ainsi que la pause de la Fed soient favorables à la Bourse, Martin Roberge, de Canaccord Genuity reste plus circonspect que d’autres.
Pourtant le taux de chômage américain est au plus bas en 49 ans alors que les salaires ne grimpent pas en flèche.
Alors que plusieurs stratèges relèvent leur cours cible pour le S&P 500 dans une course pour rattraper son ascension, M. Roberge craint que les prochaines données économiques ne valident pas la reprise que semblent signaler les pousses vertes observées dans les divers sondages PMI et ISM des directeurs d’achat, un peu partout dans le monde.
Tous espèrent que l’amélioration récente de certains indicateurs avancés se transposera aux statistiques économiques au cours de l’été, comme c’est habituellement le cas lors des reprises.
Des ingrédients manquants
Le financier note toutefois que les exportations des baromètres manufacturiers que sont la Corée du Sud, le Japon et l’Allemagne se contractent toujours.
Les banques centrales de la planète sont redevenues plus «patientes» ou «neutres», mais elles ne fournissent pas de nouvelles liquidités, à part la Banque centrale de la Chine.
«Il est possible que l’économie mondiale ait besoin de mesures de relance pour éviter une récession. Surtout que la remontée des taux, du cours du pétrole et du dollar américain ne procurent pas de stimuli à l’économie actuellement», prévient-il dans son document de stratégie mensuel.
En même temps, les banques deviennent plus prudentes qu’avant quand elles prêtent parce que les taux de délinquance commencent à augmenter, ajoute-t-il.
«En l’absence de nouvelles baisses de taux ou de détente dans les conditions de crédit un peu partout dans le monde, des consommateurs et des entreprises moins dépensiers pourraient provoquer une récession en 2020», évoque le stratège de Montréal.
Un signal de vente
Le mois dernier, M. Roberge avait recommandé à ses clients institutionnels de réduire la proportion des actions américaines dans leur portefeuille après le premier signal de danger de son indicateur de marché baissier (BMTI), depuis octobre 2007.
En mai, 13 de ses 16 composantes sont encore au rouge, précise-t-il.
Cette courbe qui compare le S&P 500 aux autres Bourses du monde atteint un record inégalé. (Source: Pension Partners)
Depuis 1973, la Bourse a atteint une pointe trois mois en moyenne après le signal de vente de l’indicateur BMTI, ajoute M. Roberge.
Il en conclut que toute appréciation en Bourse au deuxième trimestre devrait servir à vendre des actions surtout aux États-Unis.
«Avec conviction, nous continuons de prévoir des bénéfices stables pour le S&P 500 en 2019. Le risque de deux trimestres de déclin n’est pas écarté parce que la croissance des ventes des entreprises ralentit au moment où les coûts de main-d’œuvre et le dollar américain augmentent», poursuit-il.
L’ensemble des analystes prévoient une hausse de 3,1% des profits en 2019, mais ils abaissent encore leurs prévisions.
«Le principal risque à notre posture défensive est que l’évaluation des actions américaines continue d’enfler. Si c’était le cas, une cassure n’en serait que reportée et amplifiée», évoque-t-il.
Tant que les taux repères américains de 10 ans resteront au-dessus de leur plancher de 2,3% du mois de mars, le stratège se dit tout de même à l’aise à capter les gains qui restent aux États-Unis.
Mais si les taux retombaient sous cette marque, ce serait un signal que la croissance économique et des profits est en danger.
Des paris inquiétants
À plus court terme. M. Roberge se méfie des spéculateurs qui sont nombreux à miser contre l’indice de volatilité VIX.
À l’automne 2017, des paris similaires avaient été suivis d’une poussée de la volatilité au printemps 2018, raconte-t-il.
Lorsque la volatilité grimpe, les secteurs de la consommation de base, des services aux collectivités, des télécommunications et de la santé ainsi que et les fonds immobiliers offrent une bonne protection.
À l’inverse, les secteurs industriel, de la technologie, et de la finance performent le mieux lorsque la volatilité diminue.
Les épiciers et les assureurs canadiens, en bonne posture
Dans sa stratégie sectorielle du mois, M. Roberge préfère l’énergie, l’or, les constructeurs américains de maisons, les épiciers canadiens, les sociétés américaines de la santé et les assureurs canadiens.
Dans le secteur de l’énergie, il s’attend à ce que la saison estivale du raffinage réduise le surplus de pétrole brut stocké.
Les constructeurs américains de maisons devraient poursuivre sur leur lancée récente grâce à la reprise des ventes de maisons neuves et existantes.
Les épiciers canadiens affichent une accélération de la croissance de leurs profits, gracieuseté de l’inflation alimentaire et d’un bon contrôle des dépenses de main-d’œuvre.
Les bons bénéfices devraient aider les assureurs canadiens à rejoindre en partie l’évaluation plus élevée des banques.
En revanche, les fabricants américains de machinerie lourde et de puces devraient être évités.
Les nouvelles commandes mondiales diminuent pour les premiers, prévient-il.
Quant aux fabricants de puces, leur sommet en Bourse semble aveugle à la chute des exportations de la Corée du Sud et du bond mondial des stocks de puces.