Le Québec a besoin de 100TWh pour atteindre la carboneutralité
La Presse Canadienne|Publié le 25 mars 2022Pour l’électrification des transports, Hydro-Québec s’est donné l’objectif d’ajouter 4500 bornes de recharge standards dans les centres urbains d’ici 2028 et d’exploiter 2500 bornes de recharge rapide d’ici 2030. (Photo: La Presse Canadienne)
Hydro-Québec est victime de sa popularité. La société d’État devra produire significativement plus d’électricité pour répondre à la demande dans un contexte de transition énergétique.
Le Québec aura besoin de 100 térawatts-heures (TWh) additionnels d’énergie si la province veut atteindre la carboneutralité d’ici 2050, selon le plan stratégique 2022-2026 déposé jeudi par Hydro-Québec. Cela représente près de la moitié de la production annuelle de la société d’État.
« Je dis qu’on arrive à une période charnière parce que, là, on est au début de ce qu’on appelle la transition énergétique, a expliqué la présidente-directrice générale d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, lors d’un événement virtuel visant à présenter le nouveau plan. Les gens qui, aujourd’hui, au Québec, consomment de l’énergie fossile, vont vouloir venir sur le réseau d’Hydro-Québec accroître leur consommation d’électricité. »
La demande d’électricité devrait augmenter de 20 TWh entre 2019 et 2029. La société estime qu’elle aura besoin de nouveaux approvisionnements en énergie à partir de 2027.
Hydro-Québec veut ainsi augmenter sa capacité de production de 5000 mégawatts (MW). Pour y parvenir, elle veut lancer des projets de 2000 MW dans ses centrales existantes d’ici 2035. Elle veut aussi constituer un portefeuille de projets éoliens de 3000 MW d’ici 2026.
Pour l’électrification des transports, Hydro-Québec s’est donné l’objectif d’ajouter 4500 bornes de recharge standards dans les centres urbains d’ici 2028 et d’exploiter 2500 bornes de recharge rapide d’ici 2030.
L’avenir des tarifs
En présentant les besoins énergétiques et les investissements nécessaires, Hydro-Québec est en train de « préparer le terrain » à une augmentation possible des tarifs d’électricité, croit Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal. « Ils nous disent très clairement que les nouveaux approvisionnements vont coûter plus cher, il y a aussi les investissements pour la réfection des barrages qui vont être importants », dit-il en entrevue.
Dans son plan stratégique, Hydro-Québec souligne que des investissements supplémentaires seront nécessaires. Elle réalisait des investissements de 3,7 milliards de dollars (G$) par année en moyenne entre 2017 et 2021. Ce montant augmentera à 5 G$ annuellement entre 2022 et 2026.
Les coûts d’approvisionnement sont également appelés à s’apprécier. Le coût du bloc patrimonial est de 3 cents le kilowattheure (kWh). Le coût moyen des approvisionnements post-patrimoniaux sera de 11 cents en moyenne.
Pour sa part, Sophie Brochu affirme qu’elle ne prépare pas le terrain à une augmentation des tarifs. « Elle est inflationniste, la transition énergétique, partout dans le monde, puis elle met une pression sur nos coûts, a expliqué la dirigeante. Je ne prépare pas les Québécois. Ce qu’on veut, c’est avoir une conversation. Ce n’est pas à nous de dire préparer vous mentalement, il va venir quelque chose qui va vous coûter cher, ce n’est pas ça. »
Sophie Brochu a reconnu que l’inflation touchait également les coûts d’Hydro-Québec. Elle a évoqué les salaires, les coûts des matériaux comme l’aluminium, mais aussi les investissements en cybersécurité.
« Aujourd’hui, Hydro-Québec gère au mieux l’évolution de ses coûts. Elle fait des choix sur les projets qu’elle priorise pour faire en sorte que l’impact de l’évolution des coûts et de l’inflation va être le moins élevé possible pour nos clients. »
L’efficacité énergétique est une des solutions pour éviter une hausse tarifaire. Les Québécois devront doubler leurs efforts à cet égard pour atteindre 8,2 TWh d’économies supplémentaires récurrentes d’ici 2029, selon le plan stratégique. Cela représente la production annuelle du complexe de La Romaine. « Il faut que tout le monde mette sa petite épaule à notre grande roue collective et consommer mieux », a dit Sophie Brochu.
Pierre-Olivier Pineau, qui accueille favorablement le plan d’Hydro-Québec, trouve « ironique » que la société d’État aborde ses défis à long terme au moment où le gouvernement Legault promet de plafonner les augmentations annuelles des tarifs d’électricité à 3 % pour éviter un choc tarifaire pour les ménages.
Or, une progression des tarifs supérieure à l’inflation pourrait être nécessaire pour financer la transition énergétique, avance l’expert. « Ce n’est pas la loi qui va déterminer combien d’argent il faut investir pour avoir un système énergétique décarboné. Ça illustre bien l’improvisation du gouvernement par rapport à la situation. »
« Théoriquement », Hydro-Québec pourrait avoir besoin d’une augmentation supérieure à 3 % si l’inflation devait perdurer plusieurs années, mais « ce n’est pas le scénario aujourd’hui », a répondu Sophie Brochu, qui a dit ne pas savoir de quoi sera fait l’avenir. Elle a ajouté que la Régie de l’énergie du Québec posera un regard « neutre » sur l’évolution des coûts d’Hydro-Québec en 2025, comme elle doit le faire tous les cinq ans.
Le tarif d’électricité n’est qu’une partie de la facture énergétique, nuance Pierre-Olivier Pineau. « La transition énergétique va nous amener, forcément, à consommer moins de pétrole, qui nous coûte très cher. Globalement, on va faire de grosse économie sur le pétrole. »
Par Stéphane Rolland