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9 clés pour se libérer des périls de 2020

Olivier Schmouker|Édition de janvier 2020

Des dangers insoupçonnés vous guettent en 2020 ! Des périls tels qu'ils pourraient freiner votre croissance, enrayer ...

Des dangers insoupçonnés vous guettent en 2020 ! Des périls tels qu’ils pourraient freiner votre croissance, enrayer votre productivité, ou encore pulvériser ce projet qui vous tient tant à coeur. Nos journalistes ont relevé les plus terrifiants – et, surtout, ont trouvé une parade judicieuse pour chacun d’eux. À n’en pas douter, votre salut passera par l’escapologie, cet art de l’évasion manié à merveille par Houdini pour se libérer de n’importe quelle entrave…


1. La reconnaissance faciale

LE PÉRIL. La reconnaissance faciale connaît des avancées fulgurantes. Amazon ou MasterCard invitent maintenant leurs clients à confirmer le paiement de leurs achats en ligne grâce aux traits de leur visage ; c’est le «selfie pay». Idem, la start-up suisse Advertima a mis au point des panneaux publicitaires intelligents qui sélectionnent le message diffusé en fonction du genre, de l’âge ou de l’ethnie des gens qui passent à proximité. Des tests sont actuellement effectués dans des rues piétonnes et des aéroports, en Europe. Le hic ? «Les entreprises qui se servent de cette technologie naissante jouent aux apprentis sorciers, sans se rendre compte qu’il s’agit là d’une bombe qui peut exploser au visage de tout le monde», lance le sociologue Jonathan Roberge, chercheur à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Un exemple frappant : le recours croissant à la reconnaissance faciale lors des entretiens d’embauche. Une technologie issue de l’intelligence artificielle (IA) permet de filmer et d’analyser le visage des candidats, histoire de dresser leur profil psychologique. «L’ennui, c’est que cet usage de l’IA repose sur les travaux du psychologue Paul Ekman, un pionnier de l’étude des expressions faciales qui a découvert que l’être humain n’avait, au fond, que six émotions de base. Ces travaux sont aujourd’hui fortement décriés, faute de preuves scientifiques solides.» Résultat ? Des carrières sont aujourd’hui bêtement avortées à cause de cette technologie viciée.

UNE CLÉ. Après San Francisco, la Ville de Portland, en Oregon, a banni l’usage de la reconnaissance faciale, aussi bien dans le domaine public que privé. Car cela «pourrait avoir un impact négatif sur le marché de l’emploi et sur la vie privée des citoyens», selon Jo Ann Hardesty, la commissaire de la Ville. – Olivier Schmouker


2. L’hyperconnexion

LE PÉRIL. Aujourd’hui, 73 % des Québécois ont un cellulaire toujours à portée de main. Il y a dix ans, le pourcentage était de… 13 %, selon les données du CEFRIO. Or, une récente étude du Pew Research Center montre que 54 % des adolescents nord-américains reconnaissaient passer «trop de temps» sur leur cellulaire, et 42 % confiaient qu’ils se sentaient «anxieux» quand ils en étaient séparés. Nous sommes tous devenus accros aux gadgets électroniques, et cette hyperconnexion se traduit par… une profonde solitude. Ainsi, une étude de la Henry J. Kaiser Family Foundation a mis au jour le fait que 58 % des Nord-Américains se sentaient «seuls» et «socialement isolés» à cause de la technologie. En y pensant bien, ils reconnaissaient qu’ils souffraient du «manque de contact humain», d’«interactions donnant un sens à leur existence». Cette solitude moderne a des conséquences dramatiques, comme l’indique une autre étude, dirigée par Emma Seppälä, chercheuse à l’Université Stanford : «De nos jours, le burn-out ne résulte plus de la seule fatigue professionnelle, mais aussi de la solitude au travail», dit-elle. À la clé, chute de la motivation, de l’engagement et de la productivité.

UNE CLÉ. «Nous avons des limites à nos capacités cognitives ; les dépasser entraîne anxiété et culpabilité. C’est pourquoi il convient d’arrêter de superposer nos différentes sphères sociales, en particulier celles du travail et de la vie privée», note Jean-François Biron, chercheur à la Direction régionale de santé publique (DRSP) de Montréal, dans le livre Sommes-nous trop branchés ? D’où l’intérêt du droit à la déconnexion, qui interdit à un employeur d’entrer en contact avec un employé en dehors des heures normales de travail. En vigueur en France depuis 2017, il a notamment mené à la condamnation d’une multinationale britannique à verser 60 000 euros (88 000 $) à l’un de ses salariés français qu’elle avait contraint à demeurer joignable en permanence. – O.S.


3. L’engouement pour l’entrepreneuriat

LE PÉRIL. L’entrepreneuriat fracasse tous les records au Canada : 13 % des Canadiens se considèrent comme des entrepreneurs, ce qui classe notre pays au deuxième rang mondial, derrière les États-Unis, d’après l’Institut Brookfield et le Centre for Innovation Studies de Calgary. Le phénomène devrait s’accélérer puisque Randstad estime que la main-d’oeuvre canadienne devrait être bientôt composée à 30 % de «travailleurs non traditionnels» (entrepreneurs indépendants, travailleurs autonomes, pigistes…) : du jamais vu.

Le revers de la médaille : la pénurie de talents dont souffrent les entreprises va s’aggraver. Les jeunes diplômés talentueux rêvent de voler de leurs propres ailes, et non pas de s’enfermer dans une cage dorée. Les meilleurs employés actuels, conscients que le plein emploi leur permettrait de retrouver un bon poste d’un simple claquement de doigts en cas d’échec, sont maintenant très tentés de lancer leur propre start-up.

UNE CLÉ. À la fin de 2019, le gouvernement fédéral a revu et corrigé le Code canadien du travail : horaires de travail plus souples, congés annuels plus longs, etc. L’objectif : mieux séduire les talents dans le secteur public. Et si les entreprises s’en inspiraient à leur tour, en offrant, par exemple, de meilleurs avantages sociaux ? – O.S.


4. La surchauffe

LE PÉRIL. En 2020, l’économie québécoise devrait tourner à plein régime. Tant mieux ? Hum. Gare au nouveau danger qui se profile à l’horizon : le risque de surchauffe. C’est que les entreprises seront tentées d’accélérer la cadence, de saisir au vol toutes les occasions d’affaires qui surviendront, et ce faisant, pourraient fort confondre vitesse et précipitation.

Par exemple, des entrepreneurs accepteront de juteux contrats sans s’assurer au préalable de leur capacité à livrer la marchandise, ce qui mettra en péril toute leur organisation. Quant aux travailleurs, les risques de surmenage ou d’épuisement professionnel – déjà élevés, de nos jours – en seront certainement décuplés.

UNE CLÉ. Une tendance émerge à ce sujet, celle du slow management. L’idée est simple : ralentir, car «il est toujours plus efficace d’en faire moins, mais mieux», selon une récente étude menée par les professeurs de management Dan Kärreman, André Spicer et Rasmus Koss Hartmann. Leur conclusion est lumineuse : les organisations et les employés qui seront couronnés de succès demain matin seront ceux qui cultiveront trois nouveaux talents : le scepticisme réflexif (filtrer intelligemment les données dont on dispose) ; la concentration profonde (se concentrer à fond sur les actions pertinentes à mener à bien) ; la connexité (nouer des liens fructueux avec ceux qui évoluent dans notre écosystème). – O.S.


5. La 5G ou le Big Brother chinois

LE PÉRIL. Tout le monde fantasme sur la «technologie clé» que représente la 5G. Tous ? Non ! Même la CIA et le FBI s’en méfient. Ces agences dissuadent en effet les citoyens américains d’interagir avec le grand promoteur de la 5G, Huawei, dont le siège social se trouve en Chine. Chez nous, le Service canadien du renseignement de sécurité a mis en garde à maintes reprises les gens d’affaires contre la menace d’espionnage parrainée par un État, rendue possible sur les réseaux 5G. En effet, cette technologie qui devrait permettre des débits de données 100 fois plus rapides que la 4G apporte avec elle son lot d’inquiétudes. Les possibles effets pervers du très haut débit amènent même certains à parler d’«épidémie virale» et de violation généralisée des données privées. Les équipements de Huawei permettraient ainsi de voler à distance de l’information, par exemple sur les téléphones intelligents des PDG, sans parler des machines industrielles connectées à Internet. Huawei nie les allégations d’espionnage par Pékin et affirme être indépendante du Parti communiste chinois.

UNE CLÉ. Ottawa pourrait essayer d’encadrer l’entreprise. Cette tâche compliquée risque toutefois de devenir un «fardeau pour les contribuables», souligne un spécialiste qui a notamment réalisé des mandats pour l’armée canadienne, la CIA et l’OTAN et qui préfère garder l’anonymat. D’autres entreprises comme Nokia ou Samsung offrent la 5G, mais à un coût plus élevé. La solution serait d’interdire la 5G chinoise, affirme notre spécialiste. Or, le Canada est-il prêt à se mettre à dos la Chine ? Nos entreprises ont-elles plus à gagner (protéger leur propriété intellectuelle) qu’à perdre (éprouver des difficultés à vendre en Chine) d’une interdiction de la 5G ? L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont déjà dit non à Huawei. Avec les États-Unis, ils font partie de l’alliance anglo-saxonne de services de renseignement «Five Eyes», tout comme le Canada et le Royaume-Uni. Or, Washington a menacé ses proches alliés de ne plus partager d’information stratégique avec eux s’ils autorisaient la 5G de Huawei sur leur territoire. – François Normand


6. Le protectionnisme américain

LE PÉRIL. Le protectionnisme progresse aux États-Unis depuis 2008-2009. L’administration Obama a notamment renforcé les politiques du Buy American (les achats du gouvernement américain) et du Buy America (les projets de transport public financés par des fonds fédéraux). L’administration Trump en a rajouté une couche en forçant le Canada et le Mexique à renégocier, le fusil sur la tempe, l’Accord de libre-échange nord-américain. Depuis 2018, Washington a imposé des tarifs douaniers totalisant des «centaines de milliards de dollars» sur des importations de biens, selon la Harvard Business Review. Résultat ? Depuis une décennie, ce protectionnisme bipartisan a fait perdre des contrats et des marchés au sud de la frontière à bien des exportateurs du Québec.

UNE CLÉ. Devenez une société américaine afin de produire aux États-Unis pour vendre aux États-Unis. Depuis trois ans, Marc Beauchamp, président et chef de la direction de CAI Global, une firme de services-conseils de Montréal spécialisée dans l’implantation à l’étranger, a aidé une vingtaine d’entreprises manufacturières canadiennes à s’implanter chez nos voisins, notamment en raison du protectionnisme. «Depuis l’élection de Trump, on sent que le protectionnisme vient jouer dans la stratégie d’entreprises canadiennes de s’implanter aux États-Unis», dit-il. Les avantages sont nombreux, mais il y a aussi un prix à payer, tout d’abord pour s’implanter. Pour une PME, la facture peut grimper jusqu’à 100 000 $ – et cela exclut, par exemple, la construction d’une usine. Une fois en affaires là-bas, une entreprise se retrouve aussi du jour au lendemain dans un environnement d’affaires beaucoup plus compétitif qu’au Canada. «Quand on s’implante aux États-Unis, c’est pour accaparer de nouvelles parts de marché, insiste M. Beauchamp. Or, la planète entière s’y bat pour les avoir.» – François Normand


7. La pénurie de main-d’oeuvre

LE PÉRIL. Des milliers d’entrepreneurs doivent, la mort dans l’âme, renoncer à des contrats lucratifs ou abandonner certaines activités parce qu’ils manquent de bras. Et la situation se détériore. En juin 2019, pas moins de 118 250 postes étaient vacants au Québec, soit le double d’il y a trois ans, selon Statistique Canada. Tous les secteurs y passent ou presque. Pis encore, cette pénurie de main-d’oeuvre n’est à pas à la veille de se résorber, car l’écart entre l’offre et la demande se creuse de plus en plus.

UNE CLÉ. Des entreprises échappent à ce cauchemar. Comment ? Elles prennent (vraiment) soin de leurs employés afin qu’ils n’aient pas envie d’aller voir ailleurs. C’est le cas de DLGL Technologies, une PME de 95 employés de Blainville qui a conçu le logiciel de gestion de capital humain VIP. «Personne n’a jamais quitté notre entreprise pour un travail équivalent ailleurs, en programmation informatique», affirme le facilitateur de projets, Luc Bellefeuille. De plus, leur environnement de travail facilite le recrutement malgré la pénurie de main-d’oeuvre. Si cette situation tient à «un ensemble de facteurs», la PME a un mantra inscrit dans son ADN : les gens doivent se sentir bien dans l’entreprise, qui a d’ailleurs gagné 13 fois le prix de meilleur employeur de l’année depuis 1999 dans différents concours.

Voici le mode d’emploi : 1 – Créez une culture d’appartenance très forte, où les employés forment une famille ; 2 – Offrez un environnement de travail agréable, avec des locaux très éclairés, des chaises ergonomiques, un gymnase ; 3 – Faites confiance au personnel en leur accordant beaucoup d’autonomie ; 4 – Ayez un seul système de bonis par objectif distribué à tous les employés, du président au concierge ; 5 – Demandez aux employés de s’évaluer entre eux, non pas par les patrons. – F.N.


8. Les fuites de données

LE PÉRIL. Au Québec, la fuite de données qui a touché Desjardins frappe l’imaginaire. Est-ce que le Québec est à l’abri d’un autre incident du genre ? Rien n’est moins sûr. Pas moins de 34 % des cas de violation de données en entreprise survenus en 2018 ont été l’oeuvre d’au moins un employé, que les agissements aient été volontaires ou non, selon le 2019 Verizon Data Breach Investigations Report. Ce pourcentage était de 28 % en 2017. L’édition 2019 de l’étude se fonde sur un échantillon d’analyse de 41 686 «incidents de sécurité» survenus durant l’année. «Pour les entreprises, il est difficile de prévenir les violations de données qui viennent de l’interne. Les dirigeants veulent qu’il soit facile pour les employés de faire leur travail. C’est plus facile de donner des accès que de les restreindre», explique Tyson Johnson, directeur de l’exploitation de CyberNB, un organisme gouvernemental dont la mission est de mettre l’accent sur l’expansion de l’écosystème de la cybersécurité en entreprise.

UNE CLÉ. Agir en amont. M. Johnson soutient que toutes les entreprises devraient utiliser un logiciel de gestion des données de référence (Master Data Management, ou MDM), qui permet de cartographier l’utilisation de l’ensemble de leurs données. David Masson, directeur du bureau canadien de l’entreprise de cybersécurité Darktrace, ajoute qu’il pourrait être possible d’utiliser l’intelligence artificielle pour modéliser le fonctionnement de chaque personne dans une organisation. «Lorsqu’un employé dévie de son modèle, il devient ainsi possible de le détecter en temps réel et il faut alors agir rapidement», dit-il. Les deux experts soutiennent toutefois que les incidents de sécurité qui proviennent de l’interne sont très souvent l’oeuvre d’employés mécontents. En agissant en amont, les ressources humaines pourraient, à leur avis, aider à prévenir bon nombre d’incidents. – Denis Lalonde


9. Le pseudo-écolo

LE PÉRIL. Lorsqu’une icône de la fast-fashion, comme H&M, lance une collection responsable sans définir clairement en quoi celle-ci diffère des autres vêtements de la griffe, il y a de quoi sourciller. Avec raison, puisque l’Autorité norvégienne de la consommation a accusé la chaîne suédoise en 2019 d’avoir fait preuve d’écoblanchiment. Ce que les anglophones appellent le greenwashing est «le prolongement intrinsèque de mauvaises pratiques marketing, délibérées ou pas, qui vise à magnifier des produits et des services pour essayer de mieux les vendre», explique Myriam Ertz, professeure au département des Sciences économiques et administratives de l’Université du Québec à Chicoutimi. Ce phénomène contribue à amenuiser la confiance des consommateurs envers les produits dont l’emballage est truffé de mots imprécis comme «biodégradable» et «vert».

En 2016, le niveau de confiance des Québécois à l’égard de l’engagement des entreprises en matière de développement durable atteignait 24,1 % selon un rapport de l’Observatoire de la consommation responsable. Les PME qui font de réels efforts peuvent donc souffrir des répercussions de ces tactiques de communication peu scrupuleuses. Elles n’en sont d’ailleurs pas à l’abri malgré leurs bonnes pratiques, rappelle Mme Ertz.

UNE CLÉ. En plus de tenter d’éviter ces pièges et d’obtenir des certifications, Mme Ertz suggère d’éduquer la population pour qu’elle comprenne l’attrait d’un article qui n’endommage pas (trop) l’environnement. «Plutôt que de faire de la communication sur un produit et sur la manière dont il performe, communiquez plutôt sur l’attribut en tant que tel et sur son importance», soutient-elle. – Catherine Charron


(Photo: Martin Flamand)

L’escapologie selon ­Houdini

Capable de s’évader d’une malle remplie d’eau ou encore de s’extraire d’une cellule de prison en trois minutes, ­Harry ­Houdini (1874‑1926) est considéré comme l’un des plus grands illusionnistes de tous les temps. Nombre de ses trucs n’ont toujours pas été élucidés.

Voici ce qu’il disait ­lui-même de son art de l’escapologie, dans son livre The right way to do wrong : « ­Le moyen le plus simple pour attirer les foules, c’est d’annoncer qu’à tel lieu, à telle heure, quelqu’un va prendre des risques extrêmes, mortels en cas d’échec. Quant à moi, mon défi consiste alors à surmonter ma peur de prendre de tels risques. » ­Et d’ajouter : « ­La clé, c’est de libérer son esprit. » – O.S.