Parmi les autres recommandations d’Aéro Montréal, il est proposé aux PME du secteur de réfléchir à leur marque employeur. (Photo: 123RF)
Avec des bancs vides dans ses programmes d’étude, des usines qui tardent à s’automatiser et une perception environnementale parfois «négative» à son endroit, l’industrie aérospatiale québécoise devra travailler fort pour pourvoir 41 500 nouveaux postes d’ici 2033, d’après le Comité sectoriel de main-d’œuvre en aérospatiale du Québec. Voici les trois principaux chantiers RH du secteur.
1. Mieux faire connaître le secteur
Dans le mémoire déposé lors des consultations prébudgétaires 2024-2025 , Aéro Montréal a rappelé une réalité inquiétante pour l’avenir de son industrie. En 2019, un sondage mené par la firme Léger révélait que les chemins menant à une carrière en «aéro» étaient très mal connus de la génération montante. «Les jeunes ont l’impression que, pour décrocher un emploi dans le secteur, ils doivent nécessairement poursuivre de longues études, en sciences, à l’université, et faire beaucoup de mathématiques», explique-t-on dans le rapport. Conséquence: les taux d’inscriptions des programmes d’étude spécialisés en aérospatiale sont «très faibles»; l’École des métiers de l’aérospatiale de Montréal (ÉMAM) et l’École des métiers du meuble opèrent respectivement à 30% et 50% de leur capacité dans les DEP en aérospatiale.
Plus globalement, il faut aussi reconnaître que le transport aérien a une aura d’industrie «polluante». Et le discours de croissance «durable» n’adhère pas entièrement aux futurs artisans de cette industrie. Lors de la conférence «Les futurs de la mobilité aérienne», tenue en novembre 2023 à l’incubateur Centech de l’ÉTS, la presque totalité des étudiants présents ont questionné les panélistes sur la «décroissance» et les stratégies à mettre de l’avant pour réduire le trafic aérien, alors que, actuellement, l’option n’est pas sérieusement envisagée en Amérique du Nord.
«Avant de parler de décroissance, nous devons apprendre à partager tout ce que nous faisons déjà pour réduire nos émissions et atteindre l’objectif que nous nous sommes fixé: le net zéro à horizon 2050», fait valoir Mélanie Lussier, PDG d’Aéro Montréal. Pour mieux faire connaître le secteur, la grappe aérospatiale québécoise demande une enveloppe de 2 millions de dollars (levier 2 du mémoire prébudgétaire) pour mener une «campagne promotionnelle à grande échelle pour l’industrie».
2. Repenser l’expérience employé
Parmi les autres recommandations d’Aéro Montréal, il est proposé aux PME du secteur de réfléchir à leur marque employeur. «Les PME doivent multiplier les efforts pour attirer, mais aussi retenir les talents qu’elles ont formés et qui privilégient parfois des conditions de travail plus avantageuses et surtout, un salaire plus élevé offert par des compétiteurs de plus grande envergure», explique dans le mémoire. Les entreprises du secteur peuvent d’ailleurs se prévaloir d’un audit de performance «organisationnel» et «opérationnel» dans le cadre du programme MACH d’Aéro Montréal.
Mitchell Aerospace fait partie des PME qui ont bénéficié d’un audit du MACH. Si on remonte à il y a trois ans, le manufacturier montréalais avait des enjeux d’attraction et rétention de personnel. Dans un premier temps, le fabricant de pièces de fonderie de précision pour l’aérospatiale a mis l’accent sur la «santé et sécurité» des employés, entre autres en clarifiant les procédures de travail, en améliorer l’éclairage des lieux de travail et en installant des tapis antistress. «Ces mesures ont créé une confiance envers le personnel», explique Greg Laflamme, directeur de l’usine. Depuis ce temps, les employés ont commencé à proposer des CV provenant de leur réseau d’amis, ce qui ne se faisait pas nécessairement beaucoup auparavant.
3. Automatiser
Attirer (et retenir) plus de gens en aérospatiale n’est évidemment pas la seule solution à la pénurie de main-d’œuvre. Prendre le virage de l’automation pourrait aussi soulager le fardeau des entreprises. «Malgré qu’on parle d’une industrie de haute technologie, il y a encore une certaine forme d’artisanat, ou plutôt, de travail manuel qui subsiste dans certaines entreprises du secteur», reconnaît Mélanie Lussier.
Aéro Montréal a créé le Mach Fab 4.0 en 2017 pour venir en aide aux PME qui songent à automatiser une partie de leurs opérations. «Sans avoir des chaînes de production [automatisées] comme en automobile, ce programme aide les plus petites entreprises à identifier ce qu’elles pourraient numériser ou automatiser dans leurs processus de fabrication.» Jusqu’à maintenant, le programme a aidé 59 entreprises dans le cadre de 199 projets 4.0. «Si les entreprises améliorent leur efficacité [opérationnelle], elles vont consommer moins d’énergie et, donc, nous allons améliorer notre empreinte carbone», souligne-t-elle. Et comme on le sait, une industrie plus «verte» séduira sans doute davantage la génération montante. C’est faire une pierre… trois coups!