En 2023, Épigraphe a collaboré avec Provencher_Roy à la conception et à la réalisation de cette nouvelle école secondaire de Saint-Jérôme. Le projet a ensuite été conçu par Pomerleau. (Photo: courtoisie)
ARCHITECTURE. En 2019, à 33 ans, Nathan Bonneville et Pierre-Charles Gauthier ont fondé un bureau d’architecture à leur image. Cinq ans plus tard, les deux acolytes se taillent une place du côté de la commande publique, en concevant une architecture durable, qui appartient à la collectivité.
Les deux amis de longue date — Nathan et Pierre-Charles se sont rencontrés pendant leurs études au cégep de Saint-Laurent — avaient l’ambition de créer une architecture pérenne, sensible, qui répond aux besoins des collectivités et mise d’abord et avant tout sur la qualité. Ils ont donc décidé de se spécialiser dans la commande publique.
Depuis ses bureaux de Belœil, Épigraphe a notamment conçu des écoles secondaires et primaires, des CPE, et participé à près de 25 concours d’architecture.
Ce parcours atypique n’était pas la voie la plus facile à prendre. « On cognait à la même porte que des firmes vraiment bien établies, qui ont un portfolio étoffé, pour gagner des appels d’offres, raconte Pierre-Charles Gauthier. C’était très difficile. » De septembre à décembre 2019, la firme n’a amassé qu’un maigre 11 000 $ d’honoraires.
Il en fallait toutefois plus pour décourager les cofondateurs. Ils ont collaboré avec plusieurs joueurs, dont Provencher_Roy, avec qui ils ont réalisé un projet de quatre écoles secondaires. « Certains agissent comme des grands frères », souligne Nathan Bonneville.
Épigraphe a depuis connu une croissance rapide et a exercé au sein de grands consortiums. Ses efforts lui ont aussi valu le prix Relève en architecture 2024 de l’Ordre des architectes du Québec, en plus d’autres distinctions.
Une firme de la relève
Épigraphe compte aujourd’hui une quinzaine de professionnels, dont seulement deux ont déjà soufflé leurs 45 bougies. « On a volontairement choisi des jeunes, qui ont une plus grande propension à nous faire confiance », explique Pierre-Charles Gauthier.
Nathan Bonneville remarque que la mission de création du bureau est attractive pour la nouvelle génération d’architectes. Le bureau a d’ailleurs rédigé un manifeste qui définit sa démarche. Les neuf actions — comme projeter loin demain ou solidariser les voix — rejoignent les aspirations de ceux qui grossissent les rangs de la profession.
« On a une approche holistique. On estime que d’une bonne idée va émerger un bon projet », dit-il. Les stagiaires disposent d’une grande autonomie, et les idées des employés sont reçues avec enthousiasme.
Cette liberté déstabilise parfois les jeunes architectes. « Certains culpabilisent parce que leurs projets ne sont pas monétisés, relève Pierre-Charles Gauthier. C’est vrai qu’on explore beaucoup. On a encore le temps de rentabiliser notre pratique. »
À Épigraphe, la création se retrouve en tête de liste des tâches des employés. « Ils imaginent, ils se trompent, ils recommencent, résume Pierre-Charles. Ils touchent à tout et sont exposés à plein de trucs. »
En choisissant des projets d’impact, le duo croit en outre qu’il crée un environnement de travail stimulant, où les employés sentent qu’ils changent les choses.
La collaboration à l’honneur
« L’échelle de notre firme ne nous permet pas d’être hiérarchisés, ajoute Nathan Bonneville. On apprend en mettant la main à la pâte. » L’équipe travaille en ateliers, comme ça se fait à l’école d’architecture. Les nouveaux venus ne sont donc pas dépaysés en entrant. L’absence de bureaux fermés amène un esprit de collégialité.
Évidemment, dans une firme aussi jeune, on ne peut pas vraiment compter sur des mentors. Le transfert de connaissances passe à la fois par des formations, des dîners-conférences et par cette forte collaboration qui caractérise Épigraphe.
« Nathan et moi, on agit encore comme des personnes-ressources pour l’équipe, remarque le cofondateur. On délègue quand même de plus en plus. Et on s’entoure d’adjoints. »
Les deux complices font « le choix » de continuer à faire des concours d’architecture même s’ils demandent énormément de temps et de ressources. Ceux-ci abordent l’exercice comme de la recherche et du développement.
Inspirer les prochains
La démarche d’Épigraphe se distingue dans le milieu de l’architecture. Ses fondateurs espèrent néanmoins que l’idée fasse des petits. « Je souhaite que notre cas de figure se multiplie pour faire de la commande publique et pour contribuer à des projets porteurs et structurants. On aimerait voir encore plus de concours d’architecture au Québec », lance Nathan Bonneville.
Celui-ci estime que l’important transfert générationnel qui s’opère en architecture au Québec est une occasion. « C’est l’occasion parfaite de revoir la profession, de recommencer à rêver, d’ancrer notre travail dans la beauté », continue-t-il avec fougue.
Pierre-Charles Gauthier partage l’avis de son collègue. « Si on est plusieurs à prendre le temps de créer, à tenter de toujours faire mieux, on retrouvera peut-être plus de variété dans l’environnement bâti au Québec. » Architectes de la relève, l’appel est lancé !