Une armée d’acheteurs chinois font baisser le prix des ressources
François Normand|Édition de la mi‑juin 2022(Photo: 123RF)
Sans tambour ni trompette, de nombreux transformateurs et négociants chinois de métaux stratégiques sont passés, en mars, d’acheteurs à vendeurs. Un revirement majeur qui tire vers le bas le prix de métaux comme l’acier ou l’aluminium.
L’agence de presse Reuters a récemment publié une analyse à ce sujet (Analysis:China’s metals traders offload stockpiles as bleak demand outlook bites), alors que la deuxième économie de la planète — grande consommatrice de métaux — ralentit rapidement.
Reuters parle même «d’une armée de transformateurs et de négociants»qui ont changé leur fusil d’épaule afin d’illustrer l’ampleur du phénomène et de son effet potentiel sur les producteurs et les consommateurs de métaux dans le monde.
Au Québec, les alumineries pourraient pâtir d’une baisse des prix de l’aluminium. En revanche, les entreprises manufacturières qui consomment de l’acier, de l’aluminium ou d’autres métaux pourraient bénéficier d’une baisse des coûts de leurs intrants.
Par exemple, depuis le début du mois de mars, le prix de l’aluminium a chuté de 29 %, pour s’établir à 2726$US la tonne, le 6 juin. Difficile de dire avec certitude si les transformateurs et les négociants chinois sont responsables de cette baisse, mais ils y ont certainement contribué.
Les marchés à terme des métaux en Chine tanguent aussi vers le bas, incluant l’aluminium, selon Reuters. Ainsi, les courbes à terme pour l’aluminium, le zinc, les barres d’armature en acier et le minerai de fer indiquent que les prix auront tendance à baisser régulièrement pour le reste de 2022.
La guerre en Ukraine et l’explosion de l’inflation nous ont fait oublier que l’économie chinoise bat de l’aile depuis le début de l’année.
Au premier trimestre de 2022, le PIB de la Chine a augmenté de 4,8 %, selon le National Bureau of Statistics. Un résultat qui est largement inférieur à la cible annuelle de 5,5 % fixée en mars par le premier ministre Li Keqiang pour l’ensemble de l’année 2022.
La prévision annuelle d’une dizaine de banques d’investissement internationales, comme JP Morgan, Bank of America, Barclays et UPS, fait même état que l’économie chinoise progressera en moyenne de 4,4% en 2022, selon une compilation effectuée par la chaîne d’affaires américaine CNBC. La japonaise Nomura prévoit même une croissance sous la barre des 4 %, soit à 3,9 %. C’est dire les problèmes qu’éprouve actuellement la Chine, des problèmes qui expliquent que de nombreux transformateurs et négociants chinois de métaux soient passés d’acheteurs à vendeurs.
L’enjeu est de taille, car les acheteurs chinois ont été à l’origine de la flambée mondiale des prix des métaux, de la mi-2020 à la fin 2021.
À l’époque, ils sillonnaient la planète à la recherche de minerais et de métaux. D’une part, pour approvi-sionner l’immense complexe industriel chinois et, d’autre part, pour constituer des stocks en prévision de nouvelles hausses de prix — ce qui faisait encore plus augmenter les prix… Le flux des commandes des transformateurs s’est inversé depuis mars. À ce moment-là, les vagues successives de COVID-19 ont provoqué des fermetures prolongées d’usines et de magasins.
Cette situation a affecté les achats de produits à forte intensité de métaux (des voitures aux appareils électroménagers), en plus de faire pression sur les prix des intrants de fabrication.