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ZOOM SUR LE MONDE. La mondialisation des marchés telle que nous la connaissons meurt sous nos yeux en raison de la pandémie de la COVID-19. Les exportateurs et les importateurs doivent donc se préparer à évoluer dans un nouvel environnement d’affaires très différent.
«On va passer d’un Free Trade à un Manage Trade», affirme à Les Affaires Richard Ouellet, professeur de droit international économique à l’Université Laval. À ses yeux, il y aura désormais plus de contrôles sanitaires aux frontières même après la pandémie, ce qui risque de réduire la fluidité du commerce international, voire d’augmenter les coûts des entreprises.
Le magazine Foreign Policy estime que plusieurs pays auront désormais des contrôles migratoires accrus aux frontières. Cette nouvelle mondialisation sera aussi caractérisée par la présence de politiques économiques plus nationalistes et plus autonomistes.
Plusieurs États dans le monde, dont le Québec, ont déjà signifié leur volonté d’être plus autonome dans la fabrication de produits essentiels, à commencer par les fameux masques N95 pour le personnel médical. En fait, la pandémie sape les fondements de la «deuxième mondialisation» des marchés (libéralisation du commerce, déréglementation financière, mouvement des capitaux) et l’interdépendance économique dans laquelle nous vivons depuis 40 ans.
Les origines
Deux facteurs sont à l’origine de cette deuxième mondialisation à l’agonie. En 1971, le président américain Richard Nixon a mis fin à la convertibilité en or du dollar (le système de Bretton Woods, de 1944), libéralisant le mouvement des capitaux et permettant l’ajustement de la valeur des devises selon l’offre et la demande.
En 1979 et 1980, les conservateurs Margaret Thatcher et Ronald Reagan ont pris successivement le pouvoir au Royaume-Uni et aux États-Unis, et ont lancé la révolution néolibérale.
Cette deuxième mondialisation s’est accélérée au tournant des années 1990, dans la foulée de l’effondrement du communisme en Europe.
Quant à la première mondialisation, elle s’est grosso modo déployée de 1870 à 1914, jusqu’au déclenchement de la Première Guerre mondiale. Le commerce et de l’investissement au-delà des frontières nationales ont alors connu une expansion rapide. Certes, il y avait des échanges entre les continents auparavant, mais cela n’avait aucune commune mesure avec la première phase de mondialisation, souligne l’économiste John Maynard Keynes dans l’essai Les conséquences économiques de la paix, publié en 1919. «Quel extraordinaire épisode de l’histoire du progrès économique de l’homme, cette époque qui prit fin en août 1914 ! […] Un habitant de Londres pouvait, en dégustant son thé du matin, commander, par téléphone, les produits variés de la terre entière en telle quantité qu’il lui plaisait, et s’attendre à les voir bientôt déposés sur le pas de sa porte.»
La Première Guerre mondiale, la dépression des années 1930 et la Seconde Guerre mondiale ont asséné un coup mortel à cette première mondialisation. Au sortir de la guerre, en 1945, l’Europe et une partie de l’Asie de l’Est étaient en ruine. Le commerce international était entravé par d’importantes barrières tarifaires et réglementaires créées durant la dépression.
C’est la création du GATT en 1948 (l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) qui fait tomber graduellement ces obstacles, et ce, jusqu’au déclenchement de la deuxième mondialisation.
Selon Richard Ouellet, la mise en place de la troisième mondialisation représentera un défi au chapitre de l’internationalisation des grandes chaînes d’approvisionnement, à commencer par celles dans l’agroalimentaire.
Les pays voudront développer leur autonomie, ce qui impliquera dans un premier temps la création de chaînes d’approvisionnement plus locales et continentales.
Par contre, dans un même temps, ces chaînes doivent demeurer mondiales afin de répondre aux besoins alimentaires de base des populations et de permettre aux pays pauvres ou émergents d’exporter dans les pays développés comme le Canada. C’est primordial pour assurer la stabilité sociopolitique et la prospérité dans le monde.