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Le bâtiment face au défi du bas carbone

AFP|Publié le 08 septembre 2021

Le bâtiment face au défi du bas carbone

Le bâtiment «est le secteur le plus mauvais» dans ses impacts sur l'environnement. (Photo: 123RF)

Tours autonomes en énergie, immeubles bas carbone, conception repensée pour éviter le recours à la climatisation: le bâtiment sort de terre les premières grandes réalisations durables, mais est pressé pour que le mouvement soit plus rapide et généralisé.  

Le bâtiment «est le secteur le plus mauvais» dans ses impacts sur l’environnement, en prenant en compte sa construction et ses usages, estime Hélène Chartier, directrice du développement urbain zéro carbone du C40, un réseau de métropoles mondiales.

En France, il pèse près de 45% de la consommation d’énergie finale et génère plus de 25% des émissions de gaz à effets de serre, rappelle l’Observatoire de l’immobilier durable (OID).

Son poids est même plus important à l’échelle des seules villes. «Il représente 50% en moyenne des émissions, et ça peut monter à 70% dans des métropoles comme New York», développe Mme Chartier.

«L’enjeu est d’abord colossal sur le parc immobilier existant», assure Walid Goudiard, directeur du département-conseil et assistance à maîtrise d’ouvrage au cabinet de conseils JLL.

Lisser le bilan carbone passe par «le réemploi» des matériaux, notamment dans la période de rénovation, «plus vertueux que le recyclage», assure-t-il.

«Aujourd’hui, la filière (du réemploi) fait perdre de l’argent», notamment car les circuits de stockage et de logistique sont encore balbutiants mais, «quand elle aura atteint une taille suffisante, ce ne sera plus le cas», selon lui.

Par exemple, «sur une tour de la Défense, on a constaté que les réseaux de chaleur et de froid étaient en bon état, on a prolongé leur durée de vie, alors qu’on a retiré tous les ascenseurs, qui étaient obsolètes. Ce n’est pas un grand effet de manche, mais c’est une approche globale qu’on a besoin de rendre plus visible», décrit-il.

 

«Faisable et déjà fait»

Les efforts sont plus quantifiables lors de la phase de construction. «Quand on regarde le cycle de vie d’un bâtiment, les émissions de carbone connaissent un pic lors de la construction, puis sont lissées lors de l’usage. Face à l’urgence, c’est le meilleur moyen d’aller vite», défend Mme Chartier.

En France, la construction représente 25% des émissions émises par un bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie, selon l’OID.

Dans ce domaine, «le matériel le moins carboné est celui qu’on n’a pas besoin de mettre», a déclaré lors du salon de l’immobilier Mipim Loïc Daniel, directeur général délégué sur l’immobilier d’entreprise du promoteur Nexity. 

Une bonne construction permet également de réduire les émissions pendant la phase d’utilisation. «On est capable de créer un immeuble de bureau qui peut se passer pratiquement de chauffage, de ventilation mécanique. C’est faisable et déjà fait», avec une première réalisation sortie de terre en Autriche, a souligné M. Daniel.

Reste à le développer à plus large échelle. Devant les acteurs de l’immobilier français, la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, a défendu une «législation exigeante», dans le domaine de la construction durable.

Le ministère a publié durant l’été les très attendus et maintes fois repoussés décrets pour la réglementation écologique (RE 2020) dans la construction de logements. Ces nouvelles règles sont applicables pour les permis de construire à usage d’habitation à partir du 1er janvier 2022, avant un élargissement des bâtiments concernés, comprenant les bureaux, l’année suivante. 

Les constructeurs vont donc systématiquement devoir calculer les impacts environnementaux des ouvrages et vérifier qu’ils atteignent les objectifs en termes de performance énergétique et environnementale, de qualité sanitaire ou de confort thermique.

«En principe, les promoteurs réfléchissaient sur deux dimensions: les mètres carrés et le coût. On a besoin d’en intégrer une troisième, la notation carbone», assure M. Goudiard.

Les habitations existantes vont aussi être concernées par des durcissements de la réglementation, avec l’interdiction de location des logements ayant la pire performance énergétique à partir de 2028.