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Les risques de récession demeurent modérés

Mathieu D'Anjou|Édition de la mi‑septembre 2019

EXPERT INVITÉ. Après une accalmie en juillet, les tensions commerciales sont revenues en force au début du mois d’août lorsque le président Donald Trump a décidé d’annoncer de nouveaux tarifs sur environ 300 G$ US d’exportations chinoises. Les marchés financiers ont réagi très négativement à ce nouvel épisode de la guerre commerciale sino-américaine. La chute marquée des taux obligataires de long terme, alors que le taux des obligations de 10 ans américain est même descendu temporairement en dessous du taux des obligations de deux ans pour la première fois depuis la crise de 2008, amène certains commentateurs à parler d’une récession imminente. Est-ce fondé?

Les conséquences économiques négatives des tensions commerciales sont de plus en plus évidentes. On note en particulier un ralentissement marqué du commerce mondial qui touche particulièrement l’Asie, mais semble aussi freiner le secteur manufacturier presque partout sur la planète. Les difficultés de l’économie allemande, qui est particulièrement dépendante de ses exportations industrielles, sont aussi indéniables, ce qui augmente l’inquiétude sur l’ensemble de l’Europe. L’économie chinoise peine également à s’adapter à ce nouveau contexte protectionniste. Même dans les économies moins touchées directement par le conflit commercial, on note que l’incertitude aiguë des derniers trimestres semble freiner les investissements des entreprises.

Pour parler de récession, il faut toutefois observer une contraction généralisée de l’activité économique. Pour le moment, l’important secteur des services semble beaucoup moins entravé par les tensions commerciales que le secteur industriel. La situation du marché du travail demeure généralement favorable avec des taux de chômage très faibles, même dans des pays connaissant actuellement certaines difficultés. Rien ne laisse donc entrevoir une contraction imminente des dépenses de consommation, qui représentent la plus grande part du produit intérieur brut. Le bond spectaculaire de 4,7 %, à un rythme annualisé, des dépenses de consommation des ménages américains au deuxième trimestre de 2019 ne cadre ainsi aucunement avec une économie sur le point de tomber en récession. La croissance annuelle de la consommation, qui peut donner une meilleure idée de la tendance, demeure aussi forte, quoique moins spectaculaire qu’il y a un an. Il est aussi rassurant de constater que le taux d’épargne des Américains est actuellement très élevé, à 8 % du revenu personnel disponible, alors que la consommation robuste des derniers trimestres s’est appuyée sur une progression encore plus forte des revenus des ménages.

Risques limités au Canada

Les signes que l’économie américaine continuera de progresser au cours des prochains trimestres limitent grandement les risques de récession du côté canadien. De plus, la forte baisse des taux d’intérêt de long terme observés depuis le début de l’année, qui se traduit entre autres par une baisse importante des taux hypothécaires, soutiendra aussi la consommation et le secteur résidentiel au pays, et ce, même si la Banque du Canada ne modifie pas sa politique monétaire.

Les tensions commerciales et l’incertitude qui en découle représentent clairement une mauvaise nouvelle pour l’économie mondiale. Cela nuit aussi aux entreprises d’ici, particulièrement celles qui sont tournées vers les exportations. Ce contexte augmente la vulnérabilité de l’économie mondiale si de nouveaux chocs négatifs survenaient. Pour le moment, il nous semble toutefois beaucoup plus approprié de miser sur une modération de la croissance économique au cours des prochains trimestres que sur une véritable récession, particulièrement en Amérique du Nord.

EXPERT INVITÉ
Mathieu D’Anjou
, CFA, est économiste en chef adjoint aux Études économiques du Mouvement Desjardins.