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L’ode à la créativité et à l’audace de Daniel Lamarre

Emmanuel Martinez|Édition de février 2022

L’ode à la créativité et à l’audace de Daniel Lamarre

Daniel Lamarre (Photo: Martin Flamand)

DES LEADERS ET DES MOTS. «Le plus grand risque professionnel que j’ai pris dans ma vie était de rejoindre le Cirque du Soleil, mais cela ne serait peut-être jamais arrivé sans l’inspiration d’une grande championne olympique du nom de Sylvie Fréchette», confie l’ancien patron du Cirque du Soleil, Daniel Lamarre. Il s’agit d’une des anecdotes du livre L’Équilibriste, qui raconte son parcours professionnel très réussi, notamment au cabinet de relations publiques National ou à la tête de TVA. Dans cet ouvrage, Daniel Lamarre se lance dans un exposé en faveur de la créativité et de l’innovation dans le monde des affaires.

«Aucune entreprise n’a de raison d’être si elle ne se dédie pas à découvrir de nouvelles façons d’améliorer la vie de ses clients, déclare-t-il. En résumé, sans créativité, il n’y a pas d’entreprise.» Voilà le constat qu’il dresse de sa vingtaine d’années passées au Cirque après que son fondateur Guy Laliberté l’eut convaincu de faire le grand saut en 2000.

 

Dans l’antre de l’inventivité

Daniel Lamarre découvre alors pleinement les vertus de la créativité au Cirque du Soleil, dont il fait l’éloge tout au long de son bouquin. Il en remarque l’importance dès sa visite du siège social. «Ce petit tour du propriétaire fut une révélation:pour être créatif, il faut évoluer dans un environnement créatif qui stimule l’inventivité même dans la conversation la plus informelle entre deux employés. J’ai été impressionné de voir à quel point les gens improvisaient des réunions dans les couloirs ou à la cafétéria autour d’un déjeuner.»Grâce à son parcours au Cirque, Daniel Lamarre a ainsi réalisé ce qui faisait grandir son entreprise.

«Faire de la créativité sa priorité est précisément ce qui a permis au Cirque du Soleil de passer d’une petite troupe de cirque à une multinationale, ajoute-t-il. Oui, avoir eu des propriétaires patients, décidés à investir, nous a donné des moyens considérables pour prendre des risques. Mais, comme dans tous les autres secteurs d’activité, nous avons des budgets et des délais à respecter, sans oublier le défi logistique ahurissant […] Nous n’aurions jamais pu atteindre ce niveau de réussite sans être extrêmement pragmatiques et conscients de l’essentiel. Et cela crée un cercle vertueux:la créativité nous permet de faire des profits et ces profits nous permettent d’être créatifs.»Il a notamment compris qu’investir 1 million de dollars (M$) dans un party, comme le faisait chaque année Guy Laliberté pour une immense fête chez lui, pouvait se révéler rentable. C’est là que des liens se sont noués avec le Beatles George Harrison, qui ont finalement débouché sur un des grands succès du Cirque, le spectacle The Beatles LOVE.

Les bons et mauvais coups Daniel Lamarre raconte en détail l’élaboration d’autres spectacles clés, comme Varekai et Zumanity avec le créateur Dominic Champagne, Kà avec Robert Lepage, ou bien Michael Jackson ONE. Il évoque aussi les ratés, notamment une mauvaise compréhension des répercussions de la crise financière de 2008, que l’entreprise avait mal anticipées.

Concernant le lourd endettement qui a forcé le Cirque à se placer à l’abri de ses créanciers en 2020, l’ancien patron a surtout rejeté la faute sur la COVID-19, qui a provoqué l’arrêt des spectacles aux quatre coins de la planète. Sans revenus, le Cirque a été incapable de rembourser les intérêts sur sa dette de 900 M$US. «Nous étions passés de 44 productions dans le monde et 1 milliard de dollars américains (G$US) de recettes annuelles à 0 spectacle et aucun revenu», argue-t-il. Il ne remet donc pas en cause la stratégie du groupe menée par la firme TPG, qui s’était fortement endetté pour payer le 1,5 G$US versé à Guy Laliberté en 2015. Ni celle de se lancer par la suite dans des acquisitions et de multiplier les productions qui ont plombé les finances. Dans cette déconfiture, la Caisse de dépôt et placement du Québec a perdu 228 M$.

Celui qui a cédé sa place, en décembre, à Stéphane Lefebvre à la tête de l’entreprise retient quand même des leçons de cette période noire.

«Nous avons compris que nous avions parfois été trop ambitieux. À l’avenir, nous lancerons des nouveautés avec plus de parcimonie. Un nouveau spectacle permanent par an doit être une limite à ne pas dépasser pour nous laisser le temps de nous concentrer sur la qualité et pour mûrir chaque production avec soin.»Malgré le fait que le Cirque n’a plus d’actionnaires québécois d’importance depuis le rachat, en octobre 2020, par des firmes canadiennes et américaines, Daniel Lamarre estime que l’avenir de ce joyau québécois est assuré dans la métropole, car c’est ici que se trouve le «pouvoir créatif exceptionnel»de ses employés.

 

L’Équilibriste a été écrit avec Paul Keegan et publié aux Éditions Michel Lafon.