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Analyse de la rédaction

Voiture électrique: le Québec pâtira-t-il du «syndrome ontarien»?

François Normand|Mis à jour le 13 juin 2024

Voiture électrique: le Québec pâtira-t-il du «syndrome ontarien»?

(Photo: 123RF)

ANALYSE ÉCONOMIQUE. C’était un scénario dans l’air, et le ministre des Finances Eric Girard l’a confirmé dans son budget: Québec réduira en 2025 puis abolira en 2027 la subvention pour acheter des voitures électriques et hybrides, mettant ainsi fin au programme Roulez vert. Il économisera des centaines de millions de dollars, mais ne risque-t-il pas de miner l’engouement pour ces véhicules et de ralentir la transition énergétique, comme en Ontario?

Ainsi, les citoyens qui veulent acheter une voiture neuve entièrement électrique ou un véhicule neuf hybride rechargeable pourront encore bénéficier respectivement de subventions de 7000$ et de 5000$, et ce, jusqu’au 31 décembre 2024.

En 2025, ces subventions descendront respectivement à 4000$ et 2000$, pour baisser ensuite à 2000$ et 1000$ en 2026. Puis, à compter du 1er janvier 2027, Québec ne versera plus un sou pour l’achat de voitures électriques.

En revanche, le gouvernement maintient en place la subvention de 600$ pour faire installer une borne de recharge à son domicile — le rabais maximal est de 5000$ dans le cas des bornes installées dans un milieu de travail ou dans un édifice ayant plusieurs logements.

Certes, Québec économisera des centaines de millions de dollars à terme en réduisant et en abolissant les subventions pour acheter des voitures électrifiées.

Mardi, le ministre Giard a indiqué que cette décision lui permettra de récupérer ces sommes afin de les investir «dans des initiatives plus performantes».

En 2023, le programme avait coûté quelque 400 millions de dollars, selon le gouvernement.

Récemment, l’Association des économistes québécois avait indiqué que le programme Roulez vert était une mesure fiscale coûteuse.

 

Plusieurs États ont éliminé leurs aides

Du reste, plusieurs États ont décidé d’abolir leurs incitatifs fiscaux pour acheter des voitures électriques ou hybrides dans le monde.

L’Allemagne a aboli son programme à la fin de 2023, soit un an avant l’échéancier prévu, pour des raisons budgétaires. Sa valeur oscillait de 4 425 à 6 640$CA en fonction de la valeur du véhicule — plus le prix était élevé, moins la subvention était élevée.

En 2023, l’État fédéré de Victoria, en Australie, a également aboli cette subvention pour des raisons budgétaires, faisant dire à l’opposition que l’État ne parviendra pas à atteindre ses cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES) en 2030.

La subvention s’élevait à 2 650$CA.

La Suisse a aussi aboli son aide financière en 2024, et ce, après 26 ans d’existence. Il s’agissait en fait d’un congé d’impôt de 4% sur la valeur du véhicule et non pas d’une subvention. Le gouvernement a aboli cette mesure, car il perdait des recettes fiscales sur les ventes de voitures.

Entre 2018 et 2022, les ventes de véhicules électriques ont été multipliées par six dans le pays.

 

Le contre-exemple de l’Ontario

Au Canada, l’Ontario a aboli l’aide du gouvernement pour acheter des véhicules électriques, après que les conservateurs de Doug Ford ont pris le pouvoir en 2018. Elle pouvait atteindre jusqu’à 14 000$ dans certains cas.

Or, cette décision a fait baisser de manière importante les ventes de voitures électriques dans la province.

Ainsi, durant les six premiers mois de 2019, les ventes ont chuté de 55% par rapport à la même période en 2018, selon Mobilité électrique Canada.

En 2021, le premier ministre Doug Ford a réitéré sa volonté de ne pas accorder de subventions aux acheteurs de véhicules électriques, même si l’Ontario traîne la patte par rapport à la Colombie-Britannique et au Québec en termes de ventes.

Nous avons des données fraîches à ce sujet.

Au troisième trimestre de 2023, les ventes de véhicules zéro émission en Ontario représentaient seulement 8,7% des ventes totales de voitures comparativement à 22,8% au Québec et à 26,4% en Colombie-Britannique, selon une analyse de S&P Global Mobility.

 

En Ontario, 91% des véhicules vendus sont des voitures à essence comparativement à 77% au Québec. (Photo: 123RF)

Le Québec est pour sa part la province ayant le plus de voitures électriques sur les routes.

Au 17 octobre 2023, on en comptait 250 128, selon l’Association des véhicules électriques du Québec (AVÉQ), ce qui représente 55% du parc automobile électrifié au Canada.

Dans le cas de l’Ontario, on parle de 23% du parc automobile au Canada, alors que la province abrite 39% de la population du pays.

On pourrait rétorquer que le poids du Québec dans le parc automobile canadien est trop élevé (55%) étant donné que notre population représente 23% de celle du Canada.

 

Attention aux angles morts

Certes, la proportion est élevée au Québec. Mais est-elle trop élevée, alors que nous avons de la difficulté à atteindre nos cibles de réduction de GES, soit une baisse de 37,5% sous le niveau de 1990 d’ici 2030?

C’est dans six ans.

Or, nous sommes loin du compte, selon les inventaires québécois des émissions de gaz à effet de serre, publiés chaque année.

Ainsi, de 1990 à 2020, le Québec a diminué de 13,2% ses émissions de GES.

Toutefois, il faut être prudent avec cette période de 30 ans, car elle inclut la première année de la pandémie de COVID-19, quand des pans de l’économie québécoise ont été mis sur pause, sans parler des déplacements en voiture à essence.

La période précédente de 1990 à 2019 (avant la pandémie) est peut-être plus révélatrice. Ainsi, en 29 ans, les émissions de GES du Québec n’ont reculé que de… 2%.

Dans un contexte où le secteur du transport routier est le plus gros émetteur au Québec (avec 33,5% des rejets de GES, devant l’industrie à 30,6%), il peut être pour le moins risqué d’abolir un programme de subventions qui contribuait justement à réduire les émissions.

En outre, cette décision compromettait-elle aussi l’objectif d’interdire la vente des véhicules à essence au Québec en 2035, soit dans 11 ans?

Le gouvernement du Québec sauvera certes des centaines de millions de dollars en supprimant le programme Roulez vert, mais à quel prix?

Et c’est sans parler du fait que les véhicules électriques contribuent aussi à diminuer les coûts en santé, en réduisant la pollution atmosphérique qui a des répercussions sur la santé publique.

 

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