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Passer de la quantité à la qualité des emplois

Mia Homsy|Édition de la mi‑janvier 2019

EXPERTE INVITÉE. Lors d'une allocution prononcée devant le Cercle canadien de Montréal, au début novembre ...

Experte invitée — Lors d’une allocution prononcée devant le Cercle canadien de Montréal, au début novembre, Darryl White, le chef de la direction de la BMO, affirmait que le temps était venu d’accorder plus d’importance à la qualité des emplois créés plutôt qu’à la quantité. Bien qu’il n’ait pas été en mesure de préciser comment cette dernière devrait être mesurée, il a eu le courage de remettre en question l’importance démesurée accordée à la sacro-sainte création d’emplois.

Bien que ce soit plus complexe et imprécis de mesurer la qualité et la pertinence des emplois créés que leur nombre, c’est là qu’il faut concentrer la réflexion et les efforts. Plusieurs économistes et chroniqueurs ont plaidé que les indicateurs de qualité des emplois sont trop subjectifs et qu’il est plus fiable de s’en tenir aux indicateurs traditionnels de création nette d’emplois et de taux de chômage. Au Québec, alors que le taux de chômage oscille entre 5 % et 5,5 %, cet indicateur est de moins en moins pertinent et n’est plus le reflet de la vigueur du marché du travail et de l’économie comme il l’était traditionnellement. Il indique plutôt l’ampleur du phénomène de remplacement des baby-boomers et de notre capacité à maximiser l’usage de nos talents.

La création d’emplois étant de facto limitée par le manque de main-d’oeuvre disponible pour occuper les postes ouverts, la nouvelle réalité sera donc plutôt marquée par du déplacement d’emplois que par de la création nette d’emplois. Et c’est justement là qu’il faut intervenir pour s’assurer que le déplacement est orienté vers les besoins les plus pressants et les secteurs les plus prometteurs et qu’il améliore ultimement la qualité globale des emplois. Mais pour y arriver, il faut préalablement définir collectivement quels sont ces besoins, où sont-ils les plus criants et comment se préparer aux emplois du futur.

C’est une tâche colossale, mais tout à fait réalisable. Si nous ne travaillons pas ensemble pour trouver les bons outils de mesure des besoins actuels et futurs, il sera carrément impossible de déterminer les meilleurs moyens de répondre adéquatement à l’ampleur du défi.

C’est dans ce contexte que l’Institut du Québec a créé l’Indice de l’emploi, qui mesure à la fois la vigueur du marché du travail et la qualité des emplois. Le sous-indice de qualité des emplois est composé de six indicateurs : l’emploi à temps plein, le travail autonome, l’emploi dans les industries qui payent mieux que la moyenne provinciale, les variations du salaire hebdomadaire moyen, la proportion de travailleurs à temps partiel involontaire et la proportion de travailleurs temporaires.

C’est un point de départ, mais il faut aller encore plus loin et continuer de mieux adapter les indicateurs aux enjeux contemporains, l’objectif étant de mieux comprendre si on évolue dans la bonne direction ou si on se dirige tout droit vers un mur.

Nul ne sait de quoi l’avenir sera fait, mais on a quand même de bons indices des besoins à anticiper et des façons de s’y préparer. Par exemple, le vieillissement de la population entraînera des besoins croissants dans les services de santé, notamment dans les soins à domicile, et l’automatisation transformera les tâches plus répétitives vers d’autres qui sont plus axées sur le contact humain et l’esprit critique. Les changements climatiques feront en sorte de déplacer des emplois des industries lourdes en émissions de CO2 vers celles plus sobres en carbone.

Malheureusement, il n’y a pas encore de recette parfaite pour mesurer ces progrès, mais au moins la réflexion est amorcée. Elle doit se poursuivre, de façon concertée, pour mieux répondre à nos vrais défis.

EXPERTE INVITÉE
Mia Homsy
 est directrice générale de l’Institut du Québec (IdQ) depuis sa fondation en février 2014.