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Vous avez paniqué et acheté du papier toilette? C’est… normal!

Olivier Schmouker|Publié le 18 mars 2020

Vous avez paniqué et acheté du papier toilette? C’est… normal!

En plein Montréal, des rayonnages vidés, pillés... (Photo: Olivier Schmouker)

CHRONIQUE. Comme vous tous, je suis maintenant confiné chez moi et je regarde – de ma tanière – le monde qui ralentit, qui ferme, qui s’éteint. Qui tend irrémédiablement vers l’immobilisme. Pour ne pas dire la paralysie. Mais aussi ses brusques sursauts, ses soudains mouvements de panique. Comme cette incroyable ruée vers le papier toilette.

Comme vous tous, je suis sorti de ma tanière pour aller vérifier le bruit qui circulait sur les médias sociaux : plus de papier toilette dans les supermarchés du Québec. Eh oui, tout avait bel et bien été acheté. D’un coup d’un seul. En l’espace d’un cri d’effroi.

D’autres denrées avaient également disparu: la viande, les oeufs, les nouilles, etc. Tous les produits essentiels à la subsistance à court terme.

Qu’est-ce qui avait pris mes concitoyens? Quelle mouche les avait piqués? Un vent de folie avait-il pris le contrôle de chacun à son insu?

À Hong Kong, cela était allé un cran plus loin : un camionneur s’était fait voler 600 rouleaux de papier toilette par un individu armé d’un couteau…

Andy Yap est professeur de comportement organisationnel à l’Insead de Singapour. Avec les professeurs de marketing Charlene Chen, de l’École de commerce Nanyang à Singapour, et Leonard Lee, de l’École de commerce de l’Université nationale de Singapour, il a analysé le comportement d’achat des gens lorsqu’ils sentent qu’ils perdent le contrôle de la situation dans laquelle ils se trouvent.

Ainsi, il a été demandé à une partie des participants à leur expérience de se souvenir d’un moment cuisant de leur existence durant lequel ils avaient perdu le contrôle de la situation, puis d’aller faire des courses au supermarché. L’autre partie des participants a, elle, été invitée à se souvenir d’un moment où ils avaient été en parfait contrôle de la situation, puis à effectuer des achats.

Résultat? Le premier groupe a nettement plus acheté de produits pratiques (ex.: produits de nettoyage, papier toilette…), voire de première nécessité (ex.: sucre, farine, beurre…), que le second groupe. Ceux qui avaient en tête le fait qu’il leur était déjà arrivé de perdre le contrôle de la situation étaient passés en mode survie. Pas les autres.

«Les consommateurs compensent une perte de contrôle en achetant des produits conçus pour répondre à un besoin fondamental ou accomplir une tâche utile. Et ce réflexe est dû à l’association mentale suivante : acheter un produit qui permet de résoudre un problème basique = gagner en capacité à gérer un problème basique», notent les trois chercheurs dans leur étude intitulée «Control Deprivation Motivates Acquisition of Utilitarian Products», publiée dans le Journal of Consumer Research.

Autrement dit, il est normal que les gens, un peu partout sur la planète, se soient rués vers le papier toilette. Cela a même eu un effet psychologique positif que personne ne pouvait imaginer, je pense, qu’ont constaté les trois chercheurs : «Le simple fait d’acheter ces produits-là les aide à recouvrer leur calme, à leur donner le sentiment qu’ils ont encore un certain contrôle sur leur vie», indiquent-ils.

Bref, ça a eu un effet apaisant. Un effet on ne peut plus vital en cette période de fortes turbulences sanitaires et socioéconomiques.

Voilà pourquoi je tiens à vous rassurer : vous vous êtes rué vers les rayonnages de papier toilette ou bien vers les paquets de nouilles – à tout le moins en avez-vous ressenti la forte envie -, et il n’y a là rien de plus normal; c’est que votre cerveau vous a poussé à réduire l’anxiété qui vous étouffait, à trouver un peu d’air alors que l’asphyxie vous gagnait.

«Nos comportements sont dictés par notre cerveau. Et dans les situations exceptionnelles que nous vivons, nous ne réagissons pas toujours de manière rationnelle», note Olivier Oullier, un expert français en neuroscience qui préside la start-up Emotiv.

Et d’ajouter dans sa chronique parue hier dans le quotidien français Les Échos : «Nos cerveaux sont pourtant notre meilleure arme pour gagner la guerre contre cette pandémie, et celles à venir», estime-t-il. D’où l’utilité d’apprendre à respirer par le nez, en nous remémorant le souvenir d’une situation où nous étions en plein contrôle des événements. Surtout lorsque nous nous sentons pris à la gorge par la peur, pour ne pas dire la panique.

En passant, l’écrivain français Jules Renard a dit dans son Journal : «L’idéal du calme est dans un chat assis».

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Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l’actualité économique à la lumière des grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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