Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

Pourquoi le taux de chômage au Québec est-il aussi bas?

Pierre Cléroux|Édition de juillet 2019

EXPERT INVITÉ. Le taux de chômage au Québec a atteint 4,9 % ce printemps, soit le plus faible taux enregistré en plus de 40 ans. Depuis 2015, le taux de chômage a ainsi diminué très rapidement, passant de 8 % à 4,9 % en 2019. Que s’est-il passé ?

L’excellente performance économique du Québec ces dernières années a entraîné dans son sillage la création de 267 400 emplois depuis 2015, contribuant ainsi à faire chuter notre taux de chômage. Voilà une très bonne nouvelle.

Cependant, une autre raison explique cette baisse du taux de chômage à un niveau record : le vieillissement de notre population. Le graphique ci-dessous montre en effet une très faible augmentation de la population québécoise ayant entre 15 et 64 ans au cours des sept dernières années. Ce segment de main-d’oeuvre, qui constitue la population active, augmente beaucoup plus lentement qu’auparavant.

Depuis 2011, notre bassin de travailleurs a ainsi diminué de 29 300 comparativement à une augmentation de 288 700 au cours des sept années précédentes. En fait, le nombre de Québécois ayant entre 15 et 64 ans a même diminué entre 2013 et 2016. Ce ralentissement de la croissance de l’ensemble des personnes en âge de travailler est attribuable au vieillissement de la population, alors que les Québécois de 65 ans et plus se font de plus en plus nombreux. Or, puisque la vitalité de l’économie québécoise stimule la création de l’emploi, le taux de chômage chute à un rythme accéléré.

Cette situation va malheureusement s’accentuer au cours de la prochaine décennie. Si cette conjoncture est bonne pour les chercheurs d’emploi, notamment les jeunes, elle provoque une importante pénurie de main-d’oeuvre pour les entreprises québécoises. Or, cette pénurie a également pour effet de limiter la croissance économique au Québec.

Le faible taux de chômage prévu au cours de la prochaine décennie se présente dans un contexte bien différent du passé. Au Québec, comme au Canada et dans d’autres pays développés, la création d’emploi a été au coeur des politiques publiques au cours des dernières décennies. Les gouvernements québécois successifs ont toujours promis, lors des campagnes électorales, la création de milliers d’emplois. Plusieurs stratégies, programmes, et politiques ont été imaginés en ce sens.

Toutefois, les défis à venir seront bien différents puisqu’à ce rythme, l’économie pourrait créer plus d’emplois que l’augmentation du nombre de travailleurs. Les gouvernements doivent donc changer de cap. Ils devront inciter les entreprises à investir davantage en technologie afin d’assurer leur croissance et les aider.

Les gouvernements devront également inciter un plus grand nombre de Québécois à intégrer le marché du travail, afin d’augmenter leur taux de participation. C’est le cas de travailleurs découragés qui ne font plus partie de la population active, de travailleurs plus âgés à la retraite, ou encore de personnes qui n’ont pas une formation adéquate pour le marché du travail.

Les politiques gouvernementales ne doivent donc plus être axées sur la création d’emplois, mais plutôt sur une plus grande participation des Québécois au marché du travail. Le faible taux de chômage représente ainsi un nouveau défi pour nos gouvernements si nous voulons continuer de prospérer.

EXPERT INVITÉ
Pierre Cléroux
est vice-président, Recherche et économiste en chef de la Banque de développement du Canada (BDC)