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La pandémie a accéléré la détection de problèmes oculaires

La Presse Canadienne|Publié le 15 février 2021

La pandémie a accéléré la détection de problèmes oculaires

L’augmentation du temps que jeunes et moins jeunes passent devant un écran a des conséquences néfaste sur la santé oculaire. (Photo: 123RF)

L’augmentation du temps que jeunes et moins jeunes passent devant un écran en raison du télétravail et de l’enseignement à distance précipite la détection de certains problèmes de santé oculaire qui seraient peut−être autrement passés inaperçus pendant encore des années, croit un expert.

Au même moment, les cliniques d’optométrie de la province notent une hausse des demandes de consultation pour des examens de la vue. 

«L’écran en tant que tel ne cause pas un problème en soi, a résumé le directeur de l’École d’optométrie de l’Université de Montréal, le docteur Langis Michaud. Par contre, l’usage qu’on a fait (…) va surtout mettre en évidence des problèmes qui étaient là auparavant, mais qui étaient asymptomatiques ou sous−cliniques.» 

Il compare la situation à celle d’un individu qui court quelques kilomètres chaque jour et qui décide soudainement de s’attaquer à un marathon: ce n’est pas parce qu’on croit avoir la capacité de le faire et qu’on se croit entraîné pour le faire que c’est nécessairement le cas. 

Dans le cas de notre système visuel, ajoute−t−il, le fait d’utiliser des écrans de façon constante met en exergue des lacunes qui étaient probablement là au départ. Il importe donc de voir la situation dans son ensemble au lieu de simplement chercher un lien de cause à effet. 

«Il y a beaucoup de gens qui nous consultent pour des problèmes oculaires et visuels qui sont reliés aux écrans, a dit le docteur Michaud. Depuis la fin de l’été et le début de l’automne, c’est vraiment une augmentation fulgurante.»

L’Ordre des optométristes du Québec abonde dans le même sens. La directrice générale adjointe de l’ordre, Claudine Champagne, a précisé dans un courriel que l’augmentation constatée du nombre de demandes de consultations s’expliquerait «notamment par une surexposition aux écrans dans le contexte actuel».

 

Les plus petits

Mme Champagne ajoute que, compte tenu du développement du système visuel de l’enfant entre deux et dix ans, une période critique de sa maturation, un stress visuel important peut se développer, causant ou augmentant un problème de coordination des yeux, le développement de sécheresse oculaire et d’autres anomalies visuelles.

«Ils n’ont pas la capacité de faire fonctionner leurs yeux ensemble, la coordination des yeux n’est pas complète, a renchéri le docteur Michaud au sujet des plus petits. Le stress qu’on leur apporte par un cinq ou six heures d’écrans par jour fait apparaître un certain nombre de problèmes de ce côté−là.»

Une étude récemment publiée en Chine témoignait d’une hausse de 6 % du taux de myopie chez les enfants de huit ou dix ans, en comparant «avant» et «après» la pandémie.

«C’est énorme, a réagi le docteur Michaud. Sur cent enfants, il y en a six qui sont myopes et qui ne l’auraient pas été sans la pandémie. Ils attribuent ça beaucoup au travail intensif sur écran.»

La lecture d’un livre sera ponctuée de pauses naturelles, comme à la fin d’un chapitre, poursuit−il. En revanche, la tablette électronique propose constamment quelque chose de nouveau et d’intéressant, et il ne sera pas rare de voir les enfants y être rivés pendant de nombreuses heures consécutives.

En temps normal, ajoute−t−il, deux yeux qui ne se déplacent pas à la même vitesse en lisant ne seront pas nécessairement problématiques. Mais si on passe plusieurs heures devant un écran, le problème pourrait paraître plus aigu et devra être corrigé.

Même chose pour les gens qui souffrent d’hypermétropie et dont l’oeil doit «forcer» pour voir clair.

«Cet effort−là est bien contrôlé habituellement et on a des pauses fréquentes, a expliqué le docteur Michaud. L’oeil regarde à gauche, à droite, on se déplace d’un local à l’autre, on a le temps de relaxer notre système… Mais là on enchaîne les Zooms un derrière l’autre et on ne relaxe jamais notre système. Quand l’effort devient trop grand, il y a des symptômes visuels qui apparaissent.»

L’écran sur lequel on travaille devrait être situé à une cinquantaine de centimètres de nos yeux, tout comme les documents qu’on sera appelés à consulter, a−t−il dit. Autrement, «je fais une gymnastique constante entre mon 20−22 centimètres et mon 50 centimètres; c’est comme si je faisais des sprints aller−retour constants et ça c’est très fatigant pour l’oeil».

L’éclairage a aussi une importance capitale (on évite la pénombre, on privilégie les ampoules incandescentes aux DEL) et on essaie toutes les 30 minutes de faire une courte pause pendant laquelle on se lève, on marche et on regarde au loin.

Et si on peut bien évidemment espérer un retour éventuel à une situation un peu plus normale, le docteur Michaud croit que les méthodes d’apprentissage et de travail de plus en plus axées sur les écrans et l’informatique sont là pour rester.

«On met en exergue des problèmes qui étaient là avant, mais qui étaient peut−être insoupçonnés, mais c’est surtout qu’on prend conscience que nos yeux ont une limite et il faut les aider avec les moyens appropriés», a conclu le docteur Michaud.