Ces premiers essais en vol interviennent alors que la FAA est sommée de s’expliquer mercredi devant le Congrès.
Boeing (BA), pressé de faire lever l’interdiction de vol frappant sa flotte de 737 MAX, a procédé à des essais en vol pour tester une version corrigée de son système anti-décrochage, mis en cause dans deux accidents, selon deux sources proches du dossier.
Ces premiers essais en vol interviennent alors que l’agence fédérale de l’aviation (FAA) est sommée de s’expliquer mercredi devant le Congrès sur la manière dont elle a autorisé le 737 MAX à voler.
Ils se sont déroulés lundi après des tests sur simulateurs de vol effectués samedi à Renton (Washington) par des pilotes d’American Airlines et Southwest, deux compagnies clientes du 737 MAX, ont précisé à l’AFP mardi ces sources, sous couvert d’anonymat.
L’avionneur est lancé dans une course contre la montre pour obtenir une nouvelle autorisation de faire voler les 737 MAX, qui sont cloués au sol depuis près de deux semaines en raison de l’accident d’Ethiopian Airlines le 10 mars, qui présente des similitudes avec celui de Lion Air survenu fin octobre. Les deux accidents ont fait au total 346 victimes.
Dans les deux cas, des experts estiment que le système de stabilisation MCAS, qui mesure l’angle d’attaque, soit l’inclinaison de l’appareil, a contribué aux tragédies.
Le MCAS, qui met l’avion en piqué quand cela est nécessaire pour lui permettre de reprendre de la vitesse et l’éloigner du risque de décrochage fatal, avait été développé spécialement pour le 737 MAX dont les moteurs sont plus lourds que ceux du traditionnel 737 NG.
Boeing n’a toutefois pas encore transmis le correctif à la FAA, censée le certifier avant de lever la suspension de vol, a indiqué à l’AFP une source gouvernementale.
Contacté par l’AFP, Boeing n’a pas souhaité commenter ces informations, indiquant consulter « régulièrement » les régulateurs sur ces modifications.
Parmi les changements apportés par Boeing, le MCAS ne pourra plus effectuer des opérations répétées quand le pilote s’efforce de reprendre la main et sera automatiquement déconnecté en cas de désaccords entre deux sondes d’incidence (« Angle of attack », AOA), ont expliqué à l’AFP deux autres sources proches du dossier.
Ceci est un changement majeur, car jusqu’à l’accident d’Ethiopian Airlines, le MCAS était paramétré pour suivre les informations d’une seule sonde à la fois.
D’après les premiers éléments de l’enquête concernant Lion Air, une des deux sondes d’incidence AOA était tombée en panne, mais elle avait continué à transmettre des informations aux calculateurs, notamment au MCAS.
Or pour le moment cet instrument prend la main sur les commandes de vol et met l’avion en piqué, même si le pilote tente de le cabrer au contraire, et ce, tant que le système n’est pas désactivé.
Avec l’AOA hors service, il aurait fallu désactiver le MCAS pour que l’équipage puisse reprendre le contrôle de la machine.
La FAA sur la sellette
Le pilote serait désormais capable de déduire que le MCAS ne fonctionne plus grâce à un système d’alerte lumineux, baptisé « AOA disagree », indiquant que les deux sondes émettent des données contradictoires.
Boeing a informé les compagnies clientes du 737 MAX qu’elles pouvaient commander le correctif, désormais gratuit. Celui-ci sera installé ultérieurement sous réserve qu’il obtienne sa certification.
Ces informations interviennent à la veille d’auditions devant le Congrès américain de responsables de la FAA, dont la procédure de certification du 737 MAX fait l’objet d’un audit et suscite des interrogations sur la manière dont elle a été délivrée en raison de la proximité de cette administration avec Boeing.
« Nous allons suivre de très près les auditions de mercredi », a réagi Boeing. « La sécurité est notre priorité absolue lorsque nous concevons, fabriquons, livrons et faisons la maintenance de nos avions », a ajouté l’avionneur.
Devant le Congrès, la FAA devra défendre ses pratiques consistant à déléguer aux entreprises comme Boeing certaines de ses missions, faute de budget suffisant, estime Scott Hamilton. Cet expert du cabinet Leeham Company s’attend en particulier à ce que l’agence défende la manière dont le MCAS a été certifié.
Les élus pourraient aussi demander à la FAA de donner des garanties que tout système modifié sera soumis à un rigoureux processus de certification.
« Je pense que le Congrès lui-même devrait témoigner sur des années de financements insuffisants pour que la FAA puisse faire son travail », a estimé M. Hamilton. « Mais ils n’assumeront pas cette responsabilité », a-t-il regretté.
De son côté, le ministère des Transports américain, qui a ordonné un audit de la certification du 737 MAX, a mis en place un comité spécial pour examiner la procédure de certification de nouveaux avions.
« Cet examen mené par des experts externes va contribuer à déterminer si des améliorations doivent être apportées », a déclaré la ministre des Transports Elaine Chao.