L'histoire chancelante du Canada en matière d'exportation de déchets plastiques a attiré l'attention internationale en 2019, lorsque des expéditions d'ordures faussement étiquetées comme du plastique à recycler ont conduit à une impasse diplomatique avec les Philippines. (Photo: 123RF)
Ottawa — Au cours de l’année qui a suivi l’entrée en vigueur des nouvelles règles visant à ralentir les exportations mondiales de déchets plastiques, les expéditions du Canada ont augmenté de plus de 13%, et la majeure partie était destinée aux États-Unis sans que l’on sache où elles finissent par se retrouver.
Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, croit que ce genre d’approche nonchalante en matière d’exportation de déchets plastiques doit cesser.
En entrevue, M. Guilbault s’est dit inquiet à ce sujet et a déclaré que le Canada devait «clairement faire mieux».
Le ministre estime que si le Canada expédie du plastique destiné au recyclage, il doit s’assurer que c’est bien ce qui se produit. Il admet qu’en ce moment, il n’est pas clair pour lui que ce soit toujours le cas.
M. Guilbeault a déclaré qu’il discutait avec ses responsables de ce qui pouvait être fait pour résoudre le problème «parce qu’en ce moment, nous ne faisons pas du très bon travail».
L’histoire chancelante du Canada en matière d’exportation de déchets plastiques a attiré l’attention internationale en 2019, lorsque des expéditions d’ordures faussement étiquetées comme du plastique à recycler ont conduit à une impasse diplomatique avec les Philippines.
Cela a mis en lumière le commerce mondial des ordures, qui a principalement vu les pays riches mettre leurs ordures sur des porte-conteneurs à destination des pays en développement où elles finissent souvent dans des décharges ou brûlées, entraînant une série de répercussions sur l’environnement et la santé humaine.
À la suite de cet embarras, le Canada a déclaré qu’il travaillerait avec l’Agence des services frontaliers pour mettre fin aux exportations de plastique contaminé et a accepté des amendements à la Convention de Bâle des Nations unies sur les déchets dangereux qui ajoutaient des déchets plastiques mélangés aux substances couvertes par les règles de la convention.
Sur papier, cela signifiait qu’après le 1er janvier 2021, le Canada ne devait pouvoir exporter des déchets que vers d’autres membres de la convention, et ces exportations devaient nécessiter le consentement préalable en connaissance de cause du pays importateur et la confirmation de la manière dont les déchets sont éliminés.
Mais quelques mois avant l’entrée en vigueur des modifications, le Canada a discrètement signé un accord avec les États-Unis permettant la libre circulation des déchets plastiques entre les deux pays, même si les États-Unis ne font pas partie de la Convention de Bâle. L’accord est autorisé par les règles de Bâle, mais comme les États-Unis ne sont pas liés par la convention, ils peuvent faire ce qu’ils veulent avec les déchets, y compris les expédier où bon leur semble.
Les données commerciales collectées par le Basel Action Network montrent que plus de 340 millions de kilogrammes de déchets plastiques ont été exportés par les États-Unis vers seulement quatre pays en 2021 — la Malaisie, l’Indonésie, l’Inde et le Vietnam.
Kathleen Ruff, fondatrice de Right On Canada, qui fait pression contre les exportations de tous les déchets dangereux, a décrit l’accord Canada–États-Unis comme une «échappatoire colossale qui viole la Convention de Bâle en nous permettant d’exporter d’énormes quantités de plastique et d’autres déchets vers les États-Unis sans aucun contrôle pour empêcher qu’ils ne soient ensuite expédiés vers des pays en développement».
«Ce n’est pas le leadership environnemental qu’on nous avait promis», a-t-elle déclaré.
Les amendements sur le plastique à la Convention de Bâle visaient à commencer à réduire les exportations totales de déchets plastiques. Mais au cours des 12 mois qui ont suivi l’entrée en vigueur des modifications, les expéditions de déchets plastiques du Canada ont augmenté de 13% pour atteindre 170 millions de kilogrammes, soit environ le poids de 17 milliards de bouteilles en plastique d’un demi-litre.
Ses expéditions vers les États-Unis ont totalisé 158 millions de kilogrammes, soit une augmentation de 16% par rapport à 2020 et 92% des exportations totales.
Le total de 2021 est le plus élevé depuis 2017, lorsque près de 200 kilogrammes ont été exportés, dont moins de 60% vers les États-Unis.
Le député néo-démocrate de l’île de Vancouver Gord Johns, qui a adopté avec succès une motion visant à créer une stratégie nationale contre la pollution plastique, a déclaré que le bilan du Canada en matière de pollution plastique «est épouvantable».
Il a ajouté que si M. Guilbeault était sérieux au sujet des déchets plastiques, il ferait signer au Canada l’amendement complet de la Convention de Bâle qui interdirait l’exportation de déchets dangereux, y compris la plupart des plastiques, avec ou sans le consentement d’un pays importateur.
Cent des 188 parties à la Convention de Bâle ont ratifié cet amendement, mais pas le Canada.
«Jusqu’à ce que le Canada se joigne aux 100 pays qui acceptent cet amendement, ils ne sont pas liés par celui-ci», a-t-il déclaré. «Et l’amendement rend illégale l’exportation de déchets dangereux du Canada vers les pays en développement. Je suppose donc que la question est de savoir pourquoi le Canada refuse de se joindre au reste du monde.»