EXPERT INVITÉ. L’endettement des ménages, on le sait, atteint des taux record. Le montant d’argent qu’ils doivent par rapport à leur revenu disponible continue d’augmenter et oscille autour de 180 %. Autrement dit, les Canadiens doivent en moyenne près de 1,80 $ pour chaque dollar de leur revenu annuel net d’impôt. Doit-on s’en préoccuper ? Oui… et non !
La dette des ménages, qui s’élève aujourd’hui à plus de 2 000 milliards de dollars, a fait un bond prodigieux ces dernières années. Un montant considérable qui fait sourciller la Banque du Canada, qui doit ainsi en tenir compte dans sa politique monétaire et qui vient d’annoncer le maintien de son taux d’intérêt directeur à 1,75 %. Le ratio d’endettement était d’environ 100 % il y a 20 ans et de 66 % en 1980.
La dette hypothécaire, qui représente environ les trois quarts de la dette totale des ménages, est en grande partie responsable de la situation. La très forte augmentation de la dette s’est en effet produite principalement pendant une longue période de taux d’intérêt historiquement bas. Au Canada, le taux d’intérêt directeur est tombé à 0,25 % en 2009 et est resté égal ou inférieur à 1 % jusqu’à la mi-2017.
Ces faibles taux ont du même coup permis à un nombre croissant de personnes de réaliser leur rêve d’acheter une maison. Comme en témoigne le taux de propriété qui atteint une moyenne de 68 % au pays. Même si un rattrapage s’est effectué au cours des dernières années, le Québec demeure la province où le taux de propriété (61 %) est le plus bas au Canada.
Quand on se compare…
Or, il est rassurant de constater que les ménages se sont endettés surtout pour se constituer un patrimoine, voire s’enrichir. Le fort ratio d’endettement n’est donc pas aussi inquiétant qu’il n’y paraît. Au Québec, du moins, où le ratio d’endettement de 160,6 % des consommateurs est sous la moyenne nationale et nettement plus faible qu’en Alberta (214,9 %) ou en Colombie-Britannique (204,5 %). Les villes de Vancouver (242 %) et de Toronto (208 %) affichent les ratios les plus élevés du pays, comparativement à Montréal (167 %), Québec (140 %) ou Sherbrooke (132 %).
Autre bonne nouvelle rassurante : le marché du travail reste vigoureux. Au Québec, le taux de chômage est légèrement supérieur à 5 % et demeure historiquement faible.
De plus, même si la Banque du Canada a haussé son taux directeur à cinq reprises depuis juillet 2017, passant ainsi de 0,75 % à 1,75 %, les taux d’intérêt demeurent relativement bas. Par ailleurs, puisqu’une grande majorité des prêts hypothécaires contractés par les propriétaires canadiens sont à taux fixe, une éventuelle augmentation des taux d’intérêt n’aura pas d’influence avant la date de renouvellement de leur emprunt.
N’empêche : l’endettement des ménages a des effets certains sur la consommation, qui a ralenti en 2018, pour atteindre un rythme de 2,1 %, contre 3,6 % en 2017. Cet essoufflement de la part des consommateurs, qui ont porté à bout de bras la croissance économique du pays depuis la récession de 2008, demeure une source de ralentissement de l’économie pour l’année en cours.
EXPERT INVITÉ
Pierre Cléroux est vice-président, Recherche et économiste en chef de la Banque de développement du Canada (BDC)