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Kaboul: fin de la mission canadienne de rapatriement

AFP|Publié le 26 août 2021

Kaboul: fin de la mission canadienne de rapatriement

Un soldat britannique tentait de sécuriser un périmètre à Kaboul, jeudi. (Photo: Getty Images)

Ottawa — La mission militaire du Canada en Afghanistan a pris fin jeudi, quelques heures à peine avant que des kamikazes n’attaquent la foule à l’aéroport de Kaboul, tuant plusieurs Marines américains et des dizaines d’Afghans — et laissant derrière un nombre indéterminé de Canadiens et des membres de leur famille. 

La fin du « pont aérien » s’est produite alors que le Canada et ses alliés militaires se craignaient une attaque imminente. 

Elle visait aussi à permettre à la mission dirigée par les États-Unis de respecter sa date butoir du 31 août, convenue avec le nouveau régime taliban en place à Kaboul. 

Selon l’Associated Press, des responsables américains ont déclaré que 11 Marines américains et un infirmier avaient été tués dans l’attaque perpétrée par deux kamikazes et des hommes armés, dans la foule d’Afghans qui espéraient partir, devant l’aéroport de Kaboul. 

Selon un responsable afghan, au moins 60 Afghans ont été tués et 143 autres ont été blessés. 

Un nombre indéterminé de militaires canadiens est resté sur place pour aider au retrait américain, et tous étaient « sains et saufs » après l’attentat de jeudi, ont déclaré les Forces armées canadiennes sur Twitter. 

« Je dirai simplement que de notre point de vue, la guerre est toujours chaotique et imprévisible, a déclaré jeudi le général Wayne Eyre, chef d’état-major par intérim. Et avec le recul, sur la base des informations que nous avions en 2020, oui, nous avons été surpris par la vitesse de la prise de contrôle des talibans à Kaboul. » 

Wayne Eyre a déclaré que les Canadiens avaient été parmi les derniers à quitter Kaboul, que les militaires encaissaient très difficilement ce retrait et que plusieurs se sentiront coupables d’avoir dû laisser des gens derrière eux. 

Il admet que les militaires canadiens auraient aimé « pouvoir rester plus longtemps et sauver tous ceux qui étaient si désespérés de partir », mais « les circonstances sur le terrain se sont rapidement détériorées », a-t-il dit. « Il s’agit maintenant d’une crise humanitaire extraordinaire. Mais ne vous y trompez pas: c’est une crise provoquée par les talibans. » 

Le général Eyre a soutenu que le Canada avait fait sortir environ 3700 personnes d’Afghanistan depuis que les talibans ont repris la gouverne du pays plus tôt ce mois-ci. Wayne Eyre a déclaré jeudi que l’aéroport était constamment menacé d’attaques et que le Canada et ses alliés avaient agi de façon admirable dans le cadre de cette mission. 

De fait, une heure après ce point de presse, plusieurs explosions retentissaient près de l’aéroport international Hamid-Karzai. 

Selon le général Eyre, un millier d’Afghans ont pu être sortis par avion de Kaboul mercredi soir, la moitié sur un gros porteur C-17 canadien et l’autre par les Américains. Le gouvernement fédéral essaie toujours de déterminer combien de Canadiens pourraient encore se trouver en Afghanistan. 

Cindy Termorshuizen, sous-ministre adjointe à Affaires mondiales Canada, a déclaré que des centaines de Canadiens et de résidents permanents et leur famille avaient quitté Kaboul jeudi soir. Elle a déclaré qu’il y avait un grand nombre de Canadiens à bord d’avions canadiens et alliés et que son ministère passe au peigne fin les chiffres et les manifestes de vol pour « avoir une image plus claire » du nombre de gens qui auraient pu être laissés derrière.

 

Pays tiers 

Le gouvernement sait aussi que des personnes se trouvent dans des pays tiers — et tout le réseau des ambassades et hauts-commissariats étrangers du Canada est en alerte pour les retrouver, a-t-elle assuré. « Pour nos concitoyens encore en Afghanistan : si vous devez vous déplacer vers un endroit plus sûr, veuillez le faire avec une grande prudence. Utilisez votre jugement pour décider du meilleur moment et des moyens les plus sûrs pour le faire. Évaluez soigneusement le risque en prenant les mesures nécessaires pour assurer votre sécurité et celle de votre famille », a-t-elle dit. 

Daniel Mills, sous-ministre adjoint à l’Immigration, a déclaré que les demandes de visa pour les citoyens afghans qui l’avaient présentée sont toujours en traitement. Daniel Mills a déclaré que le ministère avait reçu 8000 demandes dans le cadre de son programme spécial pour les Afghans et que 2600 de ces personnes avaient quitté l’Afghanistan. Mais cela ne signifie pas que les autres sont toujours piégés à l’intérieur du pays, car certains de ces candidats ont déjà fui vers des pays tiers, a-t-il soutenu. 

Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré que la « fermeture d’un pont aérien temporaire » ne signifie pas la fin de la connexion du Canada avec l’Afghanistan, et que les efforts se poursuivraient pour atteindre l’objectif du gouvernement de réinstaller 20 000 Afghans. 

« Notre travail continu se poursuivra pour faire pression sur les talibans, aux côtés de nos alliés internationaux, pour permettre aux gens de quitter l’Afghanistan et de se mettre en sécurité », a déclaré jeudi le chef libéral, en campagne électorale à Québec. « Ce moment particulier est terminé et c’est déchirant à voir. Mais il reste encore beaucoup à faire et le Canada continuera d’être là pour les Afghans et le peuple afghan. » 

Le sous-ministre adjoint Mills a indiqué de son côté qu’« au cours des prochaines semaines et des prochains mois, nous collaborerons avec nos partenaires internationaux, y compris les Nations unies, sur notre engagement humanitaire plus large ».

 

L’opposition 

Le chef conservateur, Erin O’Toole, a qualifié d’« horrible » la situation en Afghanistan. « Malheureusement, Justin Trudeau a manqué une opportunité d’agir sur la situation et d’agir sur les réfugiés en danger, a-t-il dit. Il y a six mois, j’ai proposé un plan d’action pour le premier ministre, mais malheureusement, comme d’habitude, il a été lent, et maintenant, nous sommes en pleine élection. » 

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a déploré la « conversion tardive, à la limite inquiétante », d’Ottawa dans cette mission de rapatriement. « Le gouvernement canadien a dit : “on va étirer au-delà du 31 août”, avant de dire “on va s’en aller” », a-t-il commenté. 

Le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, a estimé que « l’approche de Justin Trudeau n’était pas suffisante et c’est une faillite ». 

« Et c’est aussi de plus en plus clair que nos anciens combattants ont dit que l’approche du Canada n’était pas suffisante pour répondre aux besoins des gens en Afghanistan, a-t-il indiqué. Et maintenant, on a beaucoup de gens qui sont en péril, en danger. » 

La cheffe du Parti vert, Annamie Paul, a demandé à nouveau jeudi que les chefs de parti suspendent leur campagne pendant 24 heures, pour « concentrer leurs efforts et leurs équipes » sur cette crise. « Il n’y a pas d’excuses : tout ça était prévisible (…) on avait suffisamment de temps pour assurer l’évacuation et la sécurité » des gens là-bas, a-t-elle soutenu.