Si Boeing ne reçoit pas la certification pour le MAX-10 d’ici la fin de l'année, ou une dérogation de la part du Congrès, le constructeur devra donc modifier le cockpit de l’appareil.(Photo: 123RF)
Farnborough — Des accidents du 737 MAX aux mésaventures de ses gros porteurs, Boeing peine à émerger de la plus grave crise de son histoire. Au premier jour du salon aéronautique de Farnborough au Royaume-Uni lundi, le géant américain a cherché à marquer les esprits en signant de gros contrats.
La compagnie américaine Delta a d’abord passé une commande ferme de cent modèles du 737 MAX 10, le moyen-courrier de Boeing, ce qui représente un montant de 13,5 milliards de dollars américains au prix catalogue. L’accord prévoit aussi une option pour l’achat de trente appareils supplémentaires.
La holding du transporteur japonais ANA a, elle aussi, confirmé l’acquisition de vingt MAX 8 (2,4 G$US au prix catalogue) avec une option pour dix avions de plus. Le contrat figurait déjà dans le carnet de commandes de Boeing, mais l’acheteur n’avait pas été dévoilé.
«Nous sommes fiers de la qualité de nos clients et de leurs compétences commerciales», s’est félicité le patron de Boeing Dave Calhoun, interrogé sur CNBC après l’annonce.
Pour M. Calhoun, la commande de Delta, dernière grande compagnie américaine à acheter des MAX, est le signe de la confiance retrouvée envers le modèle phare de Boeing.
Le groupe compte prouver que les déboires de l’appareil, cloué au sol pendant 20 mois, de mars 2019 à décembre 2020 après deux écrasements mortels, sont derrière lui.
Depuis le retour dans le ciel du MAX, Boeing s’est efforcé de faire amende honorable auprès des autorités américaines et des régulateurs, reconnaissant partiellement sa responsabilité dans les accidents et versant plusieurs milliards de dollars pour solder des poursuites.
Le MAX et les autres modèles de Boeing restent toutefois fragilisés par les perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale, les pénuries de personnel et la crise ukrainienne, qui pourraient peser sur l’augmentation des cadences de production. Boeing construit actuellement une moyenne de 31 MAX par mois.
Le sort du MAX 10, version la plus grande et la plus récente du moyen-courrier, est entre les mains du Congrès américain, qui doit décider d’ici fin décembre d’accorder ou non une exemption à une loi imposant de nouvelles normes pour le système d’alerte de l’équipage.
M. Calhoun a laissé entendre dans une récente interview à Aviation Week que l’entreprise pourrait renoncer au MAX 10 s’il n’obtenait pas de dérogation ou n’était pas certifié avant la fin de l’année.
Une absence de certification impliquerait des formations supplémentaires pour les pilotes, rendant le modèle plus coûteux pour les compagnies, qui pourraient s’en détourner.
Lundi, M. Calhoun a toutefois assuré sur CNBC que Boeing comptait «faire valoir ses arguments» et se montrer «convaincant».
Accumulation de charges
Sur le marché des gros porteurs, la plupart des livraisons du 787 Dreamliner sont gelées depuis que des vices de fabrication ont été découverts à l’été 2020. Quant à la future version du 777, le 777X, sa certification a de nouveau été repoussée à 2025 pour satisfaire à des exigences réglementaires.
«Quand on ne produit pas, c’est difficile d’obtenir des commandes», a souligné dimanche à Londres Stan Deal, président de la division commerciale de Boeing, à propos du 787.
Avec 51 avions livrés en juin (dont 43 MAX), Boeing a malgré tout réalisé son meilleur mois depuis mars 2019.
Pas encore remis de la pandémie, le groupe a accumulé les charges au premier trimestre (guerre en Ukraine, renégociation du contrat de l’avion présidentiel Air Force One, etc.) et sa dette s’élevait fin mars à près de 58 G$US.
«Financièrement, l’entreprise n’est pas dans un risque existentiel», rassure Michel Merluzeau, du cabinet spécialisé AIR, qui estime que certains programmes, notamment dans le secteur de la défense, seront rentables sur le long terme.
C’est, selon l’expert, le cas du ravitailleur militaire KC-46 ou du MQ-25, futur drone ravitailleur de la Marine américaine.
Boeing a également des ambitions dans la conquête spatiale. Sa capsule Starliner, qui doit transporter les astronautes de la Nasa vers la Station spatiale internationale, a réussi fin mai un test clef après moult péripéties, mais fait face à SpaceX, l’entreprise d’Elon Musk.
Reste la question du lancement d’un nouveau modèle pour combler le segment de marché entre le MAX et le 787 et rivaliser avec l’A321 d’Airbus, notamment sa version au très long rayon d’action.
Dave Calhoun a enterré début 2020 un projet de NMA (New Midsize Aircraft), mais de nombreux observateurs pensent que Boeing pourrait le relancer sous peine d’abandonner trop de parts de marché à son concurrent européen.