Vingt ans après s’en être séparé, Boeing va racheter son sous-traitant Spirit AeroSystems, accablé par des problèmes de production. (Photo: Getty Images)
New York — Vingt ans après s’en être séparé, Boeing va racheter son sous-traitant Spirit AeroSystems, accablé par des problèmes de production, mais une partie des activités doit être reprise par Airbus, ont annoncé lundi les deux grands concurrents de l’aéronautique mondiale.
Côté Boeing, la transaction se fera entièrement en actions, au prix de 37,25$ par titre, valorisant Spirit AeroSystems à 4,7 milliards de dollars américains (G$US) ou 8,3G$US en incluant la dette, a expliqué le constructeur américain dans un communiqué.
Il représente de loin le plus important client de Spirit, dont les revenus provenaient à 60% de l’avionneur en 2022, dont des fuselages.
Mais l’équipementier constitue aussi un fournisseur stratégique d’Airbus, pour lequel il produit notamment des éléments d’ailes.
L’avionneur européen a indiqué, dans un communiqué distinct, avoir «conclu un accord contraignant avec Spirit AeroSystems portant sur l’acquisition potentielle d’activités majeures liées à Airbus».
Cette transaction doit se faire pour un dollar symbolique, et Airbus recevra même une compensation de 559 millions de dollars américains, selon les termes initiaux de l’accord, susceptibles d’évoluer et soumis à l’imprimatur des autorités.
Mais Airbus devra consentir des investissements supplémentaires pour accompagner la montée en cadence de la production des activités qu’il doit récupérer.
Il s’agit d’un sujet crucial pour le constructeur européen, qui a révisé en baisse ses objectifs annuels de livraisons d’appareils commerciaux la semaine dernière.
La finalisation est attendue pour mi-2025, sous réserve des autorisations nécessaires.
D’après le communiqué de Boeing, l’avionneur européen doit racheter des opérations à Prestwick (en Écosse), à Subang (en Malaisie) et à Belfast (Irlande du Nord), dont certaines ne lui sont pas directement liées.
De son côté, le groupe américain va récupérer des activités situées principalement à Wichita (Kansas), Tulsa (Oklahoma) et Dallas (Texas), qui devraient générer environ un milliard de dollars américains de chiffre d’affaires annuel.
« Nous pensons que cet accord est dans le meilleur intérêt des voyageurs, de nos clients, des employés de Spirit et Boeing, de nos actionnaires et de notre pays plus généralement », a estimé Dave Calhoun, patron de Boeing, cité dans le communiqué de son entreprise.
Boeing et Spirit AeroSystems avaient confirmé début mars des discussions préliminaires en vue de ce remariage.
Lancé dans une politique d’externalisation pour ne conserver que l’assemblage final des avions, Boeing a donné naissance à Spirit AeroSystems en 2005 en se séparant de son usine de Wichita (Kansas), spécialisée dans les aérostructures.
Le nouvelle société indépendante a, depuis, diversifié sa clientèle et grossi à coups d’acquisitions.
Mais les deux entreprises sont sous étroite surveillance depuis un incident en vol le 5 janvier sur un Boeing 737 MAX 9 de la compagnie Alaska Airlines.
«Stabilité d’approvisionnement»
L’Agence américaine de l’aviation (FAA) a signalé le 4 mars l’identification de «problèmes de non-conformité dans le processus de contrôle de fabrication, la manipulation et le stockage des pièces détachées et le contrôle de la production» chez Boeing et Spirit.
Trois des quatre familles d’avions commerciaux actuellement fabriqués par Boeing sont visés par des enquêtes de la FAA pour des problèmes de qualité: le 737, le 777 et le 787 Dreamliner.
L’avionneur européen a précisé que son volet de la transaction concernerait des « activités majeures liées à Airbus ».
En particulier la production de sections de fuselage de l’A350 à Kinston (Caroline du Nord) et à Saint-Nazaire (France), des ailes et du fuselage central de l’A220 à Belfast et à Casablanca (Maroc), ainsi que des pylônes de l’A220 à Wichita.
« Avec cet accord, Airbus entend assurer la stabilité de l’approvisionnement de ses programmes d’avions commerciaux », a relevé le groupe.
Pour Peter McNally, analyste de Third Bridge, « la logique industrielle d’intégration de la chaîne d’approvisionnement est saine, mais la réalité pourrait se révéler plus difficile du fait des défis de Boeing dans son propre processus de fabrication ».
La succession de problèmes de qualité de la production de Boeing l’a conduit à annoncer début mars le projet de réintégration de Spirit. Pour Airbus, il était impensable que son principal concurrent devienne l’un de ses fournisseurs stratégiques.
« Nous ne voulons pas que des lots de travail importants soient fournis par notre principal et seul concurrent », avait souligné fin avril Guillaume Faury, président exécutif d’Airbus, disant suivre « de près » la situation.
Vers 11H40, l’action Boeing progressait de 2,24% et celle de Spirit AeroSystems de 2,95% à la Bourse de New York. Le titre d’Airbus prenait 2,74% à la Bourse de Paris.