«J'espère que je serai indemnisée ou créditée.»
Le plus important transporteur aérien canadien est surchargé d’appels de voyageurs qui tentent de réserver des vols, dans la foulée des nombreuses annulations causées par la décision du gouvernement fédéral de clouer au sol les appareils Boeing 737 Max 8.
Avec l’avalanche d’appels au service à la clientèle d’Air Canada mercredi et jeudi, l’entreprise a enregistré un message dans lequel elle prévient que le volume dépasse temporairement sa capacité à répondre aux appels, voire à les mettre en attente.
Le message évoque des «circonstances imprévues» et redirige les clients vers le site Internet d’Air Canada.
Kimberly Yetman Dawson, qui est en visite dans sa famille en Ontario, dit avoir réservé un deuxième vol vers Halifax samedi prochain, au double du prix, car elle se demandait si son trajet initial, qui devait se faire dans un Max 8, aurait lieu.
«J’espère que je serai indemnisée ou créditée, a-t-elle soutenu. C’est en suspens.»
Cette impasse a forcé Air Canada à mettre en place une ligne spéciale pour les passagers des vols du Max 8 qui devaient quitter dans les 48 prochaines heures. Les clients touchés peuvent composer le 1-833-354-5963.
Le transporteur aérien a annoncé qu’il assumerait les frais d’annulation et les frais de changement de réservation des vols du Max 8 dans les trois semaines suivant la date du voyage initial.
La compagnie possède 24 Max 8 qui transportent quotidiennement entre 9000 et 12 000 passagers. Les avions desservent des itinéraires populaires, notamment Vancouver-Calgary et Montréal-Los Angeles, ainsi que des régions touristiques prisées en mars, dont le Mexique, les Caraïbes et Hawaii.
Maninder Singh, propriétaire de l’agence de voyages InterSky à Montréal, a indiqué que l’interdiction du Max 8 lui ferait perdre de l’argent, puisqu’il devra rembourser des passagers dont les vols ont été annulés. «Nous perdons évidemment notre marge bénéficiaire, a-t-il indiqué. Nous devons appeler chaque client [Max 8] et vérifier les dates de remplacement.»
Le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, a expliqué mercredi matin que la décision de clouer au sol ces appareils était une mesure préventive, mise en oeuvre après l’évaluation des preuves disponibles, trois jours après la catastrophe d’Ethiopian Airlines, qui a coûté la vie aux 157 personnes à bord, dont 18 Canadiens.
WestJet, qui a 13 Max 8 assurant des trajets notamment vers la Floride, a annulé 11 vols jeudi, ce qui a affecté 1200 passagers. Plus des trois quarts de ces voyageurs seraient redirigés vers les vols de jeudi; les autres partiraient vendredi ou samedi, a annoncé la compagnie aérienne.
Les deux transporteurs aériens ont déclaré qu’ils n’indemniseraient pas les clients pour l’hébergement.
Un «choc» pour les transporteurs
«Les 72 premières heures représentent un choc majeur», a déclaré Mark Gallardo, vice-président de la planification du réseau chez Air Canada. «Avec le temps, nous aurons beaucoup plus d’options pour récupérer.»
La compagnie aérienne espère pouvoir compter sur plusieurs avions Embraer E-90 et Airbus A320 qui devraient être sortis de la flotte ce mois-ci, a déclaré M. Gallardo.
Air Canada pourrait aussi réduire le nombre de vols et choisir des avions plus gros, ou réorienter les passagers vers d’autres compagnies aériennes, mais les options comportent toutes un coût, a souligné M. Gallardo.
Plus de 40 pays, dont les États-Unis, la Chine et tous les États de l’Union européenne, ont choisi de maintenir au sol ou d’interdire dans leur espace aérien les Max 8 en raison de préoccupations de sécurité. Certains ont aussi tracé un parallèle entre l’accident de dimanche et un autre survenu en Indonésie le 29 octobre dernier, lorsque le même type d’appareil avait plongé dans la mer de Java, tuant les 189 personnes à bord.
Embouteillage mondial à prévoir
Mary Jane Hiebert, présidente de l’Association canadienne des agences de voyages, a fait remarquer que l’interdiction d’utilisation presque généralisée des 375 Max 8 dans le monde créera un embouteillage international.
«Il y a des vols de correspondance, des partenaires stratégiques. Un avion d’Air Canada qui va vers une certaine destination, on monte à bord d’un Max 8 avec United Airlines ou un autre transporteur — mais on ne peut plus maintenant», a-t-elle expliqué.
Les pilotes, les agents de bord et les mécaniciens sont formés pour travailler sur des types d’aéronefs spécifiques, ce qui pourrait compliquer la réorganisation des vols, selon Mme Hiebert.
Andrea Carr-McNeill, directrice du marketing chez The Travel Store, à Charlottetown, a raconté que son agence de voyage avait été inondée d’appels de clients au cours des dernières 24 heures. «On a six bureaux dans les Maritimes et nous avons arrêté de compter, il y en a eu trop, a-t-elle indiqué. La patience est une vertu que nous devons tous avoir en ce moment.»