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Budget du Québec: investir dans la techno pour contrer la pénurie

Denis Lalonde|Publié le 22 mars 2022

Budget du Québec: investir dans la techno pour contrer la pénurie

«Ici, au budget, on travaille sur la productivité des entreprises», a expliqué le ministre québécois des Finances, Eric Girard. (Photo: capture d'écran)

BUDGET DU QUÉBEC. Les entrepreneurs qui espéraient que le quatrième budget de la CAQ s’attaque de manière musclée au phénomène de la pénurie de main-d’œuvre ont eu peu à se mettre sous la dent.

«Nous avons annoncé une enveloppe de 3,9 milliards de dollars (G$) lors de la mise à jour économique de novembre pour stimuler l’offre de travail. Lorsqu’on regarde les efforts qui doivent être faits pour que le Québec élimine l’écart de niveau de vie avec l’Ontario, 20 % vont venir des travailleurs et 80 % de la productivité. Ici, au budget, on travaille sur la productivité des entreprises», a expliqué le ministre québécois des Finances, Eric Girard.

Dans un contexte de plein emploi et alors que le taux de chômage au Québec atteignait 4,5 % en février, les documents du budget laissent entendre que les «gains de productivité constituent le plus grand potentiel d’amélioration du niveau de vie des Québécois».

Le gouvernement caquiste souhaite en effet que le produit intérieur brut réel par habitant du Québec rattrape celui de l’Ontario d’ici 2036. L’écart devrait être de 13,6 % en 2022, lui qui était de 16,4 % en 2018.

Le budget prévoit bien quelques mesures pour favoriser l’intégration en emploi des personnes immigrantes totalisant 290,2 millions de dollars sur cinq ans, notamment pour appuyer l’apprentissage du français (198,3 M$), attirer des personnes immigrantes en région (80,9 M$) et accélérer le traitement des demandes d’immigration (11,9 M$).

«Les immigrants font partie de la solution, nous reconnaissons la contribution des immigrants. Ce que je vous dit, c’est que les gestes qui ont été posés pour contrer la rareté de main-d’œuvre ont été divulgués à la mise à jour économique alors qu’ici, on parle de productivité des entreprises», a ajouté Eric Girard.

Les documents budgétaires soutiennent qu’en 2019, le niveau d’investissement en machines et matériel au Québec accusait un retard de 26% par emploi privé par rapport à l’Ontario, alors que ce retard était de 44% pour les investissements en technologies de l’information et des communications.

Selon la CAQ, pour redresser la situation, les entreprises québécoises devront accroître leurs investissements non résidentiels, intensifier leur présence sur les marchés d’exportations et améliorer leur performance en matière d’innovation et de commercialisation de propriétés intellectuelles. Québec souhaite aussi attirer de nouvelles entreprises qui commercialisent de nouvelles idées.

Le gouvernement caquiste rappelle que depuis 2018, il a mis en place des programmes comme l’amortissement accéléré des investissements des entreprises et le crédit d’impôt à l’investissement et à l’innovation (C3i) pour stimuler la productivité des entreprises.

La CAQ reconnaît que le dynamisme économique, le resserrement du bassin de main-d’œuvre et le vieillissement de la population ont provoqué une hausse du nombre de postes vacants au Québec. Le gouvernement soutient qu’une solution est de miser sur la persévérance scolaire et sur une meilleure rétention des personnes immigrantes.

Pour rattraper la productivité ontarienne, le budget mise sur une augmentation de la productivité des entreprises de 1,6 % par année d’ici 2036 et sur une augmentation de 0,2 % du bassin de population active et de son taux d’emploi pour augmenter son bassin de travailleurs.

 

Guérir une fracture avec un diachylon

«Le Québec compte 240 000 postes vacants, ce sont des emplois qu’on n’a pas. C’est plus que le double de quand la CAQ est arrivée au pouvoir. Quand on fait le tour des régions, ça vient directement attaquer la capacité des PME et nos manufacturiers de profiter de la relance économique que l’on souhaiterait», raconte Marc Tanguay, porte-parole libéral en économie, PME, innovation, énergie et ressources naturelles.

«J’ai deux exemples de mesures que l’on aurait souhaité voir dans le budget. La première touche les travailleurs expérimentés. Ce que le gouvernement devrait mettre en place, c’est de permettre aux personnes de 65 ans qui souhaitent rester actives et travailler quelques jours par semaine sans être pénalisées du côté de leur régime des rentes», ajoute Marc Tanguay.

Selon ce dernier, les travailleurs expérimentés veulent être actifs et ce serait une source de main-d’œuvre extraordinaire pour les PME.

Le critique libéral affirme également que le quart de la solution passe par l’immigration. «En ce moment, c’est le capharnaüm au ministère de l’Immigration. C’est mal géré. On s’ampute chaque année d’une immigration qui viendrait combler une partie substantielle de la pénurie de main-d’œuvre», dit-il.

À son avis, les mesures annoncées dans le présent budget pour s’attaquer à la pénurie de main-d’œuvre sont l’équivalent de tenter de guérir une fracture avec un diachylon.

 

 

On a besoin d’employés maintenant
«Les manufacturiers sont durement affectés par la pénurie de main-d’œuvre, on est rendus à plus de 30 000 postes vacants et à 18 milliards de dollars en pertes économiques uniquement en raison d’un manque de personnel», affirme la PDG de Manufacturiers et exportateurs du Québec, Véronique Proulx. Selon elle, force est de constater que les mesures déjà en place ont peu d’impact sur le secteur manufacturier. «C’est sûr qu’on ne peut pas parler de pénurie de main-d’œuvre sans parler d’immigration. On aurait souhaité voir une hausse des seuils d’immigration. On parle beaucoup des travailleurs étrangers temporaires. Après l’agriculture, les manufacturiers sont les deuxièmes employeurs en importance à les accueillir. Il y a eu plusieurs assouplissements aux normes sanitaires récemment, alors nous avons besoin de logements abordables», dit-elle.Véronique Proulx souligne que le budget prévoit la construction de 3200 nouveaux logements abordables, alors que l’Union des municipalités du Québec en réclame 13 000. «Nous, on veut accueillir ces gens-là, mais on n’a pas de logements en région. On parle de francisation, de transport en commun et de formation pour la diversité et l’inclusion. Si on veut être capables d’intégrer ces gens en région, ça prend des mesures phares», ajoute-t-elle.La dirigeante voit d’un œil favorable les montants alloués à l’attraction des étudiants étrangers en région, tout en soulignant que les manufacturiers de la province ont besoin de travailleurs maintenant.

 

«On a besoin d’employés maintenant»

«Les manufacturiers sont durement affectés par la pénurie de main-d’œuvre, on est rendus à plus de 30 000 postes vacants et à 18 G$ en pertes économiques uniquement en raison d’un manque de personnel», affirme la PDG de Manufacturiers et exportateurs du Québec, Véronique Proulx. Selon elle, force est de constater que les mesures déjà en place ont peu d’impact sur le secteur manufacturier.

«C’est sûr qu’on ne peut pas parler de pénurie de main-d’œuvre sans parler d’immigration. On aurait souhaité voir une hausse des seuils d’immigration. On parle beaucoup des travailleurs étrangers temporaires. Après l’agriculture, les manufacturiers sont les deuxièmes employeurs en importance à les accueillir. Il y a eu plusieurs assouplissements aux normes sanitaires récemment, alors nous avons besoin de logements abordables», dit-elle.

Véronique Proulx souligne que le budget prévoit la construction de 3200 nouveaux logements abordables, alors que l’Union des municipalités du Québec en réclame 13 000. «Nous, on veut accueillir ces gens-là, mais on n’a pas de logements en région. On parle de francisation, de transport en commun et de formation pour la diversité et l’inclusion. Si on veut être capables d’intégrer ces gens en région, ça prend des mesures phares», ajoute-t-elle.

La dirigeante voit d’un œil favorable les montants alloués à l’attraction des étudiants étrangers en région, tout en soulignant que les manufacturiers de la province ont besoin de travailleurs maintenant.

 

Injustice fiscale

Du côté de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) le vice-président Québec, François Vincent, soutient que la pénurie de main-d’œuvre reste un frein à la croissance économique de la province.

«Nous sommes en train de sonder nos membres et au 21 mars, 65% des propriétaires d’entreprises disaient devoir travailler plus d’heures en raison du manque de personnel. C’était 59% en janvier. De plus, 39% d’entre eux doivent refuser des contrats, comparativement à 37% il y a deux mois», dit-il.

François Vincent dénonce aussi une injustice fiscale qui prive 38 000 PME québécoises d’un accès au taux d’imposition réduit, car elles sont trop petites pour rémunérer 5500 heures par année. «Les mêmes critères s’appliquent pour attirer des travailleurs expérimentés, soit ceux de 60 ans et plus. Ça fait 38 000 entreprises qui se retrouvent les mains vides aujourd’hui», selon lui.