« Nous devons protéger Boeing [...] Nous devons absolument aider Boeing », a déclaré mardi le président Donald Trump.
Invoquant leur poids dans l’économie et les risques sociaux d’éventuelles faillites, Boeing et les compagnies aériennes américaines, terrassés par la pandémie de coronavirus, demandent un sauvetage public inédit, mais des critiques refusent un chèque en blanc comme celui accordé aux banques en 2008.
Boeing demande « au moins 60 milliards de dollars » pour les constructeurs aéronautiques, tandis que Delta, American Airlines, United et les autres compagnies réclament 50 milliards.
Faisant valoir que les dégâts causés par la crise sanitaire sont pires pour l’aérien que les attentats du 11 septembre, l’administration Trump a assuré l’aviation civile de son soutien à « 100% ».
« Nous devons protéger Boeing […] Nous devons absolument aider Boeing », a déclaré mardi le président Donald Trump.
Les ventes de billets d’avion devraient chuter de 70% par mois jusqu’en juin, et ensuite de 40% en juillet et août, d’après Scott Kirby, le numéro 2 d’United Airlines.
Environ 10.000 salariés de Delta, 11% des effectifs, ont quitté l’entreprise via un plan de départs volontaires ces derniers jours.
« À moins qu’il y ait un redressement miraculeux du trafic aérien, Airbus et Boeing vont devoir arrêter leur production, ce qui devrait déboucher sur des licenciements massifs », estime Richard Aboulafia, expert chez Teal Group.
Le sauvetage avec l’argent du contribuable sous la forme d’un renflouement direct et de prêts garantis par le gouvernement fédéral intervient après une décennie de croissance marquée par des milliards de dollars de bénéfices.
Un scénario qui n’est pas sans rappeler la situation en 2008 des banques, dont les errements et les prises de risques avaient causé la crise des subprimes ayant mis l’économie mondiale à genoux.
« Se remplir les poches »
Fort des leçons du passé, de nombreuses voix s’élèvent, notamment dans le Parti démocrate, pour demander que toute aide publique soit assortie de conditions et de prises de participations au capital de ces entreprises.
« Pas de chèque en blanc », a tweeté le sénateur démocrate Richard Blumenthal.
« Le gouvernement peut demander une participation au capital des sociétés concernées, ou dans le pire des cas dicter les termes et conditions » de l’aide, estime M. Aboulafia.
Il est reproché à Boeing et aux compagnies aériennes d’avoir choyé leurs actionnaires au détriment des réserves pour les coups durs.
D’après S&P Dow Jones Indices, Delta Airlines, American, Southwest et United, les quatre premières compagnies aériennes du pays, ont ensemble consacré 39 milliards de dollars, lors des cinq dernières années, aux programmes de rachats d’actions destinés à doper artificiellement le cours du titre en Bourse.
Boeing a pour sa part dépensé plus de 35 milliards sur la même période.
« Nous devons aider les travailleurs de l’aérien, mais l’argent devrait s’accompagner de sérieux changements à long terme, comme l’arrêt des rachats d’actions, un salaire horaire minimum de 15 dollars », demande l’influente sénatrice démocrate Elizabeth Warren.
Tous ces critiques jugent qu’on ne peut laisser tomber le secteur, dont l’effondrement déstabiliserait le tissu économique de nombreux États américains.
Le secteur aéronautique soutient plus de 2,5 millions d’emplois aux États-Unis et 17.000 sous-traitants, affirme Boeing, tandis que les compagnies aériennes emploient directement 750.000 personnes et sont associées à 10 millions d’emplois indirects, d’après le lobby Airlines For America.
Chez Boeing, « toute assistance du gouvernement devrait être conditionnée à ce que (Dave) Calhoun (le directeur général) ne touche pas de salaire; que les autres membres de l’équipe dirigeante, qui perçoivent des millions de dollars, voient leur rémunération fortement réduite; que les membres du conseil d’administration ne perçoivent aucun salaire », préconise Scott Hamilton, expert chez Leeham.net.
Les syndicats plaident eux pour un plan de sauvetage dont l’accent devrait être mis sur la protection des salariés.
« L’argent des contribuables ne doit servir ni à payer les bonus des patrons, ni les rachats d’actions, ni à verser les dividendes, ni à mettre fin aux accords sociaux en cas de faillite », avance Sara Nelson, présidente de l’organisation des personnels navigants AFA.